Que veut Jean-Michel Blanquer, le nouveau ministre de l’Éducation ?

En 2014, la Fondapol invitait Jean-Michel Blanquer à présenter son livre « L’école de la vie » dévoilant ainsi l’essentiel de la philosophie de l’éducation.

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Que veut Jean-Michel Blanquer, le nouveau ministre de l’Éducation ?

Publié le 19 mai 2017
- A +

Par Yama Darriet.
Un article de Trop Libre avec @Hémisphère Droit


Discussion autour de l’ouvrage L’école de la… par fondapol

Le 26 novembre 2014, Dominique Reynié1, Camille Bedin2, François Garçon3 et Julien Gonzalez4 débattaient avec Jean-Michel Blanquer sur son nouveau livre : L’école de la vie.

Dominique Reynié commence par rappeler l’impossibilité de séparer le parcours de Jean-Michel Blanquer de l’école. Professeur de droit public, ancien recteur de l’académie de Guyane et de l’académie de Créteil, il est actuellement directeur général du groupe ESSEC.

Ainsi son ouvrage a-t-il à la fois un aspect documenté et un caractère éminemment personnel. Cela permettant un éclairage sur des expériences très diverses dans le domaine de l’éducation.

Contre le fatalisme et le pessimisme

Allant contre le sentiment de fatalité et le pessimisme qui entoure l’école, l’auteur, notamment à travers la polysémie du titre de son ouvrage, met en valeur la vitalité qui doit émaner du lieu d’apprentissage. En effet, même si le système est complexe, il est possible de faire preuve d’optimisme.

Élément essentiel car seule l’éducation conduit à la liberté. Comme le rappelle Kant : l’homme ne peut pas être homme s’il n’est pas entouré. L’enseignement constitue donc un thème central, et bien que tous s’accordent pour le dire, ni les médias, ni les responsables politiques ne parviennent à en discuter de manière apaisée et sans faire preuve de clanisme.

Élever le débat public sur l’école

Jean-Michel Blanquer voit là la conséquence de nombreux travers du débat politique actuel. Effectivement, l’exigence de simplicité, voire de simplisme, et d’immédiateté est incompatible avec toute politique raisonnée de l’éducation.

Aussi face à la superficialité des querelles et des clivages désuets entre « traditionalistes » et « progressistes », la mise en oeuvre d’expériences et d’initiatives dans le domaine de l’éducation permet-elle de lutter contre l’immobilisme.

Mais alors, comment identifier précisément les défauts de notre système éducatif ? En regardant ailleurs, répondrait à cette question François Garçon, ravi de l’obsession de « comparatisme » qui anime l’auteur de L’École de la vie. Il est vrai que, éclairé par son expérience de terrain, Jean-Michel Blanquer n’hésite pas à critiquer et proposer.

Le problème du syndicalisme

Ainsi évoque-t-il les différents archaïsmes des syndicats enseignants, organisations éclatées, superficielles, souvent politisées et surtout dépourvues plus que jamais d’idéaux. C’est bien ce corset de règles anachroniques et de contraintes qui handicape l’Éducation française.

L’école a besoin de plus de liberté dans l’initiative et dans la prise de responsabilité. En soulevant cette chape de plomb, en donnant plus d’autonomie aux établissements, en modifiant les modalités d’évolution de carrière des enseignants, nous parviendrons à redonner de la vie à notre système éducatif.

Camille Bedin soulève alors un paradoxe : pourquoi l’enthousiasme et le dynamisme qui existent parfois au niveau local ne se traduisent-ils pas en des débats plus riches et des résultats sur le plan national ? La situation de l’éducation en France est très hétérogène souligne Jean-Michel Blanquer.

L’hétérogénéité française en matière d’éducation

Ainsi existent-ils des contrastes entre régions rurales qui se portent bien, comme la Bretagne, et d’autres en plus grande difficulté telles que la Normandie. De manière similaire, les banlieues ne peuvent pas être perçues comme un tout uniforme, la Seine-Saint-Denis possède par un exemple un taux d’accès à l’enseignement supérieur plus élevé que la moyenne nationale.

Il n’existe donc pas de solution simple à cette problématique. Cependant, l’auteur distingue des leviers qui permettraient d’améliorer le système. Tout d’abord, il est nécessaire de consolider l’école primaire dont les résultats ont été positifs lors de la dernière décennie.

Mais surtout, il est indispensable de mettre en oeuvre une véritable révolution du collège en accentuant la personnalisation des parcours scolaires, en créant des groupes de compétences, en développant les liens entre les disciplines, en valorisant les multiples formes d’excellence qui permettent de compenser les faiblesses en misant sur les qualités de chacun.

Faire revenir la vie à l’école

Aussi pourquoi ne pas faire revivre les rituels qui ponctuaient l’école de la République ? Effectivement, les césures dans l’enseignement français sont multiples et brutales : passage de la maternelle à l’élémentaire, de l’élémentaire au collège, du collège au lycée, du lycée à l’enseignement supérieur. S’il est vrai qu’il est nécessaire de les atténuer, pourquoi ne pas les assumer ? Voilà également une manière de faire revenir la vie à l’école.

Puis, François Garçon s’interroge sur les entraves conséquentes à la structure compartimentée de l’enseignement français. Comment constituer une équipe cohérente lorsque agrégés méprisent capétiens et lorsque capétiens snobent contractuels ? Et surtout, comment libérer les chefs d’établissements de ces nombreuses entraves ?

La carrière des enseignants

Tout d’abord, Jean-Michel Blanquer propose de donner une dimension plus progressive aux carrières des enseignants, dont le rythme est aujourd’hui marqué par les effets brutaux et parfois incohérents des concours.

Pour cela, il suggère de donner plus de légitimité et de marge de manœuvre aux chefs d’établissements, dont les compétences avérées permettront de constituer des équipes harmonieuses. Avancerions-nous ainsi vers une caporalisation des établissements ?

Certainement pas si plus de responsabilités sont confiées aux professeurs, et en ce sens, l’expérience de la création du poste de préfet des études5 dans certains établissements donne des résultats encourageants.

Par ailleurs, l’Europe a elle aussi sa place dans ce nouveau débat, non seulement en tant qu’objet d’étude mais aussi comme élément fondamental de la vie extra-scolaire des élèves. En effet, souligne Jean-Michel Blanquer, l’école de la vie ne peut pas être sur la défensive, elle doit agir, irradier, bénéficier de son environnement et créer des interactions fécondes avec les entreprises et les familles.

Un monde qui change

Elle ne peut pas être une bulle isolée au milieu de la société. Car comme le précise Julien Gonzalez, il existe de nombreuses incohérences dans l’Éducation. Ainsi, alors que le Master tend à devenir la norme, il n’y a plus assez de postes de cadre disponibles, tandis que certains emplois exigeant une moindre qualification demeurent non pourvus.

C’est pourquoi dans ce monde qui change, dans lequel il est impossible de ne plus être diplômé sans s’exposer à des difficultés professionnelles, l’école doit permettre à tous d’avoir une qualification d’actualité, un outil réel pour l’avenir.

Pour ce, seuls un continuum, la multiplication des passerelles entre les formations, un décloisonnement de l’enseignement dans l’espace et le temps permettront de former une jeunesse adaptée aux défis de son siècle.

L’école doit donc tenir le coup conclut Dominique Reynié, car comme l’écrit Jean-Michel Blanquer : « Le contraire de l’éducation, c’est la démagogie ».

Jean-Michel Blanquer, L’école de la vie, Editions Odile Jacob, 2014, 312 pages.

Sur le web

  1.  Directeur général de la Fondation pour l’innovation politique.
  2.  Secrétaire générale adjointe de l’UMP en charge de l’éducation.
  3.  Historien et enseignant-chercheur à l’université Paris I-Sorbonne.
  4.  Responsable d’études dans un syndicat professionnel.
  5.  Bulletin officiel du 22 juillet 2010 : le préfet des études est un nouveau professionnel de l’Éducation nationale, en France. Cette fonction a été testée, en 2010, à titre expérimental, dans 105 établissements puis a été généralisée à la rentrée 2011 dans les établissements ÉCLAIR (Écoles, Collèges et Lycées pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite).
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  • Seul l’éducation conduit à la liberté………heu , éducation veut dire endoctrinement……la connaissance conduit à la liberté ou l’enseignement.
    On est mal barre si il n’y a a pas eu une erreur de terme employé !

  • L’école primaire, après la section des grands de maternelle n’apprend pas à lire, mais à alphabétiser. Lire vraiment , i-e au départ comprendre un texte écrit dès le plus jeune âge ne nécessite pas de passer par la bouche et l’oreille.

    Sachant qu’on ne sait vraiment lire que si votre esprit « sursaute » immédiatement et réagit quand vous lisez une contre-vérité telle que « Les Français ont élu  Emmanuel Macron président », ce qui est objectivement faux et conditionnant. Vous aviez sursauté ?

    Une fois qu’on a appris à efficacement lire et ….. à raisonner mathématiquement, mais pas avec les problèmes débiles qu’on trouve encore dans les manuels de CM2, il importe que l’accompagnant (Soyons modestes) des enfants qui s’auto-éduquent dans un cadre scolaire, en sus du cadre familial sache aider à maîtriser l’incontournable ordinateur, sinon la tablette et le téléphone mobile.

    Et que ces outils servent aussi à correspondre avec d’autres classes de préférences éloignées. Sans interdire l’usage de Skype ou autre, ne serait-ce que pour préparer très jeune aux télé-conférences professionnelles.

    En bannissant pour le moins la dictée qui « sous quelque forme que ce soit n’est pas un exercice d’orthographe » (Commission Rouchette – 1978) au profit des améliorations de texte et des rédactions. Et également la grande menteuse autrement dénommée « Histoire de France ».

    Qu’on initie nos enfants à la langue dictatoriale qu’on parle à Londres, à New-York et à Sydney entre autres, d’accord ; mais parallèlement surtout en faisant admirer pas forcément les grands auteurs, mais ceux qui savent correctement utiliser les richesses de notre langue (qui n’est plus de Molière) pour se faire comprendre avec précision en 2017. Ce qui devrait éviter de prendre pour pain béni le blabla des politiciens.

    Est-ce que ça implique de recycler efficacement les « instits » , en en reconvertissant certains « irrécupérables » dans des tâches diverses, mais plus comme responsables d’une classe ?

    Notre nouveau ministre peut-il comprendre çà ? A-t-il au moins jamais entendu parlé de Célestin Freinet.

    • « entendu parler », c’est mieux, car il faut évidemment, aussi compliquée et pas facilement modernisée soit-elle, aider nos chères petites têtes blondes, noires ou frisées à acquérir l’orthographe française qui a tout de même des vertus.

      Ce qui impliquait de ne pas oublier un ? derrière le patronyme du grand pionnier qu’heureusement la der des der n’avait pas tué.

    • L’école ne se reformera pas tant que les gens penserons comme toi.l’ecole est un mini société ,elle a un but enseigner des connaissances , la classe, créer un lien social , la récréation et des activités collectives.
      Le numérique , la dedans doit jouer le rôle du crayon ,du livre ou du ballon ,en aucuns cas être le seul lien avec les autres..apprentissage de la téléconférence en maternelle…c’est la pire chose à faire !

      C’est tout

    • « Sachant qu’on ne sait vraiment lire que si votre esprit « sursaute » immédiatement et réagit quand vous lisez une contre-vérité » : trop fort !

      Ah que c’est simple le monde au prisme de la dialectique : une seule vérité, un esprit critique universaliste, le surhomme quoi !

      A quoi ça sert une contre-vérité ?

  • Pour mieux comprendre notre problème d’éducation en France, il faut en revenir à l’instruction, i.e la transmission des savoirs et la concurrence ! La concurrence c’est la liberté (Bastiat), Seule la concurrence donne la vraie valeurs aux marchandises (Montesquieu).
    Qui mieux que Bastiat pour expliquer ceci, dans son texte « Baccalauréat et socialisme » http://bastiat.org/fr/baccalaureat_et_socialisme.html
    Extrait : J’affirme ceci, Les doctrines subversives auxquelles on a donné le nom de socialisme ou communisme sont le fruit de l’enseignement classique, qu’il soit distribué par le Clergé ou par l’Université. Ou ça : Et pourquoi les partis ambitionnent-ils la direction des études? Parce qu’ils connaissent ce mot de Leibnitz: « Faites-moi maître de l’enseignement, et je me charge de changer la face du monde. » Comme pour Gramsci, « Le pouvoir se prend par la culture ».
    Bastiat disait que tout monopole est un système communiste, et le pire de ces monopoles est celui de l’instruction publique, car quand il instille une erreur dans le système c’est toute la société qui en subit les conséquences. Tout est dit, n’est-ce-pas !!!

  • Depuis la fin du XIXe siècle, l’enseignement élémentaire a toujours eu pour fonction principale l’apprentissage des savoirs de base (lire, écrire, compter). Pour le reste (bases culturelles), des évolutions ont eu lieu, mais cela reste accessoire. Les professeurs des écoles se heurtent aujourd’hui à un problème majeur : l’affaissement du niveau d’éducation familiale. Les enfants sont devenus inattentifs, instables parce que toute discipline stricte a disparu dans beaucoup de familles. Mais il ne faut pas généraliser bien entendu.
    L’enseignement secondaire a été presque généralisé à l’ensemble de la population concernée. Son objectif ancien était la transmission d’une culture et non l’apprentissage de techniques de base comme dans l’enseignement primaire. Ce fut un échec, pas total, mais partiel et assez large. Les enseignants savent que la pensée, la réflexion n’intéresse absolument pas certains profils d’élèves. Le développement de l’enseignement technique aurait dû permettre de créer un enseignement secondaire professionnalisant mais cela suppose une coordination étroite avec le milieu professionnel. Elle n’a pas eu lieu (en règle générale, mais il y a des exceptions) pour des raisons idéologiques. Les syndicats de gauche se méfient comme de la peste des entreprises et de leurs dirigeants.
    Tous ceux qui ont fréquenté l’université savent que l’absence de sélection à l’entrée conduit à des amphithéâtres surchargés d’étudiants peu motivés et parfois totalement ignares. La sélection a lieu pour l’entrée en STS ou en IUT, mais surtout pas dans les universités. Obstacle politique encore et toujours.
    Bon courage, monsieur le Ministre.

  • Tout ceci se tient à l’intérieur du principe de l’état enseignant.
    Or c’est là que se situe le mal profond. Mettez de la concurrence au sein de notre éducation, au moyen de « chèques-éducation » par exemple, valables auprès de n’importe quelle école publique ou privée et, au bout de 5 à 10 ans, vous avez une école de qualité car les moins bonnes auront disparues faute d’élèves (et donc faute de moyens, le financemnt venant des chèques présentés par les parents).

  • Beaucoup de blabla

  • Il ne semble pas que le nouveau ministre de ce que l’on devrait appeler l’instruction et non pas l’éducation ait une vision très sociologique des problèmes récurrents qui se posent au pays ; Il semble plutôt en avoir une vision un peu trop globale voire même technocratique.
    De toute évidence et fort heureusement il connait son sujet et ne pourrait être plus indigent que la personne à qui il a succédé.

  • Il faut en finir avec la diplomite qui ronge le système. 99% des postes à pourvoir dans la société ne nécessite pas d’aller à l’école jusqu’à 23-25 ans. C’est complètement ridicule. Passé 20 ans tout le monde devrait avoir quitté l’apprentissage au moins partiellement et faire profiter la société de ses capacités créatrices. Aujourd’hui avec internet et les nouvelle technologie il est vraiment très facile de continuer à se former, à apprendre tout au long de sa vie, les années passé à l’école sont du gâchis. Les entreprises doivent également cesser d’entretenir ce système idiot qui pousse à sortir toujours plus tard du système scolaire en cessant de se reposer paresseusement sur l’Ednat d’une part et en arrêtant de pratiquer des embauches toujours plus élitiste basée uniquement sur des diplômes à la valeur toute relative par esprit de confort et de conformisme. Embaucher une bac+7 parlant 8 langues comme caissière n’est pas une bonne idée même si vous trouvé des candidats.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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