Édouard Philippe est-il vraiment business friendly ?

Édouard Philippe est incontestablement une personnalité brillante, intelligente, techniquement compétente. Mais ce n’est certainement pas un ami de l’entreprise.

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Édouard Philippe est-il vraiment business friendly ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 16 mai 2017
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Par Éric Verhaeghe.

Plusieurs thuriféraires se sont répandus dans la presse sur le caractère business friendly d’Édouard Philippe. On comprend bien l’injonction qui s’exerce sur certains médias subventionnés d’apporter tout le soutien possible à la nouvelle équipe au mépris des réalités les plus évidentes. Mais un souci d’objectivité et d’impartialité minimale oblige à remettre quelques points sur les « i ».

Édouard Philippe, conseiller d’État pour le meilleur comme pour le pire

Ce qui saute aux yeux, bien entendu, dans le parcours du nouveau Premier ministre, c’est sa parfaite adéquation avec le parcours typique des grands corps de l’État : Sciences Po, ENA, Conseil d’État, c’est-à-dire la « botte ». Imaginer que ce genre de profil puisse être par nature business friendly constitue forcément une imprécision : l’énarchie aime les grandes entreprises qui peuvent constituer un débouché, mais elle n’a aucune appétence pour la « concurrence émiettée » des petites entreprises qui font le capitalisme ordinaire.

Autrement dit, le capitalisme de connivence, oui, mais le capitalisme de concurrence, non.

Cela n’enlève rien aux qualités intrinsèques du Premier ministre. C’est incontestablement une personnalité brillante, intelligente, techniquement compétente. Mais ce n’est certainement pas un ami de l’entreprise.

Un passage symbolique chez Areva

Les thuriféraires mettent désormais en avant le passage d’Édouard Philippe « dans le privé » pour montrer en quoi il renouvelle le genre grand corps de l’ENA. Là encore, par souci d’impartialité, il faut juste préciser qu’après son passage au cabinet d’Alain Juppé ministre de l’Écologie, le nouveau Premier ministre a exercé le poste de lobbyiste pour Areva pendant trois ans. Areva est aujourd’hui dans un état de marasme financier avancé.

Peut-on considérer que cette expérience fugace dans une ancienne entreprise publique où Philippe a essentiellement fait jouer son carnet d’adresses constitue une expérience d’entreprise au sens où on peut l’entendre de façon classique ? La réponse est dans la question.

Une activité parlementaire faible

Pour le reste, Édouard Philippe ne peut se targuer d’une expérience de parlementaire particulièrement active. On retrouvera son activité durant la dernière législature ici. Le Premier ministre a essentiellement posé des questions locales et défendu quelques textes avec parcimonie. On est loin de l’activisme des ténors parlementaires.

Un sens discutable de l’intérêt général

On notera aussi qu’Édouard Philippe, lors de ses interventions au Parlement, a beaucoup défendu l’activité du port du Havre, au détriment des autres ports français. Il n’a pas été tendre pour le développement du canal Seine-Nord qui permettrait de développer l’hinterland du port de Dunkerque. Pour le coup, cette vision compréhensible de la part d’un élu du Havre n’est guère prometteuse en termes d’intérêt général.

Une vision de la classe politique à l’ancienne

Enfin, le nouveau Premier ministre s’est fait remarquer en 2012 par son mépris pour l’interdiction du cumul des mandats, qu’il qualifiait de démagogique à l’époque. Là encore, on est loin de l’aggiornamento que certains veulent voir.

Redisons-le : cela ne signifie pas que le Premier ministre est dépourvu de qualités. Cela signifie seulement qu’il n’a pas celles qu’on lui prête.

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  • N’écoutant plus les medias, j’ai toujours le plaisir de vous lire, je ne suis pas encore prête à écouter ces journalistes enjolivant le macronisme. Continuez à nous informer. Merci.

  • L’énarchie au pouvoir. Pour l’instant seuls des énarques ont été nommés. Le ni-droite ni-gauche Français apparaît comme ce qu’il est : des technocrates au pouvoir et puis point-barre. La seule expérience de membre de la société civile s’appelle Tapie. Gageons au vu de ce qui lui est arrivé qu’aucun autre entrepreneur Self-Made Man ne s’aventurera avant longtemps au milieu de ce panier de crabes qui se distribue/dispute les places dès l’âge de 20/22 ans. Fonctionnaire, ce n’est pas être membre de la société civile qui comprend plus largement salariés du privé, retraités, professions libérales, commerçants, artisans. Mais bon, les accuser de conflits d’intérêts permet de limiter les places aux seuls technocrates et membres de la technostructure. Après l’échec annoncé de la technostructure qui pilotait en sous-main et qui se dévoile enfin, qui viendra ? Les dernières cartouches viennent d’être tirées, les cartes sont dévoilées en un « tapis » magistral. Les partis politiques sont furieusement ringardisés, mais il n’y a maintenant plus de roue de secours pour le 38 tonne surchargé, aux amortisseurs à bloc. La pente est raide et la route mal entretenue.

  • Intelligent brillant talentueux…..comment ce fait il qu’avec autant de talents la France soit aussi malade ?
    On aimerait pour changer des cancres au gvt !

  • ça sert à quoi d’être intélligent , brillant , techniquement compétent et premier ministre si ces qualités ne servent pas à sortir ce pays de l’ornière ?

    • On peut avoir le cerveau agile mais ne rien comprendre à l’économie de marché, matière qui est ignorée sciemment à l’ENA et à Sciences Po.
      Un homme d’état doit avoir une vision, pas forcément être capable de lire un dossier complexe en cinq minutes.

  • J’ai des doutes sur la volonté d’un homme formé à l’ENA puis au Conseil d’Etat de développer les libertés économiques qui permettraient à l’économie de prospérer. Je le perçois plus comme un étatiste que comme un libéral. Mais attendons pour voir.

  • rien a voir…pourtant tout est lié:

  • Il faudrait dire à H16 que les commentaires en noir sur gris, ce n’est pas très lisible en pleine lumière (avec le soleil qui revient).
    Aucun rapport avec le programme mitigé de matraquage csgique mais avec dêficit toujours autorisé de Macron, mais bon.

  • Il semble avoir aussi qq casseroles du côté du Niger : https://goo.gl/QtsyZn

  • cet lire est interessant et c’est si bien dit, merci d’eclairer le lecteur, la « grande marche » des énarques ont été nommés pour une france forte…..

  • Le fait qu’il vienne de l’ENA ne permet pas de le cataloguer comme ennemie de l’entreprise, faut arrêter ce genre de clichés à deux balles…
    De la même manière, reprocher a un député de ne pas être assez actif et trop parcimonieux dans ses interventions, alors qu’on ne cesse ici de clamer que justement, ils interviennent trop, ça fait un peu critiquer pour critiquer.

    Bref. Je ne connais pas bien le bonhomme et je ne suis pas dans sa tête. Je me garderai donc de le juger sur son passé à l’ENA, sa barbe ou la couleur de ses lunettes. Je le jugerai sur des faits, ce qu’il fera ou ne fera pas. En tant que liberaux, on se fait suffisamment tailler de cette manière (vous êtes liberaux, donc vous êtes pour l’esclavage et la loi de la jungle…) pour ne pas l’appliquer à notre tour.

    Accessoirement, les hommes peuvent changer. Beaucoup de gens ici ont eu a une époque des engagements ou au moins des idéaux plutôt socialistes. Ça ne fait pas d’eux des Staline en puissance ou des faux-liberaux. Juste des gens qui ont vu leur avis évoluer.

    Bref. Encore une fois je ne dis pas que ce type est parfait. Simplement, lancer les gadins au bout de 24h, c’est juste ridicule.

    • Vous rigolez ?

      Citation extraite de la copie affichée comme meilleure du concours externe 2016 de l’ENA (16/20) :

      « Il est essentiel de remplacer l’utilisation des énergies fossiles par du travail humain, de développer l’économie du care et d’affecter les gains de productivité à la réduction du temps de travail. »

  • Aucun intérêt de se mettre la rate au court-bouillon pour savoir s’il est bien ou pas à ce poste. Il est là, il va avoir mercredi soir un gouvernement de ralliés/débauchés qui seront ravis d’avoir quelques mois une place de ministre qui manquait à leur CV et qu’ils n’auraient pas pu avoir dans leur parti respectif avant ce chambardement. Et au mois de septembre (à peu près) ils vont tous sauter après les ordonnances qu’a promises Macron (elles se décident en conseil des ministres) et qui va leur mettre sur le dos la mauvaise appréciation de la population. Pensez donc, j’ai été mal conseillé…

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