Par Alain Goetzmann
Selon William P. Barnett, professeur de leadership à Stanford, « l’homme craint beaucoup plus de passer pour un fou qu’il n’espère être reconnu pour un génie ». Aussi, plutôt que de courir le risque d’apparaître comme un original, beaucoup de cadres supérieurs d’entreprise choisissent de systématiquement respecter le consensus. Ils évitent d’émettre des idées qui pourraient susciter la controverse, ce qui, en définitive, fausse la réflexion stratégique et risque de conduire à des choix incertains.
Barnett ajoute que « si les équipes de votre organisation pensent que briser le consensus est préjudiciable à leur carrière, c’est le signe qu’il vous faut revoir votre mode de direction ». Voici les points majeurs de son argumentation.
Laissez s’exprimer les originaux
Les génies ne sont pas exempts d’erreurs. Les travaux d’Einstein, par exemple, contiennent des erreurs d’arithmétique. Cela ne change rien à son génie. Accueillez donc les idées hors normes ; elles ne sont peut-être pas toutes applicables mais elles proposent un angle différent d’une situation donnée. Lorsque vous créez un environnement qui laisse toute sa place à la liberté d’expression, vous vous donnez l’accès à un éventuel éclair de génie.
Recherchez la controverse, pas le consensus
Lorsque le débat porte sur le choix entre plusieurs business plans, par exemple, soyez attentif aux idées originales sur l’offre et la demande. Vous êtes peut-être dans une industrie en disruption.
Rendez votre développement cohérent à postériori
Si la construction de la croissance d’Apple avait été parfaitement cohérente, les équipes d’ingénieurs auraient, en 2001, travaillé exclusivement au développement des PC’s. Et iTunes, qui n’avait été conçu que comme un moyen de vendre plus de PC, ne serait pas devenu cet extraordinaire portail de musique qui a permis de faire passer l’essentiel des recettes d’Apple du hardware au software.
Les grands leaders savent que s’il ne leur appartient pas de deviner le futur, ils doivent créer des systèmes qui permettront à leurs équipes de le construire et d’en justifier ensuite la cohérence.
Gérez l’imprévisible
Donner la parole aux originaux n’est pas forcément exempt de problèmes. Il faut donc savoir faire la part des choses entre les activités de l’entreprise qui peuvent bénéficier de leur différence et les autres. L’innovation, certainement ! La procédure d’atterrissage d’un avion, peut-être pas.
Réfléchissez bien avant de pivoter
C’est la mode. Depuis l’arrivée du « lean start-up », changer d’avis comme de chemise n’est plus une tare, c’est un pivot. Attention ! S’il est incontestable qu’il vaut mieux ne pas s’enferrer dans un projet qui apparait conduire à une impasse, ne switchez pas pour autant l’analyse, préalable indispensable à une décision de retrait.
Méfiez-vous des fausses informations négatives
Lorsqu’on teste une stratégie à l’aide d’un certain nombre de données, il y a des informations positives ou négatives et certaines sont fausses ou biaisées. Les fausses informations positives seront détectées, tôt ou tard, au fil de la réflexion stratégique. Pas les fausses informations négatives. C’est alors que l’intuition entrera dans le processus et se substituera à l’analyse logique.
Diriger une entreprise n’est pas que rationalité. C’est avant tout une aventure humaine. Sachez équilibrer en permanence controverse et consensus, caractères fantasques et rationnels, intuition et analyse. La conduite d’une entreprise reste un art et non une science.
Une “petite” boite à outils de managers usuelle dans les pays anglo-saxons! Et c’est vrai que ce mélange de créativité, de respect de certaines règles, et d’incitation à prendre des risques (surveillés) ensembles, a eu des résultats super ces dernières années. En France dans les années 80, Goeudevert (pdg de Volkswagen) prônait ces principes. Cette article me plait beaucoup!!!