Journalistes : pourquoi tant de haine ?

Les journalistes en France, en 2017, se sentent mal aimés. Cependant, à l'analyse, peut-être n'est-ce pas étranger à leur façon d'envisager leur métier...
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Journalistes - pierrO - CC BY SA 2.0

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Journalistes : pourquoi tant de haine ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 17 avril 2017
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Alors que nous sommes dans la dernière ligne droite avant le premier tour de l’élection présidentielle, tout ce que la presse compte de journalistes affûtés est de sortie pour nous détailler ce qu’il faut savoir, ce qu’il faut comprendre et, éventuellement, ce qu’il faut penser ou, mieux encore, ce qu’il conviendrait de voter.

Malheureusement, la polarisation politique étant ce qu’elle est, le militantisme de certains journalistes se heurte en cette période électorale au militantisme de certains électeurs. Et quand j’écris « se heurte », il s’agit parfois de la version littérale puisqu’on apprend que, parfois, des coups sont même échangés : Hugo Clément de Quotidien a ainsi reçu une gifle d’un sympathisant de François Fillon lors d’un meeting, ce qui a donné l’occasion à toute la presse de produire quelques articles intéressants sur le thème crédible « le journaliste doit-il courber l’échine » ou sur la radicalisation des uns et des autres dans le cadre des campagnes.

Bonus de l’affaire : il s’agissait, de loin, du candidat Fillon, ce qui donne encore une fois une bonne raison d’aller débiner ses soutiens et partisans, et de rappeler, une fois le leader des Républicains interrogé sur la question, que le candidat trouverait logique ce genre de comportements :

Je condamne toutes les violences. Simplement j’invite ces journalistes à se poser la question : pourquoi est-ce que dans les meetings il y a une crispation à leur égard ?

Bref, le petit cœur des journalistes saigne à l’idée qu’ils occuperaient une profession de plus en plus mal aimée. Pourtant porte-étendard de la démocratie, de la liberté d’expression et de la pluralité des opinions politiques, les journalistes semblent actuellement la cible de (presque) tous les partis, de tous les reproches.

Mais est-ce vraiment leur faute si les informations qu’ils délivrent sont de plus en plus prises avec scepticisme ? Est-ce leur faute s’ils doivent maintenant batailler pied à pied, mot à mot, paragraphe pour paragraphe, avec de méchants réseaux sociaux qui n’arrêtent pas d’enfler des rumeurs et des informations bidons qu’ils se font fort, pourtant, de ne jamais, ô grand jamais, colporter dans leurs colonnes et leurs papiers ?

D’où vient donc ce mépris, de plus en plus palpable, qu’un nombre grandissant de personnes semble afficher partout, depuis Facebook et Twitter en passant par les commentaires des sites de presse ?

Allez savoir !

Une course à l’uniformisation ?

Serait-il possible que l’uniformisation dramatique dont fait preuve la profession soit, quelque peu, en cause ? Serait-il possible que le public ressente négativement ces masses journalistiques parce qu’il n’y trouve plus la nécessaire pluralité et le brassage d’idées qu’il est en droit d’attendre ? Force est en tout cas de constater de belles unanimités lorsque certains thèmes sont abordés. Force est de constater de beaux morceaux de panurgisme bien compact lorsqu’il s’agit d’analyser une situation. Force est de constater que, tous, parlent de la même façon, au point que c’en est comique, et que si c’est vrai pour le ton de la voix, cela peut très certainement l’être aussi pour le contenu lui-même (et là, c’est le drame)…

Une déconnexion du réel ?

Serait-il possible aussi que ce mépris de plus en plus ouvert soit issu d’une déconnexion complète de certains de ces journalistes avec le quotidien vécu par tous ? En tout cas, cela expliquerait sans doute l’opinion plus contrastée des lecteurs lorsqu’il s’agit de leur presse régionale ou locale comparée à leur presse nationale, issue d’une Capitale de plus en plus lointaine. Le pompon reste tout de même lorsque cette déconnexion est clairement assumée par ces éditorialistes vibrant d’incompétence dont l’accumulation de faits d’armes contre-productifs pour leur profession laisse planer un doute franc sur leur avenir dans une France décidément de moins en moins bisous.

Une vision dépassée de leur rôle ?

Serait-il possible que ce mépris soit aussi lié au décalage entre ce que le journaliste croit faire et ce qu’il fait réellement ?

En effet, les médias traditionnels, dont le contenu se nourrit de ces productions journalistiques, continuent d’avoir une approche « top down », du haut vers le bas, de l’information : ils captent une source, ils s’occupent de sa diffusion à des écouteurs passifs.

Cependant, avec internet, l’information est en transmission latérale, de pair à pair, voire de plus en plus souvent, en « bottom up », du bas vers le haut : différentes personnes sont témoins d’un événement qu’elles peuvent rapporter directement à l’ensemble d’une population donnée, sans filtre ou, disons, avec ceux que ces témoins choisissent, qui, en dernière analyse, valent toujours par leur subjectivité les filtres qu’imposeraient de toute façon un journaliste patenté.

Or, lorsque ces informations latérales ou « bottom up » sont en contradictions répétées avec les informations qui sont délivrées de façon traditionnelle par la presse grand public, les médias et ceux qui les représentent perdent rapidement en crédibilité.

Malheureusement, plutôt qu’essayer de comprendre le nouveau mécanisme, d’y prendre part et d’y apporter une expertise ou d’y faire fructifier les expériences innovantes, ces médias et ces journalistes se battent bien souvent pour museler ces nouvelles sources. On pourrait illustrer avec le cas caricatural des Décodeurs du Monde, dont la réalisation verse si grotesquement dans la propagande qu’ils sont devenus un « anti-point de repère » pour une part croissante et certainement pas négligeable de la population ; de la même façon, la multiplication des articles sur tous les supports officiels à propos des « fake news », les tentatives parfois burlesques de faire passer des informations légitimes pour telles et les rétro-pédalages catastrophés qui s’ensuivent achèvent de donner une image déplorable à l’ensemble de ces médias.

Pire encore : psychologiquement, plus ces journalistes tentent d’attaquer ces sources alternatives d’information, plutôt que se concentrer sur la diffusion d’information de qualité et répondant aux demandes de leur lectorat, plus ils se retrouvent en opposition frontale à tous ceux qui, nouvellement convertis, ont pris (à tort ou à raison) fait et cause pour ces nouveaux pourvoyeurs d’informations. Les batailles qui s’ensuivent sont alors aussi homériques qu’asymétriques en défaveur des médias traditionnels : il faut déployer des quantités d’énergie énormes pour réfuter des âneries, bien plus que pour les produire, et lorsque, parfois, il ne s’agissait pas d’âneries, on se retrouve durablement décrédibilisé.

Une presse sous ordre ?

Serait-il enfin possible que ce mépris sinon cette haine à l’endroit des journalistes provienne d’une terrible compromission de cette profession aux pouvoirs en place ? On ne peut s’empêcher de poser la question, tant les connivences entre journalistes et pouvoirs s’affichent tous les jours plus nombreuses – je vous encourage à regarder cette courte vidéo qui pose assez bien la question et apporte même une réponse sans ambiguïté :

Et puis bien sûr, à ce chapitre, il reste la douloureuse, l’épineuse et si peu abordée question des subventions.

Comment, en effet, croire à une véritable indépendance de la presse et des journalistes lorsqu’ils dépendent, ultimement, du bon plaisir de l’État à continuer de financer leur existence ? Comment imaginer que le journaliste est vraiment libre d’écrire ce qu’il pense lorsque son chèque de fin de mois dépend en définitive de sa bonne conformité aux attentes du pouvoir ? Comment, surtout, croire que ces journalistes et ces médias auront un devoir de coller aux aspirations et demandes de leur audience alors que ces derniers sont par leurs impôts totalement captifs de leur production ?

On le voit, on ne manque pas de raisons qui expliquent pourquoi les journalistes, en France en 2017, ne sont pas en odeur de sainteté. Depuis le temps, cette analyse assez facile à faire devrait leur avoir imposé une certaine prise de conscience. Or, il n’en est rien (et l’entretien de Barbier, cité plus haut, en est une illustration presque outrancière). Le chemin qui leur reste à faire est encore long.


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  • Les puissances d’argent dit celle qui balance… C’est plutôt que dans un pays communiste la petite structure à du mal à exister alors oui les groupes qui ont de l’argent font vivre des médias comme d’autres vendent du lait… C’est bien parce que l’internet permet de réduire drastiquement le coût de la diffusion de l’info que les politiques sont remplis de haine envers cette techno et qui progressivement ils font tout pour essayer de la museler…

  • Nous vivons dans une démocratie d’opinion, cette opinion « la reine du monde » expliquée par Jacques Julliard.
    À côté de ça les Français sont des veaux.
    On aurait pu avoir Strauss-Kahn, on a eu Flanby.
    Le misérabilisme intellectuel dans lequel les médias nous font baigner est tristement affligeant.

  • Christophe Barbier est un de cces privilégiés qui n’a que du mépris pour le Peuple qui le nourrit, qu’il soit consommateur de son journal et/ou contribuable.
    « L’éditorialiste est un tuteur sur lequel le Peuple, comme du lierre rampant, peut s’élever » Comparer le Peuple avec du lierre rampant. Le lierre est une plante invasive, qui s’insinue dans les intersitices de son support, qu’il les agrandit pour créer des fissures et au final détruit ou étouffe son « tuteur » suivant sa nature, c’est pour cela qu’on le contrôle en le taillant, ou qu’on l’arrache.

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