Idée reçue : « Après 2008, la réforme des banques était nécessaire »

Loin d’être une solution miracle, le Glass-Steagall Act, qui prévoit la séparation entre banques de dépôt et d’investissement, ne préviendrait en rien les risques de panique bancaire et financière.

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Idée reçue : « Après 2008, la réforme des banques était nécessaire »

Publié le 4 avril 2017
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Par Eddie Willers.

S’il y avait eu plus de réglementation, la crise de 2008 ne serait jamais survenue. L’explication est simple, elle a l’avantage de convenir à tout le monde et de justifier l’immixtion toujours plus profonde de l’État dans notre société. Une dé-réglementation semble en particulier concentrer les foudres : la fin du Glass Steagall Act.

De son véritable nom, Banking Act, le GSA instaure la séparation entre les activités d’investissement et de dépôt des banques. Une banque de dépôt correspond traditionnellement au modèle d’une caisse d’épargne : son but est de collecter de l’épargne et de la prêter pour des projets présentant a priori un risque mesuré. Les banques d’investissement regroupent des associés qui sont solidaires des gains et des pertes des investissements réalisés grâce au capital qu’ils ont apporté.

La réalité plus complexe que la théorie

Il semblerait que le modèle de la banque de dépôt présente un risque de faillite plus faible car elle investit dans des prêts aux entreprises et aux particuliers qui génèreraient de la croissance. À l’inverse, la banque d’investissement afficherait un niveau de risque plus fort car elle investirait sur les marchés. La réalité est comme d’habitude bien plus complexe, voyons pourquoi.

Tout d’abord regardons dans le rétro. Quelles banques ont causé des risques systémiques par le passé ? Lehman Brothers en 2008, une banque d’affaires. LTCM en 1998, un hedge fund. En 1984, Continental Illinois, une caisse d’épargne. Sans parler de la crise des Savings and Loan en 1987 qui coûta 132 milliards de dollars au contribuable américain. Nous pouvons aussi évoquer les difficultés rencontrées par la Caisse d’Épargne et la Banque Populaire qui les obligea à fusionner en 2009 ou encore de la situation désastreuse des caisses d’épargnes espagnoles en 2012.

La séparation des activités ne résout rien

Il en ressort donc que les banques universelles ne sont pas les seules dont la faillite pourrait donner des sueurs froides aux épargnants et aux banquiers centraux de cette planète.

Séparer les deux activités ne réglerait en rien les problèmes. Le risque d’une banque too big to fail ne tient pas tant à sa taille qu’à celle de son interconnexion avec les autres banques. Le risque réside dans la contagion d’une panique bancaire à toutes les banques de la planète.

Une banque universelle peut compenser des pertes de son activité trading sur une journée grâce aux gains de ses crédits aux entreprises et inversement. Dans ce cas, elle n’a pas besoin d’avoir recours au marché interbancaire pour faire face à son problème de liquidité. Elle ne génère donc pas de mouvement de panique.

Le problème de l’absence de responsabilité

À l’inverse, plusieurs caisses de dépôt ayant investi toute leur collecte d’épargne dans des projets immobiliers catastrophiques (suivez mon doigt qui pointe vers la péninsule ibérique) et ayant besoin de se financer sur le marché interbancaire pourront, elles, créer un mouvement de panique.

En réalité, le problème des banques à l’heure actuelle réside bien plus dans l’absence de responsabilité, dans le système de réserves fractionnaires et dans la surcharge de réglementation que dans la séparation de leurs activités.

L’absence de responsabilité engendre des situations où les banques too big to fail prennent des risques inconsidérés car elle savent que l’État les sauvera afin de “protéger les épargnants et le système bancaire”. Puisque la notion de risque a disparu, la probabilité qu’une banque fasse faillite est bien plus élevée.

Les réserves fractionnaires

Le système de réserves fractionnaires est certainement la partie la plus vicieuse du système bancaire actuel. Je l’ai déjà abordé dans un article précédent, mais concrètement ce système permet à une banque de créer 90€ de monnaie ex nihilo grâce à un dépôt de 10€. Les gens imaginent qu’ils peuvent retirer à tout moment tout l’argent qu’ils ont confié à une banque, alors que c’est faux. Il ne peuvent retirer que 10% de cette somme.

C’est pour cette raison qu’un mouvement de panique bancaire peut engendrer la faillite d’une banque. Si les banques gardaient 100€ de cash pour 100€ de dépôts, cela voudrait dire qu’elles arrêteraient de créer de la monnaie indue, le principe du too big to fail n’aurait alors pas l’importance qu’il a aujourd’hui : la banque ferait faillite, les épargnants seraient remboursés de leurs dépôts et les actionnaires prendraient leur paume. Comme dans n’importe quelle entreprise.

Mensonge bancaire adressé aux Français

Néanmoins, à l’heure d’aujourd’hui, nous faisons croire aux Français que leur argent est disponible à tout moment alors que ce n’est pas le cas. Alors qu’ils disposent de comptes à vue, c’est-à-dire qu’ils peuvent retirer leur argent à tout moment, les banques leur proposent une rémunération.

Or, pour proposer une rémunération sur des dépôts, il faut que ceux-ci soient investis. Ces investissements peuvent s’effectuer sur des durées plus ou moins longues avec des niveaux de risques plus ou moins importants.

Cependant, l’épargnant qui confie son argent à une banque n’en sait rien. Il ne sait pas si son argent servira à financer du trading Oil&Gas à Singapour ou l’achat d’un nouvel équipement pour une PME française.

Dans un système bancaire vertueux, les épargnants pourraient choisir comment affecter leur épargne : un compte bancaire à vue, toujours disponible mais qui ne rapporte rien, ou alors un compte qui investit dans des prêts à la consommation, bloqué mais pour des durées relativement courtes etc.

L’offre des banques aujourd’hui

In fine nous tombons donc également sur le problème de l’offre de banques à l’heure actuelle. Le marché bancaire est avec le marché pharmaceutique un des plus régulés et un de ceux présentant les plus fortes barrières à l’entrée au monde. Aujourd’hui, monter une banque à partir de rien est quasiment impossible.

Il en résulte dès lors une offre limitée qui ne pousse pas à l’innovation pour proposer des produits qui correspondraient aux attentes des épargnants en termes de liquidité, de risque et de rendement.

Ces banques pourraient être universelles, de dépôt, d’investissement en fonction des choix des individus.

Loin d’être une solution miracle, le Glass-Steagall Act ne préviendrait en rien les risques de panique bancaire et financière.

En revanche, la fin de l’intervention étatique pour sauver les banques, l’arrêt du système de réserves fractionnaires et l’abaissement des barrières à l’entrée permettraient certainement de créer un environnement plus sain.

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  • Si vous avez raison, il faut trouver une solution pour instaurer la sagesse, car il y a de véritables fous furieux à la tête de certaines entreprises, et ils sont totalement irresponsables financièrement de leurs fautes graves,

    Première solution : on pourrait obliger les banques à prendre la forme de la commandite …

    Deuxième solutions : sans aller jusque là, on pourrait décider que toute la fortune des administrateurs (où qu’elle soit dans le monde) serait obligatoirement réinvestie en fonds propres dans la banque si celle-ci avait besoin à un moment ou à un autre de l’aide financière de l’Etat, cette aide de l’Etat étant elle même rémunérée par des actions. En cas de dépôt de bilan les administrateurs de banques seraient de droits tenus indéfiniment responsables du passif. Ce n’est pas du luxe. Jugez-vous mêmes.

    Voici une citation tiré du Journal Le Monde du 14 novembre 2011, que l’on trouve sur le site de ce journal :

    « Dès le début de la crise, en janvier 2009, j’ai déclaré dans mon discours d’ouverture de Davos : « Aujourd’hui, partout dans le monde, les hommes et les femmes se demandent comment des décisions fondées sur la cupidité et l’incompétence ont pu être prises en faisant fi de tous les mécanismes de contrôle. Des décisions dont les conséquences terribles ont touché non seulement l’économie mondiale mais aussi le citoyen moyen qui a perdu sa retraite, son logement et son emploi. Les personnes concernées sont atterrées, désemparées, angoissées et en colère. »

    On s’attendait à cette époque à ce que la crise suscite un changement fondamental de comportement des dirigeants de l’économie et ce, surtout dans le domaine financier. Presque trois ans se sont écoulés depuis et nous n’avons pas encore tiré les leçons de ces erreurs. Le système qui nous a conduits à la crise est depuis longtemps dépassé et nous ne pourrons pas non plus surmonter cette morosité à long terme si nous continuons à nier la nécessité d’un changement. Le capitalisme a besoin d’être réformé pour trois raisons … »

    C’st signé Klaus Schwab, Président fondateur du Forum de Davos. S’il avait raconté n’importe quoi, il aurait viré sur le champ par les 1.000 grands patrons de très très grandes entreprises présentes ce jour là.

    Rappelons qu’aucun Président de banque de l’époque, aucun administrateur n’a été condamné à l’interdiction à vie de gérer et administrer une entreprise… Pour prendre une image, leur permis de conduire n’a pas été retiré…malgré une conduite sous l’emprise de la drogue et de l’alcool.

    C’est tout, sauf du libéralisme.

    •  » Rappelons qu’aucun Président de banque de l’époque, aucun administrateur n’a été condamné à l’interdiction à vie de gérer et administrer une entreprise…  »

      Ce qui est condamnable ce n’est pas d’avoir pris des risques et de mauvaises décisions qui ont amené à des faillites car dans ce cas de figure vous condamnez l’essence même du capitalisme qui fonctionnent sur la prise de risque et l’essence de l’économie en général puisque prendre des risques deviendraient un délit en cas de faillite suite à de mauvais choix ou d’avoir innové dans un produit qui n’ont pas convaincus les consommateurs. ( tout investisseurs ou dirigeants d’entreprise qui prend un risque est toujours un risque qui peut mal tourner ) Non ce qui est condamnable ce sont les dirigeants qui prennent des risques à la légère en sachant que l’état sera derrière pour payer les éventuels pots cassés. Mais dans ce cas de figure il faudrait aussi condamner les dirigeants politiques qui ont pris la décisions que l’état renfloue les pertes de toutes ces entreprises au bord de la faillite dure à l’incompétence de certains dirigeants de grosses entreprises.

      Quand à Claude Schwab depuis un certain temps il nous joue les moralisateurs pour essayer de prouver au monde que les grands patrons peuvent aussi être des humanistes ( comme si PDG et humanisme était forcement un oxymore depuis la nuit des temps ) quand ce n’est pas le crise financière, c’est l’écologie. Encore récemment il nous a fait le couplet des robots rendant l’avenir sombre en matière d’emplois. Le WEF est devenu un grand RDV VIP ou se mélangent dirigeants d’entreprises, politiciens et stars du show-biz dont la principale occupation des invités est de s’échanger leurs cartes de visite.

  • Article très clair, et pourtant pour avori travaillé dans le domaine (fintech) je trouve ça profondément choquant sur plusieurs points :

    * On parle de banque de dépot et d’investissement dans la même phrase.
    Donc les banques de dépot sont aussi des banques d’investissement, même après la prétendue séparation.
    Certes sur des investissements censés etre moins risqués (ahem)…
    Donc déjà la séparation dépot / investissement est un mensonge.

    * La barrière à l’entrée n’est pas si élevée en apparence… et incroyablement immense une fois dedans.
    Lors de mes missions dans le domaine, nous devions absolument garantir à tout moment où se situent et à qui appartiennent les fonds gérés par l’entreprise. Via notamment par un compte de cantonnement.
    Le non respect de celà entrainant une sanction implacable : la suspension de l’activité par l’ACPR.

    Et là j’apprends que les banques « classiques » s’autorisent à « inventer » 90% des sommes qui leur sont déposées ???
    On pourrait commencer par là : 100% des sommes déposées doivent être cantonnées et demeurer intouchables par la banque, sauf si ces sommes le sont à vue d’investissement, et dans ce cas le déposant assume le risque.

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