Ce Brexit qui aurait pu être une opportunité

Le Brexit aurait pu être une bonne opportunité pour Paris de devenir une grande place financière en Europe. Apparemment, c'est très mal parti.
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Ce Brexit qui aurait pu être une opportunité

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 17 février 2017
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Normalement, dans un peu moins d’un mois, la Grande-Bretagne aura ouvert les démarches officielles pour quitter l’Union Européenne. S’ensuivra un parcours plus ou moins long (certains parlent d’années) pour finaliser ce divorce. Parallèlement, la France a peut-être trouvé dans ce « Brexit » une opportunité pour attirer à elle de nouveaux talents. Ou presque.

Du côté britannique, la question est entendue. Sauf surprise politique majeure, Theresa May entend bien faire sortir son pays de l’Union Européenne, et elle a choisi l’option « hard Brexit », c’est-à-dire celle qui consiste à couper le maximum de ponts législatifs avec le reste de l’Europe. Si, pour certains, cela revient à retrouver sa liberté d’ouvrir ou de fermer ses frontières comme bon lui semble, pour d’autres, cela équivaut surtout à devoir renégocier tous les accords commerciaux entre le Royaume-Uni et les pays européens.

Bien évidemment, il est beaucoup trop tôt pour savoir ce que donneront les démarches que la Première ministre britannique va entreprendre, mais on sait déjà que ce Brexit aura un impact sur certaines entreprises puisque quelques unes ont déjà commencé à réfléchir à leur avenir à moyen terme, dans une nouvelle donne européenne passablement bousculée et encore fort incertaine. Ainsi, il y a un mois, plusieurs personnes se réjouissaient de l’arrivée prochaine à Paris de la branche « marché » de HSBC dont le dirigeant expliquait devoir déplacer cette activité sur le territoire français à la suite du Brexit.

Le déplacement d’une partie de HSBC de Londres à Paris a donné quelques ailes aux lobbies franco-français de la Finance : pour eux, pas de doute, bien avant Francfort (où siège la Banque Centrale Européenne), Paris représente d’excellents atouts pour la finance européenne et pourrait donc l’accueillir à bras ouverts. Sans hésiter et avec les yeux pétillants d’appétit que peuvent avoir les gros prédateurs lorsque des brebis s’égarent du troupeau, les politiciens n’ont pas traîné à emboîter le pas de ces lobbies : dans le cadre d’une présentation à Londres des multiples avantages de la place parisienne, Valérie Pécresse, présidente de la région, Jean-Louis Missika, adjoint d’Anne Hidalgo, Patrick Ollier, président du Grand Paris, et Gérard Mestrallet, président de Paris Europlace, ont affiché leur «union sacrée» pour décrocher les emplois délocalisés de Londres.

Bon, évidemment, il ne sera pas nécessaire de s’appesantir sur l’efficacité redoutable des transports en commun parisiens, la profusion millimétrée des crèches et des institutions scolaires de la capitale française dont les performances internationales marquent les esprits, les nouveaux aménagements urbains de la mairie qui donnent un sens subtil au mot bouchon, la propreté irréprochable des parcs soucieux du bien-être des rongeurs locaux et l’insécurité pour ainsi dire inexistante de la plupart des quartiers parisiens la nuit tombée, voire le jour pour les plus fameux d’entre eux. Ces éléments n’ont pas besoin d’entrer en ligne de compte, la Ville Lumière se suffisant à elle-même en matière de renommée (et je ne parle pas du vin, du fromage et de la vie culturelle trépidante – insérez ici une petite peinture de Toulouse-Lautrec, restons à la page et plongeons avec délice dans ce XXème siècle encore jeune ahem broum broum bref).

Insistons plutôt sur le fait que les nouveaux arrivants trouveraient dans la capitale une infrastructure fonctionnelle, de la haute-technologie, de nombreux espaces de bureaux, un marché des taux d’intérêt important en volume, une place déjà occupée par plus de 180.000 professionnels de la finance, beaucoup de grandes entreprises françaises, des aéroports et des gares permettant de relier facilement le reste de l’Europe. Les salariés trouveront aussi dans la capitale un cadre un peu plus enthousiasmant que Francfort.

Youpi, donc.

Sauf que, comme le souligne un article des Échos qui remet un peu les pendules à l’heure, le bien-être des salariés est le cadet des soucis des entreprises, notamment des entreprises financières : pour ces dernières, il importe avant tout de défendre l’intérêt des actionnaires. Peu importe qu’un salarié paye de fortes charges sociales (puisque c’est le salarié qui va les payer). En revanche, ce qui vient alourdir la masse salariale joue beaucoup dans la rentabilité de ces sociétés. Les charges patronales, très élevées en France, représentent un gros boulet pour Paris face à Francfort.

À cette remarque (discutable si l’on se rappelle que ces charges sont finalement payées par le salarié quoi qu’il arrive) s’ajoute celle, encore plus dure, de la difficulté d’ajuster le nombre d’employés d’une entreprise en fonction de son activité : licencier, en France, est un véritable casse-tête. Entre les démarches particulièrement complexes qu’il faut mener pour entamer un plan social, et les éventuelles complications juridiques qui viennent s’y greffer lorsque les prud’hommes et/ou les syndicats s’en mêlent, l’ajustement par la masse salariale d’une entreprise à la conjoncture est si compliqué en France que Paris n’est plus du tout aussi attractif. En fait, la France est même réputée pour son Code du travail souple comme un verre de lampe à tel point que Paris est très mal classée (29ème) dans l’« Index global des places financières »

Il est en outre difficile de ne pas évoquer l’insécurité fiscale qui règne dans le pays : certes, on parle d’entreprises multinationales habituées à jongler avec des réglementations fiscales ou bancaires complexes, et la place parisienne n’est donc pas à proprement parler terra incognita. Cependant, la France est actuellement dans une situation particulière où il est relativement impossible de savoir ce qui va bien pouvoir se produire dans six mois en termes d’économie : savoir à coup sûr qui sera élu président de la République relève de la gageure, sans parler du programme fiscal qu’il comptera appliquer ensuite.

Pire : aucun des candidats ne semble avoir pris la mesure de ce qui se passe actuellement en Europe, et tout comme je le notais dans un précédent billet, aucun ne semble prêt à faire la moindre concession ou la moindre proposition vraiment solide pour rendre un peu de souplesse à un Code du travail obèse et nécrosant. Quant aux projets plus ou moins ubuesques ou carrément scandaleux de la maire de Paris concernant l’aménagement de la capitale, a-t-on réellement le moindre espoir de la voir prendre conscience des dégâts qu’elle cause et de changer d’opinion pour, enfin, attirer les entreprises ? On peut clairement en douter.

Autrement dit, pour ces financiers, il est plus qu’urgent de prendre des précautions et d’attendre sagement de savoir qui sera l’heureux élu dans trois mois et comment il (ou elle ?) se dépatouillera avec son gouvernement. Et en attendant, il paraît particulièrement hardi de se ruer sur Paris dont les avantages paraissent bien minces comparés à d’autres places comme Madrid, Dublin ou Luxembourg.

Dans une France agile et intelligente, ouverte au reste du monde, prête à parier sur son adaptabilité plutôt qu’à une chimérique sécurité et des acquis sociaux qui laissent des millions sur le bord de la route, ce Brexit aurait pu représenter une véritable opportunité.

C’est raté.

—-
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  • des aéroports et des gares permettant de relier facilement le reste de l’Europe
    C’est quand même étrange que tous ces étrangers ne s’en soient encore jamais aperçus d’eux-mêmes. Sans doute que leurs infrastructures insuffisantes à eux ne leur ont jamais permis de venir jusqu’à CDG ou à la gare du Nord…

  • Concernant les charges sociales : « À cette remarque (discutable si l’on se rappelle que ces charges sont finalement payées par le salarié quoi qu’il arrive) ».
    Au départ tout est payé par les clients. Économiquement c’est imputable au salarié (salaire complet, je suis d’accord) et techniquement tout est réglé par l’employeur.
    Pratiquant un peu les financières et les cabinets spécialisés, ils n’ont aucune difficulté à répercuter ce genre de coûts sur les clients.
    Ok, mon commentaire est à nouveau décalé par rapport à l’article, je sais.
    Très bon article encore une fois, maître ?

  • Luxembourg : je connais un peu ce petit pays surprenant, il se prépare depuis quelques temps là-bas des choses que les français n’imaginent pas.
    KPMG a inauguré son nouveau siège, Deloitte fait construire le sien, dans un quartier d’affaires entièrement neuf.
    Le pays visé un doublement (doublement !) de sa population dans les 10 à 20 ans qui viennent !

  • HSBC ne s’installera pas à Paris parce que c’est trop galère. Ce sera un transit, comme à l’aéroport, pour de meilleurs cieux. Si tant est que cela se fasse.

  • Que dire de l’attractivité, la joie de l’incertitude fiscale et sociale (voir certitude de l enfer) , que comme je le suis, d’être sollicité à 45 000% de mon revenu (x450)! par le RSI par an! , puis à 300 000% (x3000) par les impôts tous les ans, que il m’est proposé d’étaler sur 30 siècles mes impôts TF et TH annuels, par an ! Sans que les impôts , pas plus que le conciliateur fiscal n’y voient rien d’extra ordinaire… Faites un échéancier Mr Leduc !
    Alors c’est bien se leurrer que de croire que des sociétés veuillent s’installer en france, sauf si il y a beaucoup de subventions histoire de distordre la concurrence puis de délocaliser une fois les subventions encaissées et les élections passées

  • Et personne pour remarquer que si le continent, France en tête, n’était pas organisé de façon a protéger vieux et rentiers (et je ne parle pas nécessairement d’argent), le RU n’aurait pas eu un afflux massif de nouveaux jeunes arrivants et donc de motivations pour contrôler ses frontières et sortir de la grande maison de retraite pas joyeuse qu’est devenue l’UE?
    L’article fait un procès en partant d’un syllogisme.

    Personne pour remarquer que si le RU exporte bien quelque chose sur le continent, et en nombre, ce sont ses vieux?

    Et non.
    On veut bien être européen, mais se fouler un neurone pour lire la situation en synthétique et non en émotionnel dial-a-cliché, nan, pas possible.
    Ce continent est foutu.

    • L’espoir d’un jeune normal est de devenir vieux et rentier, ou ça devrait l’être. C’est parce que c’est devenu impossible en France qu’ils s’en vont, ou que ceux qui viennent de pays pauvres se pressent d’aller au RU. Ils reviendront peut-être, fortune faite, en vieux touristes, si les jeunes restés sur place ne les accueillent pas avec la gueule et la rage envieuse qu’ils leur montrent aujourd’hui.

  • Et si au lieu d’attendre l’exit des autres pour en tirer un hypothétique bienfait, on reprenait sérieusement nos affaires en mains. Bien sûr c’est plus compliqué et ça demande des efforts, Quelle horreur!

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