Par Fabio Rafael Fiallo.

En économie, on étudie ce qu’on appelle le triangle d’incompatibilité (ou l’impossible trinité) de la politique monétaire. Il s’agit de l’incapacité où se trouvent les autorités monétaires d’un pays de contrôler l’ensemble de trois variables fondamentales, à savoir : le taux de change, le taux d’intérêt de base et le flux de capitaux. Tout au plus, les responsables de la politique économique pourront manipuler deux de ces trois variables ; à eux de choisir laquelle ils accepteront de laisser tomber.
Le nouveau président des États-Unis, Donald Trump, sera confronté, lui, à une sorte de triangle d’incompatibilité dans un autre domaine, celui de la politique extérieure. Il devra choisir tout au plus deux parmi trois de ses objectifs clés en la matière, à savoir : s’en prendre à la Chine, se rapprocher de Vladimir Poutine et garder ou obtenir le soutien du Congrès des États-Unis à ses initiatives diplomatiques.
En guise d’introduction, il convient de souligner que les conditions actuelles ne se prêtent pas pour rejouer la stratégie de « briser l’axe Russie-Chine » adoptée par Richard Nixon – cette fois-ci en recherchant un rapprochement des États-Unis avec Moscou aux dépens de Beijing, comme le prône Doug Bandow, ancien assistant spécial de Ronald Reagan.
La stratégie Kissinger/Nixon
À l’époque de Nixon, l’Union soviétique et la Chine étaient devenues des puissances rivales, allant jusqu’à se faire la guerre par procuration (Vietnam contre Cambodge). Il était viable de jouer une puissance communiste contre l’autre, comme parvint à le faire la stratégie mise en place par Nixon et Kissinger.
Aujourd’hui, par contre, ces deux pays essaient de renforcer leurs liens économiques et politiques. Aussi, un éventuel rapprochement de la Maison Blanche avec le Kremlin (souhaité par Trump) ne saurait emmener la Russie à s’éloigner de la Chine. Poutine pourrait même saisir l’opportunité pour avancer ses pions et consolider ses gains dans d’autres zones du monde – Europe de l’Est et Moyen-Orient – pendant que les États-Unis et la Chine se livrent à un bras-de-fer.
Qui plus est, si Trump demeurait passif face à de nouvelles percées de la Russie dans ces autres théâtres d’opérations, il aurait à coup sûr maille à partir sur le plan intérieur avec un Congrès qui se méfie déjà de la bienveillance du nouveau locataire de la Maison Blanche envers Vladimir Poutine.
Dans un tel cas de figure, les doutes au sein du Congrès et du propre parti de Trump, au sujet de possibles motivations cachées derrière la bienveillance de Trump envers Poutine, ne feraient que s’accroître. On ne pourrait plus exclure l’ouverture d’une enquête bipartisane qui pourrait s’avérer aussi gênante et périlleuse pour Trump que ne le fut celle sur le Watergate pour Richard Nixon.
Faire face à Poutine
Par ailleurs, à supposer que Trump n’ait rien à cacher ou à se reprocher dans ses relations avec Poutine, ce serait alors son propre ego qui pourrait le conduire à faire preuve de fermeté envers l’homme fort de la Russie. Car Trump ne sortirait pas grandi, devant le public de son pays et devant l’histoire, s’il devenait le président américain qui aurait abdiqué la première place du leadership mondial en faveur d’une Russie dont le poids économique et technologique (comme vient de le souligner Alexeï Koudrine, conseiller économique de Vladimir Poutine) est plutôt chétif.
Le premier signe des possibles tensions à venir entre ces deux dirigeants fut donné par la rapidité de la réponse de Trump à l’intention manifestée par Poutine d’accroître les capacités nucléaires de la Russie.
Les tentatives de Trump de s’entendre avec Poutine pourraient ainsi être de courte durée. À la différence des diamants, les lunes de miel ne sont pas éternelles, en tout cas pas en politique – surtout quand les partenaires s’appellent Donald Trump et Vladimir Poutine.
Mais alors, si Trump venait à affronter Poutine, il se battrait sur deux fronts à la fois (contre la Chine et contre la Russie) – un scénario qui n’a rien d’enthousiasmant.
Pour avoir ignoré le triangle d’incompatibilité de la politique monétaire (voulant contrôler les trois variables fondamentales dans ce domaine), les autorités chinoises déclenchèrent des remous préjudiciables à l’économie de leur pays. Aussi durent-elles corriger le tir et lâcher prise (ne fût-ce que temporairement) sur une des variables en question – en l’occurrence le contrôle des capitaux par le biais du rachat d’actions.
Compte tenu de la place de l’Amérique dans le monde, une méprise de Trump face au triangle d’incompatibilité de sa politique extérieure pourrait s’avérer plus coûteuse, et plus difficile à réparer, que ne le fut celle des autorités chinoises à l’égard de l’impossible trinité en politique monétaire.
En d’autres mots, le nouveau président américain sera amené à sacrifier un des trois objectifs clés de sa politique extérieure. Lequel ? Tous les paris sont ouverts.
La comparaison des deux triangles est plus que douteuse. Les Républicains du congrès n’ont pas intérêt à se suicider politiquement à moins de deux ans du renouvellement de leur siège si jamais ils se lançaient dans l’aventure de la destitution de leur champion malgré eux.
Trump va choisir un « arrangement » avec Poutine (par compromission ou pout toute autre raison…)… Et la confrontation avec la Chine mais quelle forme de confrontation? La réponse dépend de la gravité du mal narcissique qui habite Trump… Il ne reste à espérer que la folie trumpienne ne soit pas trop grave pour entraîner les autres peuples de la mer de l’Asie du Sud Est dans une confrontation guerrière…
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