Et si on arrêtait de mentir au peuple ?

Le malaise dans la démocratie, la frustration des peuples, la progression de la démagogie dite populiste tiennent au climat de mensonge.

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Et si on arrêtait de mentir au peuple ?

Publié le 7 janvier 2017
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Par Guy Sorman.

Et si on arrêtait de mentir au peuple ?
By: Evan GuestCC BY 2.0

Paradoxe de la démocratie : les gouvernements demandent à être jugés sur le taux de croissance de l’économie. Alors même que sur ce taux, ils n’ont que peu d’influence, voire aucune. Le développement dans nos sociétés complexes, marchandes et ouvertes sur le monde, obéit à un nombre quasi infini de paramètres que nul ne maîtrise ni ne saurait prévoir, pas même au niveau de l’État. Un gouvernement, à la rigueur, peut détruire l’économie : les exemples ne manquent pas. Il lui suffit de porter atteinte à la propriété privée, de fermer les frontières, de générer l’inflation par les dépenses publiques, d’étouffer l’innovation par les règlements, de remplacer les contrats par la corruption et toute croissance s’arrête.

La démonstration en a été faite maintes fois, de l’époque soviétique jusqu’à l’Argentine des Kirchner. Mais accélérer un taux de croissance est une toute autre affaire. Les Russes, dans les années 1920, les Chinois dans les années 1950 ont cru savoir planifier le développement : la misère de masse en a résulté, en dehors des industries militaires gérées par l’État.

Feux de paille des politiques keynésiennes

L’Argentine péroniste après 1945, l’Inde de Nehru après l’Indépendance, le Brésil militaire ont expérimenté l’autarcie et l’inflation : sans plus de succès. Sous l’influence de Keynes, bien après sa disparition, dans les années 1970, on a cru « relancer » la croissance par la création de monnaie et le déficit budgétaire. Hélas, sans résultats probants à long terme ; au mieux, les politiques keynésiennes sont des feux de paille tels qu’en ont vécu l’Amérique de Nixon, la Grande-Bretagne travailliste, le Japon des années 1980. C’est ainsi qu’après avoir tout essayé, les gouvernements du monde entier, à des exceptions exotiques près, se sont ralliés au libre marché plus ou moins régulé.

Qu’on ne vienne pas me dire que l’économie n’est pas une science ! Aussi imparfaite soit-elle, elle progresse et elle y parvient selon des méthodes scientifiques : les économistes bâtissent des théories, celles-ci sont expérimentées – malheureusement sur des peuples cobayes et pas en laboratoire – et l’on tire les enseignements de ces expériences. Mais les résultats, aussi probants soient-ils, ne convainquent pas tout le monde en même temps : la science économique, sur ce point, ne fait pas exception.

L’ignorance économique des politiques

Entre des preuves acquises et l’acceptation générale de celles-ci, il s’écoule un certain temps. Les plus obscurantistes, à cet égard, sont ceux qui ont le plus à perdre : les dirigeants politiques et leurs gourous. Ceux-ci, comme dans la célèbre pièce de théâtre d’Edmond Rostand, Chantecler, dont le héros est un coq, croient qu’en chantant ils font se lever le soleil. Jusqu’au matin où Chantecler fait la grasse matinée et découvre au réveil que le soleil s’est levé sans lui : il se suicide. Nos coqs de ministères, qui ne renoncent jamais à leur basse-cour, feignent d’ignorer ou ignorent vraiment que le soleil économique tourne sans eux.

Pour mémoire, on rappellera que les moteurs majeurs de la croissance sont l’exode rural et l’innovation. Si l’on essaie de comprendre la croissance forte de l’Europe au XIXe siècle, ou après 1945, et de l’Asie récente, le transfert des campagnes vers les villes en est la cause principale : le paysan qui devient ouvrier décuple sa productivité. Quand l’exode rural s’achève, la croissance retombe et ne retrouvera jamais les performances antérieures.

L’innovation, en revanche, est permanente et c’est là, à la marge, que les gouvernements peuvent agir : laisseront-ils opérer la « destruction créatrice » – on abandonne l’ancien, on épouse le nouveau – ou non ? L’arbitrage est cruel car il faut, en démocratie, trouver le juste équilibre entre le dynamisme économique et la paix sociale. Les deux tendent à être antinomiques, l’économie est efficace mais pas nécessairement morale, en tout cas pas à court terme.

Tout ce qui précède est, je crois, à peu près incontesté par 99% des économistes. La classe politique et les gourous médiatiques le savent-ils, c’est moins certain. Ce fossé entre connaissance et méconnaissance constitue le terrain de jeu électoral préféré des partis politiques, ce qui est bien regrettable. L’opinion publique en est constamment abusée : le dernier exemple en date étant celui de Donald Trump qui a promis aux Américains un taux de croissance de 4 à 5%, ce qui est techniquement impossible et, de surcroît, pas de son ressort.

Le malaise dans la démocratie, la frustration des peuples, la progression de la démagogie dite populiste tiennent à ce climat de mensonge. On ne saurait à la fois se plaindre de la montée du populisme et mentir aux électeurs sur ce que le gouvernement – et l’opposition – peuvent ou ne peuvent pas. L’alternative ? Ce serait la pédagogie, mais peut-on être élu et renouvelé en distribuant des leçons de réalisme et de modestie ? On ne sait pas, car nul n’essaie ; faire lever le soleil est plus attrayant, jusqu’au matin où l’on se réveille trop tard.

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  • Il s’agirait avant de chercher les causes de la croissance de définir ce terme. S’agit-il du PIB d’un pays ? Du PIB marchand c’est à dire la somme des valeurs ajoutées des entreprises et libéraux, celles des administrations n’étant pas comptabilisées ? Ou s’agit-il de l’un ou l’autre de ces deux chiffres rapporté à la population du pays ? Ou bien rapporté à la tranche de population entre 20 et 65 ans ? Ou encore rapporté à la population active ? Voilà huit indices différents. Et si on comparait les courbes pour les indices en question pour la France, on pourrait être surpris de constater des différences sensibles.

    Le courbe la plus « plongeante » serait, je n’en doute pas, celle du PIB marchand rapporté à la population totale du pays. S’il y a une courbe à surveiller et à redresser, c’est bien celle là. Traduction simple : combien un actif du secteur marchand peut-il nourrir d’inactifs ou d’actifs du secteur public ?

    Revenons aux causes. L’urbanisation ? Conséquence logique des gains de productivité dans l’agriculture : les « bras » dans les campagnes sont remplacés par des machines et le glissement des emplois vers le secteur secondaire jusque dans les années 1980, puis le secteur tertiaire depuis cette date, conduit à cette croissance des villes. Ce n’est pas inéluctable : la Suisse a su préserver un tissus industriel diffus jusque dans les villages, et le télétravail conduit à un mouvement de repeuplement des campagnes.

    L’innovation ? Notre problème en France n’est pas que nous manquions d’innovateurs : la qualité de nos ingénieurs ou chercheurs est reconnue et s’exporte. Le problème est plutôt dans notre mentalité, qui fait que nous préférons le plus souvent que l’innovation soit mise en oeuvre par les autres plutôt que par nous-même, ainsi que dans les freins mis à la croissance des PME innovantes et l’absence de mécanismes évitant les accidents de croissance. Ajoutons que l’état, vu sa technostructure dirigeante, est peu porté à favoriser l’innovation, à l’exception de grands projets collectifs (nucléaire) ou de secteurs spécifiques (armement).

    Contre exemple : les britanniques ont mis en place un système légal baptisé « golden share » qui permet à un créateur d’entreprise qui perd la majorité du capital de son entreprise, par dilution, de conserver une action de fondateur qui a, grossièrement, le pouvoir d’une minorité de blocage dans une SA. En France le fondateur qui passe sous la barre des 33% du capital est marginalisé et dans la plupart des cas évincé. Le pouvoir passe aux mains de financiers dont les objectifs sont le plus souvent à court terme, ce qui conduit à un manque de vision stratégique et le plus souvent au déclin.

    Exemple : la loi sur le surendettement exclut les dettes de nature professionnelle des procédures d’apurement de dettes individuelles. Les banquiers peuvent donc en toute liberté se livrer à leur jeu favori, à savoir remplacer les financements à risque, indispensables sur les entreprises innovantes et souvent nécessaires pour les autres, par le prêt sur gage personnel. Combien de PME en France, sous-capitalisées si on regarde leur bilan, ne tiennent que par des engagements hors bilan (cautions personnelles) ? Soyons clair : la majorité des PME et pratiquement toutes les entreprises artisanales, y compris agricoles. Comme peu de chefs d’entreprise acceptent le risque de « mort sociale » qu’entraine un dépôt de bilan, comme la dilution du capital et la perte de pouvoir qui s’ensuit (voir supra) est vécue comme l’échec, on fait tout pour éviter de prendre des risques.

    Ajoutons à tout cela qu’il y a des gisements de croissance inexploités, non pas dans des secteurs innovants, mais dans des secteurs traditionnels, faute de demandeurs d’emploi qualifiés. C’est le cas dans beaucoup de professions à numerus clausus (professions médicales…), ou du fait du déficit de diplômés sur des métiers spécifiques par désaffection des formations correspondantes (hôtellerie et restauration, métiers artisanaux…). Le remède est connu : fermer des formations généralistes, ouvrir des formations professionnelles. Quel ministre de l’éducation en aura le courage ?

    Conséquence : on stagne, là où les concurrents étrangers, qui bénéficient d’un climat favorable pour la gestion de leurs risques, prennent les parts de marché. Et si on continue, la courbe du PIB marchand par habitant va continuer à plonger, ce qui a pour conséquences mathématiques d’appauvrir les classes moyennes, de faire grimper la courbe du chômage, d’augmenter la population carcérale, donc le nombre de fonctionnaires dans la police et la justice…

    Suggestion de slogan pour les prochaines manifs de la CGT : « On veut des cadres et des ouvriers, pas de flics, des juges et des matons » ! Le slogan qui devrait s’ensuivre dans le couplet, à savoir « foutez donc la paix aux patrons » n’a aucune chance d’être scandé… dommage ! Mais ce dernier constat n’est il pas le résumé de tous nos maux ?

  • « le Brésil militaire a expérimenté l’autarcie et l’inflation »

    Incroyable… C’est exactement le contraire ! Les généraux brésiliens ont ouvert l’économie, après les décennies de développement autarcique, connu sous le nom de stratégie de substitution d’importations (droits de douane élevés à l’importation pour favoriser les industries nationales). Les militaires changent complètement de stratégie et c’est le début d’une croissance tirée par les exportations (export-led growth), en réduisant la protection du pays de façon à réduire les coûts des firmes et leur permettre d’exporter. Une période qu’on a qualifiée de « miracle économique », du milieu des années 1960 aux années 1970. Autant ce que vous dites est vrai pour l’Argentine des Peron, autant c’est faux pour le Brésil. Franchement, vous pourriez vous informer. Des thèses entières, des bibliothèques entières ont été écrites sur cette nouvelle orientation, qui a donné naissance à une participation importante des pays du Sud dans les exportations manufacturées mondiales, suivant en cela la voie ouverte par la Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taïwan, les quatre dragons.

  • J’aime beaucoup les articles de M. Sorman, sauf quand il parle de D. Trump ou de l’Islam. Mais c’est une autre histoire. Mon propos est juste de relever une contradiction dans cet article. Il y est dit que les gouvernements ne peuvent rien pour améliorer la croissance, mais qu’ils peuvent la détériorer : « Il lui suffit de porter atteinte à la propriété privée, de fermer les frontières, de générer l’inflation par les dépenses publiques, d’étouffer l’innovation par les règlements, de remplacer les contrats par la corruption et toute croissance s’arrête. » Très bien, alors, pour améliorer la croissance, il suffit de ne pas faire tout ça. Et ça serait un rebond inéluctable de croissance. Les gouvernements peuvent donc relancer la croissance, en annulant, en supprimant toutes ces mesures et tous ces passe-droit, ce qu’ils ne font pas, ou fort peu, ou très mal, surtout en France. Lisez « Sire, surtout ne faites rien », de Charles Gave, et vous verrez que les Etats pourraient faire beaucoup pour la croissance simplement en arrêtant d’emmerder l’entrepreneur ou freiner la destruction créatrice.

    • @Traderidera : vous avez parfaitement raison, mais le problème est que de justement « arrêter d’emmerder l’entrepreneur » comme vous dites correspond, ontologiquement et en regardant de manière plus globale, à réduire la taille de l’Etat. Or c’est là que le bas blesse et qu’il blessera toujours : nous avons laissé l’Etat nous envahir depuis grosso-modo 60 ans, jusqu’au point où il nous étouffe. Il faudrait donc dégonfler la baudruche. Qui peut le faire ? Les politiciens. Qui a tout à perdre d’une baudruche dégonflée ? Les politiciens. Qui a tout à gagner d’une baudruche hypertrophiée ? Les politiciens. Qui ne fera donc rien ? Le problème est là. Comment obtenir d’une classe sociale qu’elle abdique volontairement de son pouvoir ? La dernière fois qu’on a essayé en France, ça a mal tourné. S’imaginer que les politiciens vont volontairement abdiquer de leur pouvoir est se bercer d’illusions. Alors que nous reste-t-il ? Difficile question, mais à part un bain de sang façon 1789 (qui aboutit à 1793) ou voter avec nos pieds, je ne vois vraiment pas de troisième voie….

  • « Le malaise dans la démocratie, la frustration des peuples, la progression de la démagogie dite populiste tiennent au climat de mensonge. » et surtout aux mensonges sur le climat et l’énergie….

  • Pourquoi le mensonge… parce que la vérité est dangereuse et entraine un pessimisme mortel avec elle.la vérité est toujours négative ,elle vous ôte le peu d’espoir qu’il vous reste lorsque vous pensez a votre avenir. le mensonge permet d’avancer pas la vérité. un exemple avec Hollande, si il ne se mentait pas a lui même il aurait démissionné depuis longtemps….. et aurait perdu tous les avantages de sa fonction !

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