Par Louis Rouanet.
C’est avec tristesse que j’ai appris le décès hier de Ralph Raico. Il était professeur émérite d’histoire Européenne au Buffalo State College et fut l’un des intellectuels et historiens libéraux les plus éminents de sa génération.
Lycéen, Ralph Raico s’intéressait déjà au libéralisme et plus particulièrement à la pensée de Ludwig von Mises. Alors qu’il n’était âgé que de 15 ans, il entreprit, en compagnie de George Reisman, de rencontrer Mises qui habitait alors à New York. Ils se firent passer pour des vendeurs à domicile du magazine The Freeman et se présentèrent à la porte du célèbre économiste autrichien : « The Freeman ? J’y suis déjà abonné » leur répondit-il avant de leur fermer la porte au nez. Mises ne savait pas alors qu’il avait eu son premier contact avec l’un de ses plus fidèles disciples.
Dans les années 1950, Ralph Raico fût l’un des plus jeunes participants au séminaire Ludwig von Mises à l’université de New York. Il y rencontra Murray Rothbard et devint l’un de ses plus proches collaborateurs au sein du Bastiat Circle. Il a obtenu un doctorat à l’université de Chicago où F.A. Hayek fut son directeur de thèse. Il fonda à Chicago la New Individualist Review qui devint l’une des revues libérales les plus prisées, et où furent publiés des intellectuels libéraux d’envergure internationale, tels Milton Friedman ou F.A. Hayek.
Personnalité accessible
À mon plus grand regret, je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer Ralph Raico, mais j’ai cependant eu l’occasion d’échanger avec lui par email. C’est à l’occasion d’un semestre passé au Mises Institute en 2015 qu’il m’a offert l’un de ses livres, dédicacé, par l’intermédiaire de la bibliothécaire. Son attention envers moi fut exceptionnellement bienveillante. Ses qualités de conférencier étaient aussi bonnes que ses qualités humaines et, loin d’être une figure inaccessible, Mr Raico prenait de son temps pour motiver et féliciter les jeunes austro-libertariens.
Dans le courant de l’été 2015, il adressa l’ensemble de ses notes et de ses livres au Mises Institute, en prenant cependant bien soin d’envoyer en premier lieu les écrits relatifs aux économistes et libéraux français qu’il aimait tant. Il voulait que je puisse les consulter avant mon retour en France. Je ne savais pas à l’époque que j’allais devoir y consacrer une semaine entière !
Il était un gros fumeur, et ses papiers dégageaient une forte odeur de tabac ; il n’était pas rare d’y trouver des traces de café où des brûlures de cigarettes. C’était une merveilleuse expérience et je contenais avec peine mon bonheur au milieu des caisses de livres et dossiers. Encore aujourd’hui, je conserve précieusement des photocopies de certaines de ses notes écrites partiellement en anglais, ou en français, ou souvent les deux en même temps.
Une oeuvre inégalée
L’œuvre de Ralph Raico est bien évidemment trop vaste pour en donner ici un aperçu complet. Parmi ses meilleurs livres, il faut mentionner Classical Liberalism and the Austrian School, une collection d’essais incontournables en science politique et en histoire de la pensée économique.
Un autre excellent ouvrage est Great Wars and Great Leaders, devenu un classique. Raico y reconsidère l’Histoire, façonnée par le discours officiel, des grands hommes d’État. Churchill, Truman, Trotski, Roosevelt sont montrés sous leurs vrais visages, loin des images auxquelles ils sont souvent associés. Enfin, il a publié de nombreux articles, chapitres et études parmi lesquels se distingue Le Miracle Européen, un article essentiel pour comprendre la formation de la culture libérale.
Ralph Raico était aussi un francophile. Il m’écrivit : « Hayek souffrait d’anglophilie à un stade terminal et n’avait aucune appréciation pour la grande tradition libérale française. La France est la plus grande de toutes les nations, de Turgot à Molinari, l’anarchiste réactionnaire et le meilleur d’entre tous. Par ailleurs, comme tu le sais peut-être, Molinari est enterré au Père Lachaise, par son propre choix, aux côtés de Benjamin Constant. »
La personne comme l’œuvre de Ralph Raico méritent de ne pas être oubliées. Mais par-delà sa contribution, le meilleur moyen d’honorer sa mémoire est de continuer la bataille pour défendre les convictions qui étaient les siennes, la conviction que l’homme mérite d’être véritablement libre.
Un grand libéral. J’ignorais sa mort. Merci pour cet article.
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