Programme d’Emmanuel Macron : quelle crédibilité ?

Bien sûr c’est plaisant d’écouter Emmanuel Macron. Mais certaines propositions restent floues. Quelle crédibilité peut avoir ce candidat ?

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Programme d’Emmanuel Macron : quelle crédibilité ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 12 décembre 2016
- A +

Par Eric Verhaeghe.

emmanuel-macron-by-oecd-development-centre (CC BY-NC-ND 2.0)

On écoute Emmanuel Macron (difficile d’y échapper, tant la couverture médiatique dont il bénéficie est grande) et ce moment suscite toujours le même étrange malaise que celui qui étreint le visiteur d’un parc d’attractions. Bien sûr, c’est plaisant, bien sûr, c’est agréable, bien sûr, c’est professionnel et remarquablement conçu. Mais est-ce bien la réalité ? Quelle crédibilité peut-il avoir ? Et que cache vraiment le décor ?

Quelle crédibilité de Macron sur le travail ?

Par exemple, Macron se présente comme le « candidat du travail ». C’est évidemment ce qu’on a envie d’entendre. Bravo ! Même si le parcours personnel du candidat ne le pose pas naturellement dans ce rôle. Et justement, quand on écoute les propositions de Macron sur le sujet, elles ont ce petit côté « note de synthèse » à l’ENA qui installent un malaise.

Bien sûr, on les connaît bien, ces propositions (qu’on me permette de le dire) éculées sur les trappes à pauvreté, les trappes à chômage, et le fameux laïus complètement cramé sur : « il faut que reprendre un travail à temps plein rapporte plus qu’un travail à temps partiel », etc. Depuis quinze ans, et même plus (croyez-en un ancien élève qui est entré à l’ENA en 2000, c’était déjà un lieu commun !), le même disque tourne en boucle. Il y a vingt ans, c’était moderne. Et dans la bouche de Macron, le même mot de « modernité » est resté scotché sur ces propositions qu’il discutait, pondérait, décortiquait en deux parties et deux sous-parties lorsqu’il faisait Sciences-Po, il y a plus de quinze ans. C’est là que le malaise vient : Macron est jeune, certes, mais il n’est plus à Sciences-Po, ni à l’ENA, et parfois on se demande s’il s’est vu vieillir ou pas.

Car, qu’il le présente comme il le veut, avec les mots « parc d’attractions » qu’il veut, son discours sur le travail ne dépasse guère les rapports de « séminaire ENA », ces espèces de dossiers d’entraînement que les élèves de l’école rédigent en groupe pour se faire les dents avant d’entrer dans un corps d’inspection. Sur le papier, les propositions fonctionnent toujours très bien, et comme elles sont évaluées par des énarques, elles ont ce petit parfum de consanguinité tout à fait inimitable – le même que les interminables palabres de la noblesse byzantine avant la chute de Constantinople. Quel peut être leur impact sur la réalité ? La question reste ouverte, et le naufrage français, confirmé constamment depuis que Macron est sorti de l’ENA, n’est pas fait pour nous rassurer sur ce point.

Quelle crédibilité sur la fiscalité ?

Le même malaise vient quand on essaie de mettre bout à bout les propositions de Macron sur la fiscalité. On préfèrerait que le candidat joue franc jeu en expliquant clairement sa vision (s’il en a une, bien sûr) sur ce que doit être la stratégie fiscale française. Comme Macron « parc d’attraction » se propose d’abord de nous vendre un rêve, il fractionne en mille morceaux son discours sur le sujet, et, du coup, on est contraint à supputer.

Aujourd’hui, on apprend qu’il veut transformer le CICE en baisse pérenne de « charges ». D’accord, bien sûr, mais c’est l’objet d’un décret, d’une mesure réglementaire, de gestion. Cela ne fait pas un programme, et, sur le fond, c’est une mesure d’affichage qui n’ajoute ni n’enlève aux volumes fiscaux payés par les entrepreneurs. Pas de quoi faire un fromage. À moins, bien sûr, que l’espérance de guérir ce pays malade soit si faible qu’un médecin qui change une perfusion de bras se sente déjà obligé de le claironner comme un retour vers la bonne santé.

Quant à la proposition déjà formulée cette semaine de remplacer les cotisations salariales par de la CSG, soyons francs : elle passe à côté de la plaque. Elle serait novatrice si elle remplaçait non pas les cotisations salariales mais les cotisations patronales par de la CSG. Mais elle deviendrait politiquement incorrecte parce qu’elle consisterait à demander aux salariés de payer sur leurs deniers des cotisations prises en charge aujourd’hui de manière invisible par leurs employeurs. Et être politiquement incorrect, c’est tout ce que Macron ne veut pas, malgré ses appels plastiques à la révolution.

Dans les coulisses de Macron

En fait, pour comprendre les propositions de Macron, il faut souvent entrer dans un labyrinthe : on connaît l’entrée, mais on ne connait pas la sortie. C’est d’ailleurs en cela que Macron n’est pas moderne : il pratique la même vieille politique opaque que ses prédécesseurs, même si formellement il en brise les codes.

Par exemple, ses propositions sur le chômage : il propose de transformer le système actuel en régime de solidarité. Voilà une proposition bien anodine qui semble probablement énigmatique pour beaucoup de Français. Incidemment, il habille cette idée obscure avec un blabla sur le droit à la mobilité et autres déclarations d’intention qui ne mangent pas de pain.

Mais il n’explique pas clairement la perspective globale de cette proposition, qui consiste à faire du régime chômage une sorte de nouveau minima social. Les cadres seront par ailleurs libres de s’assurer au-delà de ce régime contre le risque chômage. Ce système existe déjà pour les entrepreneurs, sous le nom d’AGS. Et lorsque Macron évoque l’idée d’étendre la protection chômage aux entrepreneurs, c’est évidemment ce système-là qu’il a en tête : un régime de base public, et des régimes complémentaires privés.

On préfèrerait que ces choses-là soient dévoilées clairement et sans ambages. Nous sommes tous d’accord pour dire que ce dévoilement premier est une prise de risque dans la mesure où il peut susciter des levées de boucliers très rapides. Mais vaut-il mieux vaincre les obstacles au début (en perdant un peu de temps et parfois en transigeant), ou, comme dans le cas de la loi Travail, donner le sentiment de vouloir empapaouter son petit monde et finir complètement stérilisé par des semaines de manifestation et de contestation ?

Au-delà des médias, quelle crédibilité populaire ?

Dans la pratique, Macron constitue la énième redite d’une mécanique dont les derniers mois ont montré qu’elle s’enrayait. Macron est soutenu par les médias, et les médias ont décidé d’en faire le candidat qui affrontera Fillon au second tour de la présidentielle. Quel peut être l’impact véritable de cette fabrication sur mesure ? Les phénomènes Trump ou Fillon ont montré qu’il y avait parfois loin de la propagande médiatique à la réalité du vote.

Les médias ont d’ailleurs peu relayé le nombre de spectateurs de son meeting (toujours mystérieusement financé, ce qui pose un véritable problème) qui sortaient de la salle avant la fin du discours. En réalité, il est très difficile de savoir dans quelle mesure la candidature Macron « mord » effectivement sur l’opinion. Et sur ce point, la démocratie ne se porte pas bien lorsque plus aucune jauge crédible et impartiale ne permet la mesure.

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  • La jauge impartiale, c les élections…

  • Article totalement à charge. Rien ne trouve grâce au yeux de ce monsieur. Question toute bête : que proposerait M. Éric Verhaeghe s’il était candidat ??

    • Article à charge ? Très modérément, et c’est justifié. Pour l’instant Mafon à sorti un livre avec des grands principes faciles et flous, et trois ou quatre propositions paramétriques. Pour un candidat qui se veut révolutionnaire, c’est très faible. Il va falloir qu’il se dévoile beaucoup plus.

      • bien d’accord, article assez modérément à charge pour un homme politique si creux, et dont les mesures annoncées libérales sont ,pour l’instant, bien décevantes

  • Macron c’est du vent, tout dans l’apparence et aucun fond. Cette imposture semble un trait général de sa personnalité qu’il applique en toute chose….

  • Bah, il est la version masculine de notre ânesse du Poitou ,belle et intelligente mais sans aucune moralité, tout pour sa gueule…. Hollande a toujours su se faire bien entourer , des grains de beauté pour faire oublier son esprit tordu, ses gvts mériteraient tous d’aller dans le musée des monstres ,pas un de ‘normal’ !

  • Je ne comprends pas l’engouement de certains libéraux pour Macron, il est tout ce que le libéralisme déteste : un haut fonctionnaire qui a travaillé dans une banque d’affaires tout en restant lié à l’Etat, ne serait-ce pas du capitalisme de connivence?
    Ne tombons pas dans son piège, il est simplement un gauchiste comme les autres. Il crie au lieu de réfléchir, pond un programme en 3 jours, fais de beaux discours aux phrases alambiquées au lieu de donner de vraies idées, et quand il en donne elles sont contradictoires entre elles.

    • Ses financement proviennent de donateurs privés et il n’est pas un professionnel de la politique qui se traine depuis 40 ans au contraire de Fillon et compagne.

      En fait vous n’avez rien compris à son discours pour lui toute mesure où programme nécessite une nouvelle philosophie politique de notre système en amont.

      Mais remarquez vous avez l’air habitué à la politique self service ou on se sert dans un rayon de mesure prémâchés non?

      Je ne reviendrai pas sur l’utilisation systématique et ecculée du terme « gauchiste » qui permet de cacher un vide argumentaire.

      • ‘…qui permet de cacher un vide argumentaire…’ idem pour populiste, extrémiste etc… Des qualificatifs qui permettent d’éluder les vrais problèmes qui nous ruinent.

        • Amcontre : chacun ses problèmes, où avez vous trouvé le terme de populisme et d’extrémisme dans mes propos?: dsl mais je suis en 5 années de master étudiant boursier de dernier échelon ( et oui on aimerait tous etre fils de cadre sup et ne pas dépendre des deniers publics pour étudier ) j’ai un stage de 5 mois qui m’attends à l’international et vais donc taffer à côté pour assumer le coup de la vie sur place et laisser moi dire que me concernant Macron a totalement raison de prioriser les économie dans la mondialisation et faire en sorte que de nouvelles opportunités soient possibles dans un monde en changement constant : dsl mais je sature du discours identitaire, souverainiste à longueur de journée, c’est pas la loi sur le voile, l’immigration et je ne sais quoi qui va faire en sorte que je trouve ma place mais un rapport administeation/ administré simplifié, un encouragement au risque et à la responsabilité , je n’attends pour ma part ni revenu universel ni régulation idiote du fait religieux pour réussir ma vie, je précise que je suis catholique et pratiquant, au cas où certains seraient tentés de déformer mes propos.

    • Il n’y a pas si longtemps, il en était au diagnostic de la société française…

    • Capitalisme de connivence, sans aucun doute, ce qui répond peut-être à la question de son financement. Mais gauchiste, non. Ni de gauche, ni de droite. Plutôt mondialiste dans le sens « Deep State », ce qui est conforme à son parcours. Et donc manipulateur comme cet article le suggère à juste titre. Quoi qu’il en soit, ce type est un furoncle. Peu de chances que les électeurs suivent la presse subventionnée.

      • c’est sans doute le ‘furoncle’ qui le fait hurler. Si ce n’est pas le cas, il est un très mauvais acteur dans cette comédie théâtro-politique nationale.

  • Aucun argument concret dans cet article, que des attaques gratuites… Et une accusation gratuite sur le financement et ceci sans aucune preuve. Une pointe de jalousie peut- être ?

  • Je fais la même analyse et le même constat que M. Verhaeghe. J’ajouterais que les airs inspirés de Macron et ses éructations font froid dans le dos!

  • Quelle tristesse cet article… On retrouve tous les grands poncifs de ces « temps modernes » que ne représenterait pas Macron : Merdia aux ordre, financements opaques, mesure nulles, arguments d’autorités, bref, ni sur le fonds ni sur la forme : rien de nouveau, vide de sens, erroné dans les analyses.

    On croirait entendre n’importe quel éléphant du PS ou LR ou FN, avec tous ses biais cognitifs, effets de halo, heuristique.

    Franchement, on comprend vite que ce monsieur a besoin qu’on lui vende des propositions ultra concrète, et la stratégie de communication de Macron ne lui plait donc pas. Drôle de voir un dinosaure accuser un autre dinosaure d’être un dinosaure parce qu’il arrive avec une com’ innovante.

  • C’est exactement le même ressentiment que j’ai eu à son écoute, il a ce don agaçant de la formule qui dissimule tout derrière des termes pompeux, c’est un peu comme en cuisine lorsque que l’on vous parle d’un écrasé de pomme de terre mais qu’au finale la seule chose qui sera dans votre assiette c’est une purée amélioré.

    Son programme n’a rien de révolutionnaire et son soutient par les médias me fait penser à un Juppé bis, espérons qu’il est la même fin.

  • Le vrai réactionnaire de cette élection, c’est bien Macron !
    Pour l’Ubérisation de l’économie, tous condamnés à bosser 70 heures par semaine sans couverture sociale dans la jungle mondialiste pour gagner à peine de quoi se loger.
    En marche vers le retour à l’Esclavage.

  • Aucune crédibilité !

    Macron est une bulle merdiatique point barre

  • Vive la censure libérale!

  • Macron n’est pas libéral, sans aucun doute. mais il m’a bien rire avec ses sorties rafraichissante, parce que le PS (et la gauche) actuel sent la vieille charogne faisandée.
    Rien de mieux n’aurait pu arriver à la gauche. Cette dernière saura-t-elle reconnaitre son rejeton et ne pas le rejeter comme un cygne noir ❓

    Mais il n’aura pas le courage, je le met au défi, de baisser les dépenses induite par l’état aux alentours de 50% du PIB et faire passer les prélèvements sous les 40% avec un déficit à 0%. D’ailleurs même Fillon aura de la peine à le faire.

    • En parlant de Fillon:rétropédalage en bonne et due forme sur l’assurance maladie et la Sécu, je préfère un type qui n’entend pas nous faire le grand soir libéral, un peu comme les juifs qui attendent le retour de leur élu sur la terre même si la comparaison est foireuse) qu’un type qui dit : je vais couper ça, baisser ça, réduire ça, pour rétropédaler alors que le 1er tour n’a même pas commencé. Bref avec Fillon le naturel de la droite la plus bête du monde retourne au galop voir au triple galop, d’ailleurs l’absence de nouveaux articles sur Fillon est assez intellectuellement délicieux à observer. Voilà que toute la presse de droite mais également Contrepoints par ses nombreux articles nous ont fait l’éloge du néo-fillonisme ( ne pas oublier que Fillon était un gaulliste social à la base). Bref Fillon est un cas d’école: prisonnier de son appareil politique, aucune prise de risque, le constat est plutôt clair : le libéralisme de la droite française n’existe pas en dehors de l’UMP, la droite tout court d’ailleurs.

      La différence c’est que Fillon a déjà tout promis sur quasiement tous les points, il ne peut donc qu’amender, nuancer ou rétropédaler. Bref rien à attendre…

      Le libéralisme est une philosophie politique , théorie politique si vous préférer: aucune personne dans ce monde qui se réclammait comme libérale ne l’a été au manette: vous voulez faire du libéralisme une praxis comme le marxisme vous serez le témoin de son échec flagrant.

      Le libéralisme est une ontologie personnelle , un référentiel du monde qui a pour dessein premier le respect de la vision individuelle du monde de chscun.

      N’étant donc pas dans une prétention à la collectivisation des rapports entre gouvernants et gouverner, le libéralisme n’est pas une « méthode » de gouvernement.

      C’est une philosophie personnelle qui selon la personne ou les personnes ( si cette philosophie et partagée collectivement par ses membres ce qui est loin d’être le cas dans la réalité politique ) qui détiennent une autorité politique peut insuffler un axe ou une orientation gouvernementale: en aucun cas un alpha ou un oméga.

      Le libéralisme n’est pas une religion enfin en ce qui me concerne.

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