L’égalitarisme, source de pauvreté

Comment l’égalitarisme bloque la croissance et freine l’amélioration de la situation de notre économie.

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Troupeau de moutons (de Panurge) (Crédits Alessandro Prada, licence CC-BY-SA 2.0), via Flickr.

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L’égalitarisme, source de pauvreté

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Publié le 7 octobre 2016
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Par Yves Buchsenschutz.
Un article d’Emploi2017

L’égalitarisme, source de pauvreté
Troupeau de moutons (de Panurge) (Crédits Alessandro Prada, licence CC-BY-SA 2.0), via Flickr.

Comment la transformation de l’égalité, pierre angulaire de la devise de la république (Liberté – Égalité – Fraternité) en Égalitarisme, bloque de fait toute croissance et amélioration de la situation de notre économie et de nos concitoyens.

Pour comprendre ce phénomène, il faut revenir en arrière : au moment de la Révolution, quand les principes de la République sont adoptés1, les Français, et en particulier la bourgeoisie et le Tiers-État, sont obnubilés par l’existence de l’aristocratie, voire par les privilèges du clergé. La question posée est celle de l’égalité des chances. Comment installer une méritocratie qui ne soit plus basée sur le sang bleu ? La réponse de l’époque fut de lever l’interdit lié à la filiation, socle de la noblesse.

L’histoire de l’égalité

L’époque révolutionnaire et le Premier Empire concrétiseront au moins partiellement cette nouvelle possibilité ; il suffit à ce sujet de rappeler l’origine très simple de nombre des maréchaux d’Empire. À noter cependant que la forme en fut souvent l’anoblissement des personnes méritoires plutôt qu’une disparition pure et simple des catégories prérévolutionnaires. Plus tard, le système de la sélection des fonctionnaires, en particulier par l’utilisation systématique du concours, se substituera progressivement à la notion monarchique de charge ou d’office. Il apportera un degré supplémentaire d’égalité car il ouvre l’ascension sociale à une mesure plus objective du mérite…

Mais un jour de 1964, Messieurs Bourdieu et Passeron publieront Les Héritiers et redistribueront les cartes : la définition de l’échelle du mérite fige en fait dès l’origine qui gagnera à l’arrivée ; et elle est entre les mains de la classe dominante qui, de plus, a toute latitude pour préparer sa progéniture à réussir les concours. Cherchez l’erreur ? L’égalité des chances est biaisée dès le départ, même si elle permet une croissance inouïe du pays.

Comment définir le mérite ?

Le problème devient dès lors comment définir l’échelle du mérite ? La société a quelque peu erré autour de ce sujet ; rappelons-nous des slogans communistes : de « à chacun selon ses moyens » vers « à chacun selon ses besoins » ; mais a fini par accoucher d’une solution originale : on ne poursuivra plus désormais l’égalité des chances, mais l’égalité des résultats.

Désormais, quels que soient l’individu, sa vie, ses goûts, sa couleur, son âge, son passé, etc., l’objectif de l’égalité est qu’il doit disposer, à l’instant T, de la même chose que son voisin ! En fait, la solution serait l’identité totale des situations : même salaire, même couleur d’yeux, même taille, même appartement, même costume, même voiture… Le tout probablement d’ailleurs défini par l’État : l’égalité a viré à l’égalitarisme.

En dehors de son côté utopique évident (comment imaginer que l’humanité ne serait plus composée que de clones dans un environnement lui-même cloné), de la difficulté, une fois de plus, à décider qui décidera2, ainsi que du fait que l’ennui naquit un jour de l’uniformité… ce système ne peut conduire qu’à l’immobilisme et la stérilité.

Contre l’uniformité

En effet, l’amélioration de la condition des hommes, au moins matérielle, ne peut être construite que sur l’amélioration de la productivité (pour mémoire la productivité c’est faire mieux et plus avec les mêmes moyens, ou autant mais avec moins d’efforts : dans les deux cas, à effort constant, on dégage un surplus de production, ou du temps disponible pour faire autre chose, ce qui revient au même). Or ceci présuppose de faire différemment et est par construction antinomique avec l’uniformité exigée par l’égalitarisme. Évacuer la diversité, c’est donc évacuer l’innovation, la croissance et l’amélioration de la situation de l’humanité. Accessoirement, c’est évacuer la compétition, la récompense, motivations dominantes et constatées universellement de l’effort et du dépassement, qu’on le veuille ou non.

Ceci ne préjuge ni de la nature des innovations, dont certaines peuvent être bonnes et d’autres moins, ni de la répartition finale des fruits de la productivité. Tout au plus peut-on dire qu’il parait légitime que celui qui l’a rendu possible en revendique tout ou partie. Comme le rappelait un inventeur, la création ou le talent c’est 5% d’inspiration et 95% de transpiration, et peu de personnes sont prêtes à se fatiguer plus que leurs voisins sans espérer un retour personnel, ne serait-ce que final.

Or que constatons-nous dans notre société chaque jour : suppression des examens et des sélections, demande permanente d’alignement des situations, évacuation systématique de tous les systèmes de différentiation, suppression des évaluations (traumatisantes, pour qui ?), alignement systématique des rémunérations – antienne permanente des syndicats et d’une bonne partie de la classe politique… Nous prônons chaque jour un peu plus l’égalitarisme tout en défendant en sous-main nos rentes et privilèges, dont la suppression amènerait au moins plus d’égalité des chances, encore loin d’être acquise.

Ainsi les différences structurelles de traitement entre la fonction publique et le secteur marchand, le contraste abyssal entre un chômeur et un actif, les écarts de situation entre les élus et le peuple, les taxations confiscatoires qui entraînent l’exil des entrepreneurs… découragent ceux qui pourraient se lancer dans la recherche de la croissance et de la productivité. Pour terminer ce tableau assez sombre, il faut encore au moins évoquer le bastion de l’Éducation nationale : elle a, de fait, par égalitarisme dogmatique et par promotion permanente de ses propres privilèges et idéologies, fait régresser ces dernières années l’égalité des chances3.

Oui à l’égalité des chances organisée… non à l’égalitarisme4.


Sur le web

  1. La devise, sous sa forme actuelle ne sera officiellement adoptée qu’en 1880 ! Mais Maximilien Robespierre et Camille Desmoulins l’utilisent dès 1790.
  2. Voir Hayek, La route de la servitude et Orwell, 1984.
  3. Voir la dégringolade permanente de la France dans les classements internationaux et l’état comateux de notre apprentissage.
  4. Aucun pays au monde ayant choisi l’égalitarisme (i.e. en général le communisme) n’a atteint le niveau de richesse des pays « libéraux occidentaux » à ce jour.
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  • Magnifique article ! Bravo !

  • Et maintenant, comment compter vous convaincre nos concitoyens qui sont tous sous l’emprise de la propagande égalitariste ? moi, j’y ai renoncé…

  • Pendant et après la révolution le principe d’égalité a porté principalement sur l’égalité devant l’impôt, l’aristocratie et le clergé n’y étant pas astreints. Ensuite, ce fut l’égalité de droits en justice. Deux principes sur lesquels on ne peut qu’être en accord. Aujourd’hui, l’égalité des chances dans la vie professionnelle est une démagogie car les choses ne sont pas qu’une question de chance mais de compétence et de vrai mérite.

  • Je ne suis pas sûr du tout que le mot « égalité » de la devise républicaine visait l’égalité des chances, qui est un concept bien plus récent. L’égalité de 1789 est l’égalité des droits – c’est à dire l’absence de privilèges. L’égalité des chances, comme son nom l’indique, consiste à donner des chances égales à tout le monde de réussir, et nécessite dès lors une certaine intervention étatique (notamment l’accès à un enseignement généralisé et bon marché). Pour un libéral, l’égalité des droits est la pierre angulaire, ce que l’égalité des chances n’est pas – bien qu’elle puisse se défendre.
    Nous n’avons aujourd’hui ni l’une ni l’autre: (1) la société connaît aujourd’hui de statuts divers (fonctionnaires, artistes, parlementaires) qui sont autant de privilèges, bien médiocres comme il faut mais tout à fait injustifiés et (2) l’enseignement public est tellement nul que seuls ceux qui sont nantis ou culturellement avantagés (accès à la bonne information au sujet de la bonne école..) peuvent encore réussir.

  • Tant de personnes s’ accordent sur le diagnostic, à droite comme à gauche ( en off !), comment est-il possible qu’une poignée de gauchiste arrive à tant peser sur les choix politiques du pays? Comme au bon temps du communisme je crois qu’ils ont noyauté tous les endroits ou on fait l’opinion publique : media, école, associations, et maintenant internet. Nous ne sommes pas sortis de l’auberge!

    • Vous oubliez la justice, avec notamment l’ENM de Bordeaux qui dispose du monopole de le formation des magistrats, où la sélection s’opère non sur la compétence des individus mais sur leur conformisme à l’idéologie socialo-collectiviste, dérive observée également dans de nombreuses universités publiques.

  • La devise de la république ce n’est pas Liberté – Égalité – Fraternité mais Liberté, Égalité, Fraternité.
    Noté bien l’emploi de virgules comme séparateur qui ont un sens.
    La pierre angulaire de la devise de la république c’est Liberté, liberté qui est la même pour tous car nous tous égaux en droit.

  •  »Tout au plus peut-on dire qu’il parait légitime que celui qui a rendu possible (l’augmentation de la productivité) en revendique tout ou partie. »
    Ou comment tirer la couverture à soi une fois parvenu (parvenu a un sens voisin assez clair) à la situation qui permet de bénéficier d’avantages de ce genre. Oubliant fort opportunément (mot famille avec  »opportuniste ») qu’y compris lorsque l’on est au sommet d’une pyramide productive, c’est la fonction qui domine la personne que l’on est. Et c’est la fonction bien exercée qui peut permettre la croissance de la pyramide. Ce qui suppose l’effort de tous.

    Mais il y aura toujours d’indécrottables égotistes qui estimeront que tout est dû à leur seule personne. La phrase entre guillemets ci-dessus en est une bonne illustration. Sa seule justification est qu’elle provient d’une personne disposant d’un pouvoir de décision sur les autres, partant, de moyens de coercition propres (ou plutôt malpropres) à imposer l’idée que la part des efforts de ses subalternes ne dépend qu’essentiellement de lui et qu’elle doit donc lui revenir.

    Ce qui n’est pas le résultat d’une logique entrepreneuriale, mais d’une logique de prédation, laquelle est favorisée par le réseau d’appuis inhérent au capitalisme de connivence. L’égalité des chances, à cette aune, est une foutaise, puisque la compétition au mérite butera pour les meilleurs sur l’entrisme qui aura réservé les plus hautes fonctions à ceux adoubés par leurs prédécesseurs. Merci papa, dit-on souvent dans ces milieux. Et après, cela vient donner des leçons au vulgus pecus …

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