Par Sophie Auzerau.

J’habite au Texas qui est un état notoirement républicain. Malgré tout, comme je l’ai déjà expliqué, dans les grandes villes telles que Dallas, Austin et Houston, la population vote généralement démocrate.
Au début de l’année, les Texans croyaient très fort en la candidature du gars du pays, Ted Cruz (né au Canada, mais ne chipotons pas). Même si on ne s’intéresse que de très loin aux élections américaines, on a déjà entendu parler de lui.
Goodbye Ted Cruz !
Cruz est sénateur du Texas, avec quelques accointances du côté du Tea Party, Sarah Palin et les Évangélistes. Son nom a défrayé la chronique lorsque le délicat Donald Trump a entre autres, accusé le père de Cruz d’avoir trempé dans l’assassinat de JFK. Le papa de Ted, Cubain, apparaitrait selon Trump sur une photo floue près d’Oswald. Puis il a attaqué la femme du texan sur son physique (il a clairement sous-entendu qu’Heidi Cruz est moche) après que des supporters de Cruz avaient publié une photo de Melania Trump, en avion, nonchalamment allongée sur une peau de bête, la raie à l’air (et non, je ne parle pas de ses cheveux).
« Voici votre nouvelle première dame, ou sinon votez Cruz mardi » tel était le sous-titre. Je suis à peu près sûre que l’affiche a été efficace dans les deux sens, certains fantasmant déjà sur les vols longs courriers d’Air Force One.
Même si ça me fait bien rire, inutile de pérorer. En France on a eu notre lot d’épouses, concubines et maitresses en tout genre qui ont fait marrer la Terre entière.
La déconvenue de Ted Cruz a été un coup pour certains de mes amis texans qui reconnaissaient ne plus savoir pour qui voter puisque leur poulain était déjà hors course après le premier virage. Ils ne soutiennent ni Hillary, une menteuse et un escroc d’après eux, ni Trump dans lequel ils ne se reconnaissent pas du tout.
Ils ont donc une sacrée épine dans le pied, et les réseaux sociaux ont été le lieu de disputes épiques et discussions venimeuses ces derniers mois. Les articles s’y sont succédé me mettant au bord de l’overdose, à la limite de bloquer certains amis du coin qui avaient tendance à oublier que Facebook n’est pas une tribune politique. L’amertume augmentant proportionnellement avec la gravité de l’enjeu.
Petit flash-back sur les faits
Quelques semaines avant le Super Tuesday, les panneaux se sont mis à fleurir dans les jardins claironnant pour qui l’heureux propriétaire allait voter. On a donc découvert que nos voisins étaient des fervents soutiens de Trump n’hésitant pas à placer un autocollant sur leurs voitures, et planter un panneau « Make America great again » dans les hortensias.
Plus le temps passait, au plus la position des panneaux s’affermissait et leur nombre croissait. Une propriété cossue du coin allant jusqu’à compter 8 panneaux  “Trump” dans son carré de pelouse au moment de la Convention de Cleveland.
À la bibliothèque de ma ville, impossible de sortir de ma voiture sans être assaillie par une foule de militants, prospectus en main, qui espéraient influencer les indécis. Ainsi je lisais une profonde déception dans leurs yeux à chacun de mes passages, lorsqu’ils me demandaient :
“Vous êtes venue voter ?
– Non
– Demain alors ?”
Amusant aussi de constater que seuls deux malheureux panneaux Bernie Sanders étaient visibles dans ma ville : sur le tacot le plus modeste qu’on puisse trouver dans le coin, et au 2è étage d’une villa, sur une fenêtre. Un peu comme si un des gamins de la maison avait voulu faire une bonne blague à ses parents.
Du rififi chez les Éléphants
Mais la Convention réservait aussi bien des surprises, notamment le malicieux Ted Cruz qui devait lors de son speech, faire allégeance à Trump. Après les querelles, insultes et coup bas qui avaient émaillé la campagne au printemps, il fallait faire table rase et réunir le camp Républicain et surtout que le Sénateur du Texas montre la voie à ses ouailles.
C’est là que la scène devient croustillante, Ted regarde ostensiblement vers 2020 en prononçant ces mots : « Vote your conscience » sans prononcer le nom de Trump. Il lui refuse sciemment son soutien. Cruz sort sous les huées du public mais souriant. Trump enrage mais pour ne pas perdre la face, tweete qu’il connaissait le discours à l’avance et l’a laissé faire.
Dans le magazine Texas Monthly, les envoyés spéciaux rapportent avoir entendu dans la foule « Il a des couilles le Texan » ou autre « Si je pouvais, je l’adopterais ».
Vengeance pour son père, vengeance pour sa femme Heidi. Ici, on a salué de toutes parts le baroud d’honneur de Cruz : « Au Texas, la famille c’est sacré. »
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Du vécu qui change des péroraisons médiatiques subventionnées!