Par Benoît Rittaud.

Dans mon livre de 2015 intitulé La Peur exponentielle, j’ai tâché de montrer comment la perception commune du concept mathématique d’exponentielle a partie liée avec notre vision du monde. Avant-hier, j’ai ainsi exhumé dans l’annonce de la candidature d’Alain Juppé à la primaire de la droite et du centre l’enthousiasme de l’ancien premier ministre devant les « progrès exponentiels » des technologies de l’information, pour l’opposer au regard méfiant, voire craintif, de Cécile Duflot dénonçant la “croissance pour la croissance”.
Le candidat à la candidature Sarkozy
La déclaration de candidature à la candidature de Nicolas Sarkozy (c’est décidé, je vais écrire désormais « candidature2 » pour éviter la répétition) met elle aussi l’exponentielle à l’honneur, mais d’une façon spectaculairement nouvelle.
Selon ce qu’en indique Le Monde, le livre de Nicolas Sarkozy qui vient de paraître comme support à l’annonce de sa candidature2 contient la proposition suivante :
En matière de justice, M. Sarkozy ne se contente pas de promettre le rétablissement des peines planchers. Pour la première fois, il propose de créer des peines planchers dont les risques encourus seraient « exponentiels » : « Après trois condamnations pour des crimes et des délits, le quantum de la peine sera automatiquement majoré de 25% (…) pour la quatrième. Après cinq condamnations de 50%. Et après dix condamnations de 100%.»
Passons rapidement sur le fait que la progression proposée de l’allongement des peines n’est pas exponentielle au sens mathématique du terme. Ce qui compte dans l’usage du concept n’est pas l’exactitude technique (d’ailleurs le mot dispose d’un sens courant non-mathématique de « croissance rapide » qu’on a bien le droit d’utiliser aussi), mais la résonance symbolique.
L’exponentielle punitive de Nicolas Sarkozy
La présidentielle de 2012 opposant François Hollande à Nicolas Sarkozy avait déjà cette dimension symbolique d’un candidat aspirant à une « présidence normale », face à un adepte de la croissance qui était un peu le candidat de « l’exponentielle heureuse ». (C’est aussi ce que semble tenter d’être Alain Juppé au travers de sa propre déclaration de candidature2.)
Dans ces propos de Nicolas Sarkozy, l’exponentielle acquiert un statut inédit. En plus de son caractère fondamentalement « bon » (voire démiurgique) qui lui est volontiers prêté par les partisans du progrès, voilà l’exponentielle désormais investie du pouvoir d’effrayer les ennemis de la société. Elle se fait ainsi arme punitive.
La peur de l’exponentielle est bel et bien présente dans le propos, mais non plus comme « preuve de bon sens » comme pour une Cécile Duflot (et plus généralement pour tous les décroissancistes et autres crypto-néomalthusiens si fiers d’avoir peur d’un avenir dans lequel ils ne disposeraient pas de tous les leviers), mais comme moyen de coercition.
« Ayez confiance en l’exponentielle qui fait peur » : voilà un tour de force rhétorique inédit dont il faudra surveiller les éventuelles répliques issues des autres candidats, candidats2 et commentateurs de tout poil. Il semble bien que l’exponentielle soit appelée, en 2017, à jouer une fois encore le rôle symbolique souterrain qui était déjà le sien en 2012.
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L’idée en soi est pas mauvaise mais elle doit etre ciblée sur les délinquants ayant commis un nombre important de délits ou les délits ou crimes violents. Aux USA on a appliqué dans certains états notamment en Californie ou au Mississippi de telles lois et des petits délinquants se sont retrouvés condamnés à des peines qui habituellement sont prononcés pour les crimes de sang..
Cher Benoît R. : vous ai-je réellement mal compris ?
Comment le scientifique que vous êtes (en matière de climato-réalisme) peut-il se commettre dans un débat d’irrationalités enchevêtrées et durablement politisé en mêlant là cette notion “d’exponentiation” ?
Il y a confusion de genre entre sciences dures et d’immenses défis (juridiques +) posés à nos sociétés occidentales (allant de l’U.E. qui surfe de crise en crise, sans guère les maîtriser … à une France de gouvernance redoutablement molle, sinon bien d’autres “cas” alentours, tous étant sous-tendus par les dimensions ..non-linéaires.. de la géopolitique ?
Débats ? Il sont instrumentalisés en forme de chausse-trappe (sociétale, donc institutionnelle) par ces faiseurs d’opinion : nos médias, acteurs taraudés par le parti-pris (ex: Le Monde ou Libération, pour n’en citer que deux parmi la masse) !
Alors, de grâce, laissons un espace de méditation libre entre les complexités respectives de ces dimensions de la vie ?
candidat à l immunité présidentielle avant tout.
Ah voilà une certain sens de la parabole .. ou de l’hyperbole 🙂
Tiens, je n’aurais pas cru Sarkozy aussi laxiste. C’est affligeant. Doublement de peine à chaque récidive, ça commencerait à avoir un effet. Pas forcément dissuasif – vouloir raisonner les voyous apparaît peu raisonnable – mais plutôt un effet incapacitant : un voyou en prison est un voyou de moins dans la rue.
Cher Ben, on voit bien la réaction du mathématicien !
Toute la question et de savoir si cela concernera les délits financiers et la corruption. (Actuellement bon nombre de ces petits problèmes se règlent en secret dans le Cabinet d’un juge, sans tambour ni trompette).
Autre point : va t-il aller jusqu’à prononcer l’interdiction définitive de se faire élire pour tout homme ou femme politique ayant été condamné pour corruption, ou malversation ?
N’oublions pas que la récente Loi sur la corruption (qui a encore élargi la dépénalisation de la corruption pour la remplacer par une peine d’amende décidée en tête à tête avec un juge) a été votée par une députée qui avait un bracelet électronique à la cheville (peine de substitution à la prison. Il s’agit de Madame Sylvie Andrieux, condamnée à quatre ans de prison dont un an ferme, ce qui n’est pas tout à fait rien).
Super l’exemple donné dans les lycées (cours d’instruction civique) et dans les banlieues.
+1
En toute logique, cela devrait concerner tous les délits