La révolution numérique n’a pas détruit la culture

selon une étude, l’idée selon laquelle le basculement numérique de la consommation culturelle serait défavorable aux auteurs et aux créateurs, est erronée.

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La révolution numérique n’a pas détruit la culture

Publié le 21 juillet 2016
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Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre

La révolution numérique n'a pas détruit la culture
By: Mike LichtCC BY 2.0

Le poids économique de la culture est incontestable : depuis près de dix ans, les industries culturelles représentaient près de 12 % du PIB américain, 3,8 % du PIB canadien et depuis 2006, 1,48 % du PIB chinois. Les décideurs ont bien saisi les enjeux d’un secteur culturel qui se développe par cercles concentriques d’innovation, imbriqués dans tous les autres secteurs de l’économie et de la société.

En 2011, une étude du cabinet Kurt Salmon, réalisé en partenariat avec le Forum d’Avignon, illustrait déjà les enjeux économiques et industriels de l’innovation dans le secteur culturel. « Le numérique est un outil de développement de produits et services culturels, qui a permis une réorganisation de la filière cinéma misant sur les technologies numériques comme levier de stratégie culturelle.

L’industrie cinématographique américaine est un exemple emblématique d’industrie culturelle et créative, qui a développé un modèle incontournable d’industrialisation du cinéma. Néanmoins, face au développement de nouveaux schémas de production (en particulier avec le cinéma indépendant), la baisse de la fréquentation dans les salles et l’émergence de nouveaux modes de consommation (tels que DVD, VOD, télé- chargement sur Internet), cette filière doit se réinventer pour répondre à ces enjeux et assurer son avenir ».

Le numérique n’a pas tué la création

Le numérique n’aura pas eu raison de la création artistique, comme le craignaient les professionnels du secteur par le passé. Il y a dix ans, cette angoisse se focalisait essentiellement sur numérique, dont on prédisait qu’il serait le fossoyeur de la création.

Le scénario fut tout autre. Les innovations technologiques appliquées à la culture ont permis des possibilités de reproduction et de partage des contenus presque illimitées, loin de la crainte du basculement vers un « tout-piratage » généralisé. Les créateurs n’ont jamais été complètement désintéressés et à l’ère du numérique, les choses n’ont pas vraiment changé. Pour le cabinet Kurt Salmon, le modèle qui illustre le mieux ce schéma actuel des économies culturelles, n’est pas le système schumpétérien de la « destruction créatrice », où l’on détruit une activité pour la remplacer par une autre, mais c’est celui, beaucoup plus diffus et progressif, de l’entropie.

Certes, le numérique détruit de la valeur mais il en créer… ailleurs : il déplace les revenus d’une source de financement et d’une activité, vers une autre. Ainsi favorise-t-il l’achat de contenu dématérialisé, comme les morceaux de musique, sans que l’achat de musique enregistrée sur support physique, disparaisse pour autant.

De l’édition à la musique, des inégalités caractérisent cependant les principaux secteurs.

Les jeux vidéo tirent leur épingle du jeu, avec des revenus puisés à 50% dans le téléchargement.

De son côté, le livre et l’édition résistent tant bien que mal à la numérisation du secteur. Pour l’audiovisuel, les revenus physiques, dvd et numérique s’équilibrent à peu près. Comme le souligne le sociologue Jean-Louis Missika, « nous vivons une période comparable à celle de la révolution industrielle du début du XIXe siècle et nous sommes confrontés à ce qu’on appelle une technologie disruptive, c’est-à-dire qui bouleverse les règles du jeu et les positions de force des principaux acteurs du marché ». La vidéo à la demande (VàD ou VoD pour Vidéo on Demand) se place ainsi au cœur de la « convergence numérique ».

Les usages des consommateurs sont en pleine mutation

Les consommateurs basculent vers des formules d’abonnement. À la possession de biens culturels et la traditionnelle bibliothèque, ces derniers s’orientent plus volontiers vers des catalogues plus riches et mis à jours, via les plate-formes de téléchargement légales ou non.

Des comportements que Kurt Salmon définit comme « opportunistes » et une tendance dans laquelle les américains s’illustrent: près de 60% des jeunes consommateurs américains ont souscrit à un abonnement à un catalogue numérisés, et 42% souhaitent s’abonner à une plate-forme de lecture par abonnement contre 17% des français. Toujours selon cette étude, l’idée selon laquelle le basculement numérique de la consommation culturelle serait défavorable aux auteurs et aux créateurs, est erronée. « Le créateur n’a jamais disposé d’autant d’outils, pour entretenir une relation directe avec son public et gérer l’ensemble de la chaîne de valeur : de la production à la vente en passant par la promotion et la diffusion.

Tout un chacun peut désormais utiliser des outils professionnels – Protools, Ableton Live ou simplement les outils bureautiques – pour créer sa propre musique. L’autoproduction reste plus délicate dans le Cinéma, malgré l’essor des caméras numériques permettant de réaliser des films de qualité, et la simplicité d’utilisation de Windows Movie Maker. Concernant les Jeux Vidéo, il existe de multiples « game makers » permettant de créer son jeu à partir de jeux types à personnaliser, comme Adventure Game Studio (jeux d’aventure), ou encore MUGEN (jeux de combat) », explique le rapport « Qui à le pouvoir dans la chaîne de valeur ». Les outils numérique permettent également de détecter des talents, de tester un public mais également d’assurer la promotion des artistes à moindre coût, voire de mettre en place des approches marketing au travers des réseaux sociaux.

La promotion se fait désormais non seulement à la radio pour la musique, mais également dans  la presse pour le livre et au cinéma pour les films, mais aussi et surtout sur les réseaux sociaux, qu’il s’agisse de Youtube, Twitter ou Facebook. « Internet a créé une fenêtre supplémentaire qui va vite et qui est très puissante. Il faut s’en servir comme d’un outil : il permet de passer du mass market, via la radio et la TV, à une relation en one-to-one avec le consommateur », constate Olivier Montfort, Président de EMI Music France.

Un bouleversement qui fait aussi des perdants

Les distributeurs, les diffuseurs et les éditeurs sont les principaux perdants de cette restructuration économique. Malgré tous ces bouleversements, le producteur demeure l’acteur de la chaîne de valeur qui concentre la part des revenus la plus importante. Les prix ont baissé au global sous l’impact du numérique, mais parallèlement, le poids des intermédiaires logistiques comme les transporteurs, et les fabricants de supports a considérablement diminué.

Les créateurs grands vainqueurs de la convergence numérique.  

Les créateurs utilisent les outils du numérique pour s’autoproduire, en faisant leur propre marketing grâce aux réseaux sociaux, et 40% des revenus de la vente des ebooks sur amazons sont perçus par des auteurs autoédités. Contrairement au postulat de départ, la révolution numérique n’a pas provoqué une chute des revenus des créateurs, comme en atteste le maintien des revenus physiques des ventes de cd, de billets de concerts, ou de place de cinéma qui progressent toujours dans le monde. Les outils de distribution commerciale se sont considérablement développés. Certaines plate-formes se sont spécialisées dans l’auto-distribution, comme « Beatport » ou « Selfprod » pour la Musique, le Livre et l’Audiovisuel. Une démarche plus généraliste est adoptée par Amazon, qui offre à tout un chacun la possibilité de proposer son livre, via la « Marketplace », ou « Chapitre.com » et « Numilog » pour les e-books.

La convergence numérique n’est pas une fatalité : anticipée, elle est une chance pour la culture.

C’est le message qui apparaît à l’issue des objectifs et des recommandations de l’étude. Garantir la pluralité des acteurs grâce à un rééquilibrage des pouvoirs et continuer à favoriser la diversité des contenus en revoyant les modes de financement de la création à l’heure du numérique, deux axes de réflexion qui permettront de réguler, sans oppresser, un secteur ou la liberté et l’innovation sont des enjeux fondamentaux.

Un constat réaffirmé dans les conclusions des auteurs de la note, pour qui « rééquilibrer les pouvoirs et tirer parti des bénéfices induits par le numérique s’avère crucial (…) la condition pour que le secteur des Industries Culturelles et Créatives poursuive son développement, économique et créatif, et reste un pourvoyeur de richesses et de croissance, pour les pays développés mais aussi pour les économies émergentes ».

Pour aller plus loin :

– E-dossier de l’INA « L’avenir de l’audiovisuel passe-t-il par le net ? ».

« Qui à le pouvoir dans la chaine de valeur ICC », étude, cabinet Kurt Salmon.

– Site du « Forum d’Avignon ».

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  • tout a fait, le numerique c est la fin des major qui n etaient que des intermédiaires. Necessaire quand faire un disque coutait tres cher et necessitait une usine. Superflu aujourd hui
    Par contre leur cote nocif est toujours la. Hadopi existe toujours (et coute des centaines de millions par an). Les lois sur le controle et la surveillance c internet sont toujours la. on va meme utiliser des ressources rares et chere comme les expert US qui a demanteles silk road pour traquer des gens qui echangent de la musique … Franchement ne seraient ils pas mieux utilise contre l EI ?

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