Bitcoin : la blockchain va-t-elle permettre de contourner l’impôt ?

La blockchain devrait donner lieu à des contournements significatifs des prélèvements obligatoires. Vers quelle assiette l’administration fiscale va-t-elle chercher à compenser son manque à gagner ?

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Bitcoin : la blockchain va-t-elle permettre de contourner l’impôt ?

Publié le 10 juin 2016
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Par Brice Rothschild.

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Les impôts les plus rentables sont également les plus faciles à lever. C’est probablement là l’origine de l’impôt sur les portes et les fenêtres institué en France en 1798, et plus anciennement celle de la gabelle, l’impôt sur le sel sous l’Ancien Régime. L’assiette de l’impôt change en fonction des époques car l’opiniâtreté de l’administration fiscale n’a d’égal que la motivation de lui échapper. Or il se pourrait qu’un nouvel outil d’évitement soit en train de faire son apparition : les chaînes de blocs, ou blockchains, c’est-à-dire des registres de données et de programmes immuables, telles que celle du Bitcoin ou d’Ethereum. Voyons quelles pourraient en être les conséquences en matière fiscale.

Jeux d’argent et paris en ligne

Le premier bouleversement viendra probablement des jeux d’argent et des paris en ligne qui sont actuellement lourdement taxés. Ces taxes ont rapporté 5 767 millions d’euros en 2012 à l’État français selon l’Observatoire des Jeux. Sur la blockchain Bitcoin peuvent être écrits des programmes qui s’exécutent sans pouvoir être modifiés ou interrompus. Un tel programme peut être : « Si l’OM gagne contre le PSG selon le journal L’Équipe, alors un transfert sera fait de l’adresse de Paul vers l’adresse de Pierre ».

La stratégie de l’État pour lever les taxes est d’identifier et de taxer les joueurs par ceux qui les mettent en relation. Or nous avons là une technologie qui, précisément, permet de se passer d’intermédiaire de mise en relation : il n’y a pas de bureaux Bitcoin, personne à incarcérer, aucun compte en banque à saisir. Peerplays est un projet pionnier en la matière.

Une autre menace vient de l’économie collaborative qui est née de la mise en relation facilitée entre consommateurs et producteurs. Cela pose assurément des problèmes à l’État qui préfère les grandes entreprises, plus facilement contrôlables. L’intermédiaire est sa dernière chance de prélever l’impôt. C’est ainsi que l’URSSAF a récemment porté plainte contre Uber pour non versement de cotisations.

Ce genre de situation existe parce qu’Uber est une société qui a des actionnaires et des dirigeants vers qui se tourner. Mais quand des réseaux décentralisés de type LaZooz ou Arcade City prendront de l’ampleur, comment taxer cette activité ? En s’en prenant directement aux milliers de chauffeurs et de clients ? Voilà qui est moins facile.

On peut citer également AirBnB et la taxe de séjour payée à la mairie de Paris, et la volonté de certains députés de faire taxer les revenus tirés du BonCoin par la coopération de cette plate-forme. Quoi qu’on en pense, tout cela est probablement vain car des alternatives massivement décentralisées sont actuellement en développement voire déjà opérationnelles, telles qu’OpenBazaar.

Le problème fiscal de la décentralisation

Plus largement, toute activité non concentrée géographiquement sera difficilement contrôlable. Par exemple, TheDAO a rassemblé plus de cent millions de dollars il y a quelques semaines, millions dont l’allocation ne peut être soumise à une quelconque administration. Avec une telle forme d’organisation, des parties prenantes diffuses sur le territoire pourraient se synchroniser pour travailler les unes pour les autres sans qu’elles ne puissent être facilement inquiétées.

Ainsi, la blockchain devrait donner lieu à des contournements significatifs des prélèvements obligatoires. Certes, les activités qui requièrent des centres de production ou encore le capital immobilier resteront facilement contrôlables donc taxables. Mais a minima, l’architecture fiscale sera amenée à changer. Vers quelle assiette l’administration fiscale va-t-elle chercher à compenser son manque à gagner ? Quelles nouvelles distorsions son action va-t-elle créer ? Pourra-t-elle seulement prélever autant qu’elle ne le fait aujourd’hui ? Quoi qu’il en soit, nous vivons certainement une époque charnière.

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  • Excellent article…le blockchain EST déjà une révolution. Le changement c’est maintenant 🙂

  • J’attendais des réponses à la question, pas juste le constat que certaines sources fiscales vont se tarir et qu’il en faudra d’autres …

    • L’introduction en caractères gras est en fait une reprise de la conclusion par Contrepoints. Ceci explique cela…

  • Un genre de troc ultra-sophistiqué avec paiement en « unités de travail » dématérialisées, invisibles, d’une part, une diminution des rémunérations donc des recettes fiscales, le reste étant échangeable et toujours dématérialisé d’autre part…

  • La solution est toute trouvée : nos politiciens parlent tous du Revenu Universel, et c’est juste pour tâter le terrain. En fait, leur idée est la Taxation Universelle.
    On taxe tout le monde, d’office, et voilà…
    Quoi, ca existe déjà ? Alors y’a pu d’probèm…

  • La chaîne est publique donc il suffit à l’état de comparer les déclarations des contribuables avec ce qui est noté. Par ailleurs, il y a aura toujours des intermédiaires, les porteurs de portefeuille, des courtiers…

    • La chaine est effectivement publique, mais anonyme.

      On peut effectivement imaginer un registre administratif ou les adresses seraient liées à un compte en banque, ou une personne.

      • Pour être complet, oui les transactions sont anonymes et chacun peut se créer une infinité de numéros de compte, mais il est possible dans certains cas, en se donnant beaucoup de mal, de retrouver l’identité du titulaire d’un compte.
        En même temps, il existe des moyens de se protéger contre toute tentative de « ré-identification », allant du très simple (ouvrir très souvent de nouveaux comptes et les fermer vite) au plus complexe (TOR ou Darknet).

        • Oui certes, mais cela va être rendu illégale. La loi obligera a déclarer ses identifiants. De ce fait, « tricher » sera puni sévèrement.
          Je manque peut-être d’imagination et n’englobe pas correctement le principe de la chaîne mais ça me paraît dans les cordes du fisc de s’y retrouver. Cela n’empêchera certes pas de provoquer un bouleversement du système fiscal, peut-être en remettant au centre la notion de consentement?

          • Il est tout à fait possible, et c’est même souvent recommandé, de créer un nouvel identifiant pour chaque transaction et de le fermer dès que la transaction est complètement exécutée.

          • En schématisant beaucoup, déclarer un « identifiant » dans une blockchain, c’est comme si vous demandiez aux gens de mettre leur nom sur une pièce de monnaie, tout en étant certain qu’ils le feront. Alors, croyez-moi, cela me parait impossible. Il y a deux choses qui vont arriver: l’Interdiction de l’utilisation des plus grosses blockchains, typiquement celle du Bitcoin; c’est d’ailleurs ce qu’a récemment proposé Madame Lepen, mais dans les faits, cela me parait très difficile à faire tant l’écosystème du Bitcoin est déjà bien developpé. Et deuxième chose, plus vraisemblable, le meilleur controle des intermédiaires, à savoir ceux qui gèrent les passerelles blockchain vers le monde réel (Exchanger, marchés, services, etc.). A mon avis, l’état s’y retrouvera plus facilement dans cette deuxième optique.

            • Effectivement, Je vois bien uen réglementation se mettre en place à l’échelle européenne qui imposerait aux plateformes d’échange, comme Kraken, de divulguer l’identité de toute personne faisant un apport en numéraire, avec somme et détails bancaires à l’appui.

              Après, tracer l’argent sera à mon sens impossible. Car comme Gérard Dréan le dit plus haut, faire transiter les coins d’adresse en adresse, en dépensant un peu ici et là, et l’on obtient une chaine de transactions impossible à rationnaliser. Combien de personne inclut-elle ? Quels biens ont été acquis entre temps ? Dans quel pays l’argent se situe-t-il désormais ?

              Le plus simple étant de déclarer illégales ces monnaiees virtuelles, sur lesquelles les Etats n’auront et n’ont aue des pouvoir très limités. Ce que je ne souhaite pas.

              Ici nous parlons de transactions monétaires. Comme annoncé dans cet article:

              http://www.numerama.com/business/175034-des-deputes-veulent-donner-a-la-blockchain-une-valeur-legale-incontestable.html

              La blockchain pourrait avoir valeur légale sous peu. C’est tout un pan de l’économie qui pourrait échapper au fisc. Les places financières vont vraisemblablement être transposées sur blockchain. Les block contiendront les détails de transactions d’achat et de vente d’actions, par exemple sous la forme de token Ethereum. Légalement, nous pourrions prouver être le détenteur d’une action. Mais les transactions seraient largement anonymisées et sans intermédiaires.

              Le raisonnement peut etre, j’imagine, étendu à tous types de biens.

        • Vous n’êtes même pas obligés d’utiliser le Darknet si vous passez par une blockchain complétement anonymisée, comme celle du Dashcoin.

      • On parle quand même d’une institution (l’Etat) dont le trackrecord en matière d’informatique est absolument désastreux… On doit être tranquille pour un bon siècle avant qu’ils n’y comprennent quelque chose et soit capables de réagir efficacement.

        • Et sur le plan fiscal, les véritables cadors partent vite dans des sociétés de conseil fiscal… Ont-ils en plus laisser derrière eux des backdoors fiscaux (phrases à double sens, niches,…)?

  • Je rejoins votre analyse, mais elle me parait oublier un élément. Le problème fiscal de la décentralisation/déconcentration est un vrai sujet, mais il ne faut pas sous-estimer les liens de cet univers avec le monde réel, monde sur lequel la fiscalité aura prise :
    – Le jour où un individu/organisation convertit ses bitcoins en devises, cela se via un système bancaire sur lequel le fisc a prise. Idem lorsque un bien réel est payé en bitcoin.
    – Lorsqu’un investissement est fait dans une entreprise, via émissions d’actions ou de dettes, même au travers de TheDAO, la connexion au monde réel est nécessairement faite, et le fisc pourra agir. Comment? Cela reste à déterminer, mais je pense les fiscs nationaux suffisament outillés pour trouver ses liens avec le monde réel.
    – Enfin, il y aura nécessairement des actions juridiques un jour où l’autre, ne serait-ce que pour régler des litiges découlant de mauvais codage, ou de mauvaise exécution de code. Et là, le monde réel reprendra ses droits.
    – Dernier point, Bitcoin n’est pas totalement anonyme, mais plutôt pseudonyme.

    La question pour les autorités fiscales (et juridiques ou réglementaires) n’est donc pas tant « la blockchain va-t-elle permettre de contourner l’impôt ? », mais plutôt « de quel façon les modèles actuels (entreprises et autorités publiques) vont-elle intégrer cette nouveauté? ».

    En étant provocateur, le fisc ne s’est pas posé la question « l’argent liquide permet-elle de contourner l’impôt? ».

    • Il me semble que les problèmes que vous soulevez sont transitoires. Quand il y aura plus de confiance dans les blockchains que dans les systèmes légaux actuels, les blockchains deviendront le monde réel. Rome ne s’est pas faite en un jour ! Voyez Internet, une curiosité il y a 25 ans, désormais d’une éclatante banalité.

  • Je suis toujours géné quand on parle de manque a gagner a propos de la fiscalité. En vérité il vaudrait mieux parler de manque a prélever.

  • Ce genre d’article me laisse profondément rêveur, la technologie blockchain issue de Bitcoin ne protège en rien l’anonymat. On parle tout juste de pseudonymat. C’est presque criminel que de laisser croire cela au plus grand public qui ne maitrise en rien les technologies sous-jacentes et qui peuvent d́ès lors adopter des attitudes les exposants par ignorance.
    Bitcoin et 99% des crypto monnaies ne sont en aucunes manières anonymes et ce quelques soient les contre-mesures proposées dans une majorité d’implémentation.
    Voir au contraire bitcoin c’est la dictature de la transparence puisque le livre des comptes est ouvert et lisible par toute le monde.
    Side-chain, mixing de transaction, super node …. tout cela ne sont que des paravents pour masquer cette misère technologique que la blockchain de bitcoin et tout ce qui découle du même codebase n’est pas anonyme.
    Rajoutez à cela le KYC et vous voilà bien grosjean comme devant.

    La seule vraie crypto-monnaie garantissant l’anonymat est Monero (XMR) basée sur un protocol de seconde génération et dont le code source n’est pas un nieme fork du repo github de bitcoin.
    XMR est basée sur la signature en cercle (ring signature) directement implémenté au niveau protocolaire qui se fait donc de maniere passive à chaque transaction.

    Pour mieux comprendre : http://weuse.cash/2016/06/09/btc-xmr-zcash/

    • C’est la concurrence entre cryptos qui donne l’assurance que les systèmes monétaires et légaux monopolistiques seront dépassés. Bitcoin est de fait le porte-drapeau d’un écosystème plus large qui inclut bien sûr Monero et les autres. Il ne s’agissait pas ici de prendre parti pour une chapelle ou pour une autre.

  • Merci pour cet article. Il est très clair et ça ne court pas les rues si vous voyez ce que je veux dire.

    Le risque d’évasion fiscale est évidemment très grand… mais ça fait des années que le fisc français est parfaitement au courant. Y a-t-il eu la moindre initiative dans ce sens ? Pas a ma connaissance et c’est regrettable.

    Les solutions sont nombreuses, variées et très facile à mettre en place. N’hésitez pas à me solliciter via Twitter (@julienbrg).

    Utilisons nos cerveaux au lieu de couiner la criminalisation de bitcoin.

    Et souvenez-vous qu’ils ont tué Mamie Loto : http://premium.lefigaro.fr/actualite-france/2014/12/26/01016-20141226ARTFIG00222-deux-mois-apres-sa-condamnation-mamie-loto-est-morte.php Le monopole de la FDJ n’a plus aucune raison d’être.

    Et celui des banques non plus.

  • Les commentaires sont fermés.

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