Par Marcin Celiński, depuis la Pologne
2015 a vu l’accession de Droit à Justice au pouvoir exécutif total. C’est arrivé d’une manière particulièrement inattendue, même pour les leaders du parti de Kaczyński. Tout a commencé lorsque, après la bonne campagne d’Andrzej Duda pour l’élection présidentielle et la mauvaise campagne de Bronisław Komorowski, alors président, Duda est devenu chef de l’État. Par la suite, l’absence de motivation et l’incompétence flagrante de Plateforme Civique ainsi que les spécificités du système électoral polonais qui favorise les gros partis au détriment des petits, Droit et Justice a réuni 38% des suffrages et obtenu la majorité absolue au parlement.
Les premiers pas du parti actuellement au pouvoir ont été marqués par le souvenir de la coalition de 2005-2007 dirigée par Droit et Justice. Ce qui caractérisait ce gouvernement était sa très importante confiance en soi et la volonté de combattre le « système ». « Système » est le mot que les politiciens de Droit et Justice utilisent généralement pour décrire les opposants à leur vision de l’État basée sur un conservatisme culturel enraciné et teinté de nationalisme. Naturellement, attribuer à Droit et Justice des tendances fascistes serait un malentendu. La vision de l’État de Droit et justice renvoie au temps des démocraties majoritaires et intolérantes, au temps de l’État omnipotent, un peu autoritaire mais loin d’être totalitaire. Cette vision est également mentalement liée à l’esprit de la Seconde République polonaise de 1918-1939, à la recherche d’un équilibre avec son voisinage, entre la Russie agressive et l’Allemagne plus puissante économiquement. Le problème que les hommes politiques de Droit et justice rencontrent dans l’acceptation et la compréhension de l’intégration européenne provient de ce qu’ils considèrent souvent que l’Union européenne est une structure dominée par l’Allemagne qui met en œuvre les idées politiques de la Chancelière Merkel.
Faire fructifier l’expérience acquise
La dernière fois, Droit et Justice a perdu le pouvoir rapidement. Sa coalition avec le parti populiste Auto-défense de la République polonaise et le parti nationaliste de la Ligue des familles polonaises était très instable et dépourvue de coopération et de confiance entre ses partenaires. Maintenant que Droit et Justice dispose de la majorité absolue au parlement, les élus cherchent à ne pas gâcher une occasion de réussir un changement durable, systémique et culturel en Pologne.
Les premiers pas de Droit et Justice sont le résultat de leur expérience acquise en 2005-2007. Les leaders du parti pensent avoir perdu le pouvoir pour les raisons suivantes :
– Une attitude négative des médias qui avaient critiqué des violations de la démocratie et de l’État de droit,
– Une attitude sans compromis de la Cour constitutionnelle qui bloquait les lois violant les droits civiques garantis par la Constitution polonaise,
– L’absence de contrôle sur le système judiciaire – de 2005 à 2007, le ministre de la Justice a excellé aux lynchages publics : accusations de corruption, d’abus de pouvoir, provocations envers les opposants politiques mais aussi les membres de la coalition, lesquelles accusations se sont souvent révélées sans fondement ou ont été abandonnées du fait de méthodes d’investigation illégales durant la procédure,
– L’oubli de la contribution des programmes sociaux au soutien des groupes de population appauvris.
La guerre à la Cour constitutionnelle et aux médias
Ce diagnostic sur les raisons de l’échec précédent définit les actions présentes. De fait, Droit et Justice a déclaré la guerre à la Cour constitutionnelle, tentant de modifier l’équilibre des pouvoirs au sein même de la Cour en remettant en question l’élection des juges au moment où Plateforme Civique était au pouvoir (deux des cinq élections de juges tenues durant la précédente mandature étaient effectivement entachées d’illégalité), en élisant leurs propres candidats, fortement liés au parti au pouvoir. Dans le même ordre d’idées, Droit et Justice a adopté une loi mettant en œuvre le vote à la majorité qualifiée sur les décisions judiciaires de la Cour constitutionnelle. Cette décision avait pour but de permettre aux juges choisis par la majorité Droit et Justice de mettre un terme à toute décision judiciaire qui ne soit pas en accord avec la volonté du parti au pouvoir.
La cible suivante est les médias. À commencer par les médias publics, repris par Droit et justice en un clin d’œil, où le flux de l’information est géré par le parti en place et seuls, les publicitaires conservent encore quelque liberté. Les médias révélant un désaccord avec le gouvernement sont punis par l’interruption de la publicité des entreprises publiques ou la renonciation aux abonnements de la presse critique par les organes publics officiels.
La raison derrière la décision de combiner les fonctions de procureur général et de Ministre de la justice est de répondre au besoin d’investiguer et de condamner les ennemis de l’État, réels ou imaginaires. Un des objectifs principaux de Droit et Justice a toujours été de combattre la corruption. D’où la recherche de résultats rapides et conformes en matière de décisions judiciaires.
La sûreté sociale doit être assurée par les programmes sociaux. L’un de ceux-ci est en cours de mise en œuvre : 500 zlotys pour un enfant. L’objectif principal de ce projet est de lutter contre l’abaissement du taux de natalité. Néanmoins, les membres de Droit et Justice affirment en privé ne pas croire à l’efficacité du programme et à son influence sur le taux de natalité. Les bénéficiaires principaux du projet sont les familles traditionnelles avec beaucoup d’enfants, principalement conservatrices et favorables au parti Droit et Justice, lequel fait remarquer l’amélioration de leur situation. Les coûts du programme seront supportés par les consommateurs via des taxes indirectes imposées sur les services bancaires et le commerce de détail.
Les premiers pas de Droit et Justice ont pour but de créer du soulagement et d’empêcher un scénario comme celui de 2007 de se reproduire. À la fin de l’année 2007, le parti de Kaczynski était condamné à l’échec aux élections et a perdu le pouvoir. En conséquence, le parti Droit et Justice est à l’origine de l’élection du parti tout aussi conservateur Plateforme Civique. Ne pas disposer de la majorité des deux-tiers qui permettrait au parti de modifier officiellement la constitution et de mettre en œuvre des idées similaires à celles du Premier ministre hongrois Victor Orban, fait que Droit et justice se retrouve souvent à la limite de violer la Constitution.
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Marcin Celinski est éditeur de Liberté le mensuel du Think Tank du même nom
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Traduction de Three months after Law and Justice victory par Victoria Melville pour Contrepoints.
Lire sur Contrepoints notre dossier spécial Pologne
Le tribunal constitutionel, les medias… c’est juste l’arbre qui cache la foret.
Le desastre sera d’abord economique.
Ils en sont actuellement a la planification….ils ont annonce un plan de 1000 milliards de zlotys (250 milliards d’euros) de re-polonisation de l’economie, avec grands champions nationaux, argent a gogo lance du haut des helicopteres. Un plan sur 25 ans rien que ca.
Le ministre qui a presente le plan a dit que celui ci serait finance a moitie par l’UE (?) et pour le reste par l’epargne des entreprises (confisquee?).
Le gouvernement est en train de racheter les banques par l’intermediaire de PZU. D’abord Alior, maintenant peut-etre Raiffeisen qui ne trouve pas de repreneur a cause de ses prets en francs suisses qui vont etre ruineux a cause de l’idee du gouvernement de les faire payer par les banques.
Tesco qui avait ferme pas mal de magasins va probablement faire une deuxieme vague de fermeture puisque son benefice est integralement bouffe par la nouvelle taxe sur le chiffre d’affaire.
Le ministre a annonce que plusieurs petites banques feront faillite en 2016 mais que cela n’a rien a voir avec la nouvelle taxe sur le total des actifs. Deux heures plus tard le cabinet du premier ministre a dementi en parlant d’un malentendu. Aujourd’hui ils ont annonce que le zloty allait encore s’affaiblir mais que c’etait une bonne chose. Le ministre du tresor a annonce que son ministere serait dissous et remplace par une agence gouvernementale de gestion des entreprises publiques, dont le but sera d’acquerir et de gerer pour le compte de la Pologne des entreprises dans le monde entier. Le programme de privatisations est evidemment abandonne.
Exact, on se sroirait revenu au temps de l’occupation sovietique!
Par contre, l’economie a peut etre effectivement besoin d’etre repolonisee. Le systeme actuel ne permet pas l’emergence d’un capital polonais car l’epargne est faible et les groupes etrangers trop solidements implantes et beneficiant de la sollicitude du pouvoir. pas tres liberal tout ca.
meme topo avec les banques: a 95% detenues par des banques etrangeres, et qui profitent du monopole pour faire flamber les tarifs. Vous imaginez le scandale en France?
Sur les prets en CHF, le probleme est plus profond et est similaire a celui des « subprimes » aux EUA. Inciter les gens a devenir proprietaire (ce qui n’est pas mauvais en soi) en obligeant les banques a monter des constructions douteuses. Sauf que la c’est la decision de la Suisse de modifier son taux qui a precipite la chute du systeme.
La seule chose que je regretterai chez Tesco (c’est le Francais qui parle), c’est que celui qui est situe pas loin de chez moi, rue Polczynska est ouvert 24/24, 7/7. Surprenant pour un hypermarche!
Si des banques font faillite, d’autres se creeront et prendront leur place. Ce n’est pas un drame, sauf pour les particuliers qui perdront leurs depots. je suis cependant oppose a la taxation excessive des banques comme des grandes surfaces. Trop d’impot tue l’impot et tue l’economie en general. Tue tout court, meme.
Que le zloty s’affaiblisse est tune tres bonne chose. Cessons avec le mythe de l’argent fort. Il faut savoir devaluer, c’est parce que l’EUR nous l’en empeche que nous sommes si mal aujourd’hui.
le probleme des privatisations (pourtant necessaires) est que des 1990 elles etaient tres mal menees, a la va vite. On a abouti a des situations absurdes.
Enfin, je suis d’accord sur le fait que le gouvernement PiS fait un peu n’importe quoi et que ses actions manquent de logique et de vue a long terme. Cependant la situation de la Pologne est tres mauvaise, je ne lui en veux pas de tenter a sa maniere d’y remedier. Nous verrons dans 8 ans (je suis favorable a la reelection du PiS dans 4 ans, pas parce que je le soutient, ce qui n’est pas le cas, mais parce qu’en 4 ans vous ne pouvez pas faire grand chose et vous ne pouvez pas encore observer les resultats des politiques mises en place).
-« 2015 a vu l’accession de Droit à Justice au pouvoir exécutif total ». Qu’est ce qu’un pouvoir executif « total »? Le PiS a remporte la presidentielle et les legislatives (avec majorite absolue), point barre.
– « la mauvaise campagne de Bronisław Komorowski, alors président ». Ce n’etait pas une mauvaise campagne, mais une non-campagne tout court. Les sondages donnaient Komorowski (PO) gaganant des le premier tour, il a cru qu’il n’avait pas besoin de faire campagne et a snobe les electeurs. C’est a cause de ca qu’il a perdu.
– « les spécificités du système électoral polonais qui favorise les gros partis au détriment des petits ». Au contraire, le systeme proportionnel a un tour, contrairement au systeme majoritaire a deux tours, favorise les petits partis. un peu trop meme. Regardez Israel.
– « La vision de l’État de Droit et justice renvoie au temps des démocraties majoritaires et intolérantes, au temps de l’État omnipotent, un peu autoritaire mais loin d’être totalitaire ». Exact.
– « ils considèrent souvent que l’Union européenne est une structure dominée par l’Allemagne ». Ben, ce n’est pas totalement faux…
– « des violations de la démocratie et de l’État de droit ». C’est vite dit.
– « De fait, Droit et Justice a déclaré la guerre à la Cour constitutionnelle, ». N’est ce pas la Cour qui a declare la guerre au PiS en premier? Souvenez vous de juin 2015, la PO force le renouvellement de 2 juges consitutionnels qui auraient du etre designes par le PiS en novembre-decembre. La Cour avait qualifie cette action comme etant inconstitutionnelle, mais avait oblige le President Duda a recevoir les prestations de serment des 2 juges illegalement nommes. C’est de la qu’est parti le conflit. Au passage, je tiens a preciser que je ne suis pas un partisan du PiS.
– « en élisant leurs propres candidats, fortement liés au parti au pouvoir ». C’est normal. Le parti au pouvoir designe les juges constitutionnels qui lui plaisent. La PO a fait pareil pendant 8 ans auparavant, ca n’a rien de choquant.
– « La cible suivante est les médias. À commencer par les médias publics, ». Un petit peu d’honnetete intellectuelle. Les medias, qu’ils soent publics ou prives, sont a 80% anti PiS. Le parti pris pro-PO pendant la campagne 2015 etait flagrant et malsain. Je suis oppose a l’instauration de medias integralement pro-PiS, mais il faut bien constater que dorenavant il existe un certain equilibre. Grosso modo: TVN, Gazeta Wyborcza, TokFm, Polityka d’un cote; W Sieci, Do Rzeczy, TV Republica (et encore, c’est tres petit) et un debut dans les medias publics de l’autre. Chacun y trouve son compte.
– « Les médias révélant un désaccord avec le gouvernement sont punis par l’interruption de la publicité des entreprises publiques » exactement comme les gouvernements precedents et comme dans tous les pays au monde. Rien de choquant, bien que ca ne soit pas correct.
– « La raison derrière la décision de combiner les fonctions de procureur général et de Ministre de la justice est de répondre au besoin d’investiguer et de condamner les ennemis de l’État, réels ou imaginaires ». Ohlala. Citez moi un pays au monde ou le Procureur n’entretient pas des liens ambigus avec le Ministere de la Justice. C’est particulierement visible en France.
– « Les bénéficiaires principaux du projet sont les familles traditionnelles avec beaucoup d’enfants, principalement conservatrices et favorables au parti Droit et Justice, ». Quelle annerie. Comme si avoir beaucoup d’enfants equivalait a voter PiS. Pour info Segolene Royale a 4 enfants. Vote t elle Front National? Par contre il est exact de pointer les contradictions de cette loi et de rappeler que ceux qui en seront les beneficiaires en seront aussi les victimes.
Cordialement,
Nathaniel