Par Lawrence W. Reed1

Dans cette analyse sur les vrais héros, notre attention se tourne vers trois pionnières de l’entrepreneuriat américain. Chacune d’elle est née dans une culture qui donnait au beau sexe la charge du foyer et de la vie familiale. Elles ne pouvaient voter car elles étaient femmes. Elles n’étaient pas censées faire des affaires parce que, bon, c’était considéré (comme cela l’avait été partout pendant des siècles) comme une activité masculine.
Ces trois femmes, Martha Coston, Hetty Green, et Madame C.J. Walker, possédaient, chacune, un esprit apte à briser les barrières. Elles ont obtenu le succès et le respect dans l’entreprise privée. Elles ont ouvert les portes à des millions d’autres femmes pour investir le marché et rivaliser avec les hommes dans la création de richesse.
Hetty Green
Martha Coston était vraiment riche, mais à la fin du XIXe siècle, le titre de femme la plus riche du monde appartient à Henrietta Howland Robinson Green, plus communément connue sous le nom d’Hetty Green.

Née dans une famille de Quakers en 1834, chasseurs de baleine à New Bedford, Massachusetts, Hetty Robinson apprit beaucoup sur l’argent bien avant qu’elle épouse un homme dont le nom de famille était, du moins pour les Américains, la couleur la plus familière. À l’âge de six ans, elle lit régulièrement les journaux financiers à son père et à son grand-père. « De cette manière j’ai appris à connaître ce qu’étaient les actions et les obligations, comment les marchés fluctuaient, et le sens des mots Bull (marchés à la hausse) et Bear (marchés à la baisse) », se rappelle-t-elle plus tard.
À la mort de ses parents dans les années 1860, Hetty hérite d’une fortune d’environ 6 millions de dollars (environ 120 millions de dollars de 2015). Ce qu’elle en a fait a fait d’elle une légende de son vivant comme l’une des investisseuses les plus avisées et indépendantes ayant existé.
Combinant une approche conservatrice avec un astucieux sens du timing, elle achète et vend des obligations, des actions de chemin de fer, de l’immobilier, et fait fructifier son héritage sur 30 ans : il représenterait plus d’un milliard de dollars aujourd’hui. Elle est sa propre conseillère, sa propre banque, et ce qu’un biographe appellera plus tard une réserve fédérale à elle seule. Dans une arène dominée par des hommes comme J.P. Morgan, elle éblouit le monde financier avec ses doigts d’or.
Hetty Green prête tant d’argent à tant de monde, entreprises, institutions, et municipalités que les manchettes annonçaient : Hetty réduit les taux ou Hetty relève les taux avec régularité. La Ville de New York lui demande des prêts à de nombreuses reprises pour éviter la ruine. Lors de la panique de 1907, elle fait un chèque de 1,1 million de dollars à la Grosse Pomme et prend pour paiement des obligations d’État à courts termes.
Hetty Green garde les débiteurs honnêtes. « Elle parcourt des milliers de kilomètres à elle seule, à une époque où peu de de femmes eussent osé voyager sans escorte, pour collecter une dette de quelques milliers de dollars », écrit un observateur. Ses efforts de collecte comprennent des églises, auxquelles elle prête souvent de l’argent à des taux inférieurs au marché en tant qu’œuvre de charité. Mais quand la première église presbytérienne de Chicago fait défaut sur un prêt de 12 000 dollars et que le pasteur essaye de la dénoncer publiquement comme une capitaliste impitoyable, elle lui signifie de payer ou elle saisira leurs biens ; et c’est exactement ce qu’elle fera. D’autres pasteurs viennent la défendre, l’un d’eux déclarant : « Attendre d’un détenteur d’un prêt hypothécaire d’une église de l’annuler aux motifs de christianisme, après que l’argent a été prêté de bonne foi, n’est rien d’autre d’un hold-up ».
Les attaques des envieux augmentèrent en même temps que les richesses d’Hetty Green. Comme elle était toujours vêtue de noir, on la surnomma la sorcière de Wall Street. Les rumeurs sur son avarice ont été largement diffusées mais seront grandement discréditées des années plus tard par sa propre famille et par les nombreuses personnes et organisations qui ont généreusement bénéficié de sa charité discrète.
Comme elle l’explique en 1913 dans un magazine :
« Il existe une façon de donner de l’argent et de faire un grand spectacle. Ce n’est pas ma façon de faire. Je suis de la croyance des Quakers, et bien que les Quakers soient quasi tous morts, je suis toujours leur exemple. Un cadeau ordinaire duquel on se vante n’est pas un cadeau aux yeux du Seigneur. »
À côté de son extraordinaire habileté à créer des richesses, le style de vie personnel d’Hetty Green fascine les gens et les biographes jusqu’à ce jour. Elle était à l’opposé de l’ostentatoire. Sa frugalité était étonnante à une époque où son immense fortune aurait pu lui acheter n’importe quoi. Sa maison n’a jamais été qu’un petit et modeste appartement à New York. Lorsqu’elle voyageait, elle séjournait dans des pensions bon marché. Elle a vécu comme elle voulait et ne s’est jamais pliée à une coutume moderne qui ne lui plaisait pas. Elle était, dans tous les sens de l’expression, « sa propre femme ».
À sa mort en 1916 à l’âge de 81 ans, le New York Times écrit son éditorial d’une manière difficile à imaginer pour un journal progressiste aujourd’hui :
“Si un homme avait vécu comme le fit Mrs. Hetty Green, consacrant la plus grande partie de son temps et de son esprit à accroître une fortune héritée qui, même au début, était bien plus grande que nécessaire pour satisfaire tous les besoins humains que l’argent peut satisfaire, personne ne l’aurait considéré comme bizarre, comme hors du commun. Il aurait fait ce que l’on attend de l’homme moyen, et il n’y aurait eu aucune difficulté à comprendre les joies qu’il obtenait de la participation aux sinistres conflits de la haute finance. C’est le fait que Mrs. Green ait été une femme qui a fait de sa carrière le sujet d’une curiosité sans fin, de commentaires et d’étonnement… Sa vie était probablement heureuse. En tout cas, elle a fait preuve d’assez de courage pour vivre comme elle le voulait, être aussi économe qu’il lui plaisait et observer les conventions du monde qui lui semblaient justes et utiles, ignorant toutes les autres calmement et froidement.”
La célèbre parabole des Talents du Christ se trouve dans le chapitre 25 de l’Évangile selon Saint Matthieu. À trois personnes sont confiées d’importantes sommes d’argent. Plus tard, ce que chacune d’entre elles a fait avec cet argent est évalué. Celle qui a bien investi et a obtenu le meilleur rendement est considérée dans l’histoire du Christ comme l’héroïne méritant d’être récompensée.
Celle-ci aurait tout aussi bien pu être Hetty Green.
- Retrouvez d’autres portraits d’entrepreneurs ici.
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Traduction par Contrepoints de 3 Pioneering women in american business.
- Président de la FEE, Foundation for economic education. ↩
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