Ma vie d’expat’ en Allemagne

Le témoignage de Gilles : « La décision de quitter le pays n’est pas venue immédiatement mais s’est pourtant très vite imposée comme une vraie nécessité. »

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Alexander Cahlenstein(CC BY 2.0)

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Ma vie d’expat’ en Allemagne

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 4 janvier 2016
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Une interview par la rédaction de Contrepoints.

Alexander Cahlenstein(CC BY 2.0)
Alexander Cahlenstein(CC BY 2.0)

 

Une présentation ?

Je suis Gilles, 29 ans, célibataire ; j’habite en Allemagne depuis un peu plus de deux ans.

J’ai une formation d’ingénieur, comme beaucoup doublée d’un master, utile pour la reconnaissance à l’étranger.

Après mes études, j’ai travaillé un an et demi en France, avec un CDD utilisant un contrat d’intérimaire, une sorte d’astuce pour se procurer des contrats plus flexibles, je suppose. Déjà au début de mon contrat, les signaux commençaient à s’accumuler dans l’entreprise sur un manque de charge de travail pour le nombre de salariés. Arrivé au maximum du renouvellement légal possible, j’ai donc dû partir.

Pourquoi être parti à l’étranger ?

Paradoxalement, la décision de quitter le pays n’est pas venue immédiatement au début de ma recherche nouvelle d’emploi mais s’est pourtant très vite imposée comme une vraie nécessité.
En ce qui concerne la France, j’ai d’abord et logiquement cherché un emploi sur place. Une première tentative dans une institution publique m’amena à considérer l’impact négatif sur ma carrière d’une sortie du privé pour un emploi public trop peu instructif. Ainsi a été posée la première pierre de mon projet : je ne voulais pas prendre le risque de gêner ma carrière pour des motifs géographiques ou de facilité d’emploi et j’ai envisagé de changer de ville.

La deuxième étape est venue de mon domaine de prédilection, restreignant géographiquement les emplois potentiels. Étant donné la conjoncture, Paris était alors quasiment la seule destination possible dans mon domaine. Un choix que j’avais peu envie de faire ayant une image négative de la qualité de vie de la capitale comparativement aux grandes villes de province (coût de la vie, grisaille, ambiance générale, état des transports…).

Ainsi est née l’idée de partir à l’étranger. La réflexion étant lancée, celle-ci s’est étoffée alors très rapidement de considérations supplémentaires, à la fois positives et négatives :

Positives : ayant lors de mes études effectué des stages à l’étranger, j’en avais gardé des souvenirs extrêmement positifs. Le fait de se trouver dans un nouvel environnement, devoir apprendre et parler une nouvelle langue, découvrir une culture différente et s’en imprégner… L’idée de m’installer dans un nouveau pays m’enthousiasmait particulièrement et me promettait un plaisir de vie certain. Professionnellement, il était également évident que l’étranger offrait des expériences plus nombreuses et valorisantes.

Négatives : le climat social en France me désespérait. Depuis quelque temps, je supportais de moins en moins cette atmosphère de conflit permanent propre à la société française, d’autant plus pesante que la crise s’installait de plus en plus fermement (2013). L’intolérance envers les opinions divergentes, les comportements politiques quasi-religieux, le renfermement sur soi de la société française et le développement d’une atmosphère de suspicion et de xénophobie (de droite comme de gauche) me pesaient de plus en plus. Dès que l’idée d’expatriation arriva, ce fut un déclic : la possibilité de me retrouver dans un environnement étranger plus tolérant et apaisé se transforma en un véritable besoin. Le besoin de me ressourcer, de fuir un stress véritable qui s’accumulait, encore et encore, dans cette société en crise et à l’avenir incertain. Un besoin que je voyais d’ailleurs partagé par diverses personnes autour de moi…

En dehors de ces raisons, en cherchant un peu j’aurais pu trouver un autre emploi sympathique dans une autre ville de France, quitte à me réorienter. Mais de par celles-ci, la volonté de quitter le pays s’est donc imposée de manière absolue. J’ai alors commencé à chercher du travail dans tous les grands pays européens, sauf en France : Angleterre, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Suisse, Italie…

Pourquoi l’Allemagne ?

L’Allemagne d’abord, parce que j’y ai trouvé un emploi me correspondant très bien, après quelques mois de recherches. Ayant appris l’allemand pendant mes études, c’était un environnement dans lequel j’étais tout à fait prêt à vivre, qui plus est en bonne santé sociale et économique.

Avez-vous eu des doutes ?

Jamais sur le principe de partir. Si l’idée de partir à l’étranger n’est pas venue dès le début de ma recherche d’emploi, elle a été absolue une fois installée. Cette envie a surpassé toute autre considération.

Que vous a apporté l’expatriation ? Et à votre entourage ?

Le plaisir d’être dans un autre pays répond à mes attentes, bien sûr. Cela donne toute une nouvelle dimension à découvrir. Il ne suffit pas de quelques années pour pouvoir pleinement prétendre comprendre et intégrer une autre culture, même géographiquement proche ! Bien sûr tout n’est pas sans difficulté et certaines subtilités prennent du temps à être comprises. Mais c’est cette différence qui fait l’intérêt de la chose, il y a toujours à apprendre et partager.

Au niveau du stress, là aussi l’attente a été comblée. De prime abord, l’éloignement du pays m’a fait un bien fou. Ici, point de conflit à la moindre divergence : les Allemands ayant la culture du compromis, les relations de manière générale sont bien plus apaisées. Même en suivant de près l’évolution de la société française, j’étais plus calme face aux situations de conflit (situations, discussions, actualités…). Le fait de se sentir moins concerné aide : si une nouvelle orientation négative est prise, pourquoi m’en faire puisque vivant dans un pays qui, lui, se porte bien ?

Ajoutons en effet le bon fonctionnement du pays : salaires plus élevés de 20 % en moyenne, coût de la vie plus faible (le logement surtout), donc un niveau de vie bien plus élevé et bien moins de pauvreté. Une société dans laquelle les gens sont à la fois plus respectueux des règles et où lesdites règles sont moins contraignantes. Rien n’est parfait mais force est de constater que tout fonctionne bien mieux qu’en France.

L'Allemagne et ses manifestations sociales d'une extraordinaire violence.Tous droits réservés.
L’Allemagne et ses manifestations sociales d’une extraordinaire violence.Tous droits réservés.

 

Pour ce qui est de l’entourage familial, j’étais déjà géographiquement éloigné. L’Allemagne n’étant pas non plus à l’autre bout du monde, cela n’a pas changé massivement ce fait. À l’inverse, ma nouvelle position me permet d’inviter chez moi ceux qui souhaitent eux-mêmes découvrir le pays et ses facettes qu’ils ne connaissent pas encore, c’est donc plutôt un enrichissement supplémentaire. C’est également une source d’anecdotes et de différences inépuisables à partager avec les connaissances restées en France.

Comment se déroule le quotidien ? Qu’est-ce qui est différent de la vie en France ?

Vous ne vous rendez vraiment compte que vous n’êtes plus en France que lorsque vous voyez quelqu’un chercher parmi plusieurs dizaines de personnes le propriétaire d’un billet de 5 euros trouvé par terre. Et que vous avez déjà vu ça plusieurs fois.

Nombreux sont ainsi les chocs culturels au doux pays de Goethe : le litre de bière à deux euros, les administrations disponibles et compétentes, le respect des feux-piétons ou l’audace incroyable de la drague à l’allemande : « Souhaites tu que nous allions prendre un café un jour ? ». Notons qu’en tant que Français, notre simple nationalité combinée à un accent « so süß » suffit à générer une aura très positive.

Les Allemands ont cette curieuse habitude de se respecter les uns les autres, l’ensemble du relationnel de manière générale est beaucoup plus serein, ce qui est un régal quotidien. Les différences ne sont pas jugées négativement et la culture du compromis permet un dialogue pacifié, que ce soit pour la vie professionnelle (relation syndicats – management) ou personnelle. Bien sûr, cela comporte avantages et inconvénients, la société allemande étant fortement différente d’une société latine, il y aurait tant et plus à dire… dans un prochain article, peut-être…

Courses typiques d'un Français expatrié rentrant au pays. Tous droits réservés.
Courses typiques d’un Français expatrié rentrant au pays. Tous droits réservés.

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  • Courses typiques d’un expatrié rentrant au pays. Voici la légende de la photo. Le pays est supposé être la France.
    Or le contenu du caddies est composé que de vin alsacien,donc français. Bizarre. ..

    • Bonjour.
      Je me suis fait la même réflexion, Frohmuhl.
      A moins que notre expat ne soit alsacien et que notre bon vin lui manquait.
      Parce que le blanc allemand… brrr

    • S’il s’agit d’un parisien qui s’est expatrié en Bade-Wurtemberg, il est possible qu’il achète aussi des vins d’Alsace, dont la proximité assure une meilleure offre dans son magasin allemand habituel…

    • L’illustration est malheureuse. Il y a bien les mêmes vins qu’en Alsace, rieslings, gewurztraminer, pinots… Parfois trop sucrés… Il y a d’excellents vins de la vallée de la Moselle, les paysages ne sont pas seuls à être superbes… Et certains vins au Luxembourg n’ont rien a envier au vins français.

    • L’idée est l’inverse: un expatrié qui rentre au pays (en France, donc) se précipite naturellement sur les achats gastronomiques français: vins de chez nous (le blanc alsacien, c’est le meilleur, d’où la photo), fromages, confits et autres cassoulets… 🙂
      Certains produits se trouvent évidemment importés, surtout en Allemagne qui n’est pas si loin. Mais le choix reste plus restreint, notamment pour les produits plus locaux.

  • bien sur tout cela est bel et beau, mais , et TOUTE xénophobie mise à part, à la prochaine guerre, vous serez un traître qui s’adonne au cannibalisme.

    • Votre réaction est l’illustration de l’article, à savoir que la France est remplie de trous du cul belliqueux.

      • Bien sur que non, ce sont les allemands qui sont belliqueux. Et sauf votre respect un pays sans trou du cul et un pays de constipés…

        Et en passant , je faisais le bouffon de service…

        • Ca c’est le côté amusant de la chose: une bonne partie de l’extrême gauche française s’est monté la tête contre les Allemands, notamment en s’imaginant une pauvreté plus grande qu’en France (ce qui est bien entendu faux, les plus pauvres allemands sont beaucoup mieux lotis que les plus pauvres français). J’ai vu nombre de personnes politisées en France avoir des propos très agressifs envers les Allemands.
          A l’inverse, en Allemagne, rien. Les Allemands préfèrent ne pas juger, ils ont trop peur de l’interventionnisme de toute façon et sont infiniment plus pacifistes que les Français. Tout au plus la situation français sera repris comme exemple de ce qu’il ne faut pas faire économiquement parlant, mais jamais de manière agressive.

        • L’Allemagne belliqueuse… point de vue bien franchouillard !

  • « Une société dans laquelle les gens sont à la fois plus respectueux des règles, et où lesdites règles sont moins contraignantes. »

    Où est la cause, où est l’effet ? 😉

    • une amie expat dans les années 90 m’expliquait que en allemagne on faisait appliquer toutes les lois, et que donc les lois stupides ne survivaient pas.

      en France les lois stupides sont conservées afin de pouvoir être apliquées selon le fait du prince a qui déplait au Système.
      La liberté d’expression n’existe pas en France si on n’est pas du bon coté (eg: on a interdit le film pro russ sur la Crimée, mais la réunion néonazi ukrainienne prévue ces jours ci n’est pas inquiété) , mais détruire le bien d’autrui si on est du bon coté c’est tout a fait permis.

  • Entendu à la télé allemande il y a déjà quelques années que les piétons commençaient à traverser au rouge (comme chez nous, en somme).
    2 reportages-avertissements à la télé publique plus tard, la Polizei a commencé à verbaliser les contrevenants.
    Problème réglé en à peine quelques semaines. Les gens ont réappris à attendre leur tour.

    Mais ce que je trouve le plus fascinant, c’est la différence dans le comportement des enfants sur le chemin de l’école. Le calme, la sérénité et le sérieux des gamins allemands par rapport aux nôtres est énorme. Je n’en ai jamais vu courir sur le trottoir ou se pousser (parfois vers la route) comme ici. Et sans tirer la tronche, bien au contraire.

    • L’ainée de mes enfants n’a que 3 ans, mais je n’envisage pas qu’elle courre sur le trottoir ou pousse ses camarades plus tard. Et si je la prends en-train de le faire elle aura affaire à moi.
      Mais c’est peut-être lié à mon éducation alsacienne…?

  •  » L’intolérance envers les opinions divergentes, les comportements politiques quasi-religieux, le renfermement sur soi de la société française et le développement d’une atmosphère de suspicion et de xénophobie (de droite comme de gauche) »

    Voilà qui est parfaitement dit

  • De retour en France après une expatriation familiale et professionnelle de 4 ans en Allemagne, je me retrouve en partie dans cet article et si j’aime profondément ce qui reste d’exigence dans ce pays et dans sa langue, je serai plus nuancé. Il est indéniable que l’Allemagne se porte mieux que la France, la vie pratique le démontre tous les jours (prix, emploi, civisme, discrétion, sens des responsabilités, etc.). Mais je pense que l’Allemagne est en surchauffe économique et gagnée par les mêmes maux que la France (elle fait également preuve de naïveté face à l’immigration massive extra-européenne actuelle qui se fondrait comme par magie grâce à une simple bonne situation économique, PEGIDA est là pour prouver le contraire). J’échange régulièrement avec un prof. de philosophie allemand très bien informé et il est beaucoup plus sceptique sur l’état profond et les perspectives du pays. J’ai aussi noté que c’est un pays certes de compromis, mais aussi de gros paradoxes (écologie vs grosses cylindrées, maisons à basse conso d’énergie vs centrales à charbon, esprit de tolérance vs rigidité comportementale dans certaines situations ubuesques, univers administratif parfois plus kafkaïen qu’en France à cause de cette obsession du respect de la règle pouvant conduire à l’absurde, je sais de quoi je parle, j’ai notamment quelques anecdotes déroutantes comme client de la Deutsche Bahn). Au bilan, ce pays est déconcertant : il marche encore plutôt bien, alors qu’il a en lui les germes de la décadence comme en France. L’Allemagne n’est pas un pays libéral, le socialisme et sa bien-pensance, notamment dans le traitement de l’information par les médias, y sont presque aussi répandus qu’en France. Ce qui le sauve encore, c’est la valeur travail qui est beaucoup moins altérée que dans l’Hexagone, une fiscalité globalement encore supportable (même si l’Allemagne est loin d’être un paradis fiscal) et, je dirais, un sens de la dignité personnelle et de l’intérêt collectif. Voilà en quelques lignes mon impression générale, exercice toujours délicat. Comment trouver en effet des généralités dans un pays si grand et si dynamique et l’y réduire ?

    • « il est beaucoup plus sceptique sur l’état profond et les perspectives du pays »

      Le fait est que le taux de natalité catastrophique de l’Allemagne a de quoi vraiment inquiéter.

      • Si tant est que la course à la natalité (subventionnée par l’Etat à tous les âges) soit autant un atout qu’on veut bien le dire. En démographie comme pour le reste, point trop n’en faut… et gare aux apprentis sorciers qui manipulent ces grands ensembles !

  • Je sors du sujet car je suis retraité. Toutefois, je suis perdu dans le pays (qui a beaucoup changé) où j’ai toute ma vie accompli mes devoirs de citoyen. Tant qu’à vivre sur une autre planète que celle sur laquelle j’ai travaillé pendant 50 ans, autant en changer et choisir celle qui me convient. Je suis expat retraité depuis deux ans, et à priori pas le seul. Curieusement, mes sentiments rejoignent ceux de Gilles et les sensations sont les mêmes. Je dois préciser que je ne suis pas un exilé fiscal car je continue (pour l’instant) à payer mes impôts en France, alors que rien ne m’y oblige.

  • Je suis depuis 2 ans en Australie, et au bout d’un an j’en avais marre et j’ai cherché à bouger. Je m’apprête maintenant à aller en Californie, pour 2 ans aussi.

    Je continue mes voyages et mes expériences, mais j’ai appris une chose en partant à l’étranger: la France est le plus beau pays du monde. Point barre. Moi aussi j’ai quitté la France en 2013 parce que j’en avais marre du climat social, de l’insécurité, de la déliquescence de l’Etat, etc… Je n’ai eu aucun regret à prendre l’avion. Je suis parti fâché en me disant que je ne reviendrais jamais. Mais très vite je me suis rendu compte que l’Art de vivre à la française est unique au monde. Et que lorsque l’on est né dedans, on ne peut pas se passer de cette nourriture spirituelle. On s’en rend vite compte dans un pays comme l’Australie qui ne possède aucune culture et où le niveau d’éducation est faible, où personne n’est sensible au moindre signe de politesse.

    Je ne sais pas encore ce que l’avenir me reserve, mais je pense rentrer un jour en France. Je recommande l’experience de l’expatriation à tout le monde, c’est très enrichissant. C’est surtout très enrichissant de constater que la France, malgré tout ses problèmes graves, reste un pays magique.

  • Merci, on attend donc la suite. Expat 2•0
    ?

  • Egalement jeune diplômé expatrié en Allemagne depuis près de 2.5 an, je ne regrette en rien mon choix.

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