Le terrorisme est-il l’ennemi que l’on croit ? (2)

Autour de Daesh, chacun joue un rôle.

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Le terrorisme est-il l’ennemi que l’on croit ? (2)

Publié le 20 décembre 2015
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Par David Stockman

Ville Mietinen-Whale oil tanks(CC BY-NC 2.0)
Ville Miettinen-Whale oil tanks(CC BY-NC 2.0)

 

La violence militaire infligée par les États-Unis au Proche-Orient a son lot de responsabilités dans la situation géopolitique actuelle, disions-nous récemment. Le fait est que le terrorisme n’a pas soudainement surgi des enseignements d’une religion vieille de 1.300 ans. Et on ne vient pas de découvrir que certains pays du Moyen-Orient exècrent la liberté, la prospérité et la culture matérialiste des États-Unis.

Le terrorisme djihadiste n’est arrivé aux États-Unis qu’après que Washington a formé et armé les moudjahidines dans les années 1980 ; qu’après avoir mené une guerre délibérée en Arabie et en Mésopotamie dans les années 1990 ; et qu’après avoir nourri par la suite l’anarchie des États en déliquescence du Moyen-Orient.

De fait, une fois que les néoconservateurs ont pris totalement le pouvoir lors des élections de 2000, Washington a fauché ces États, Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, Somalie, Yémen, avec l’empressement d’un terroriste djihadiste. À présent, tous ces États en déliquescence sont devenus un terreau fertile pour le terrorisme, mais aucun d’entre eux n’avait fricoté avec le terrorisme jusqu’à ce que les partisans du changement aient gain de cause sur les différents régimes tyranniques et autoritaires qui auparavant régnaient sur ces régions désolées.

Rien de nouveau sous le soleil…

Le meilleur symbole de cela est sans doute Syrte, la ville natale de Kadhafi, qui, ces derniers mois, est devenue la seconde capitale de Daech ; ou bien le soi-disant « gouvernement » que Washington a installé à Bagdad et qui n’est même pas parvenu à garder la ville natale de Saddam, Tikrit.
Il n’y a rien de nouveau sous le soleil : l’État Islamique n’est pas en soi plus menaçant pour les États-Unis que ne l’était Al-Qaida à l’apogée de sa gloire. S’il peut même se déclarer comme un État, c’est uniquement grâce aux innombrables cadeaux que lui ont fait Washington et ses alliés.

En effet, Daech a réussi à occuper une étroite bande de terre désolée où se nichent des villages pauvres et poussiéreux sur le cours supérieur de l’Euphrate en Syrie, une étendue désertique à l’ouest de l’Irak, les villes dévastées par la guerre des provinces d’Anbar et de Mossoul. Cela parce que Daech a pu s’emparer des immenses caches d’armes que le Pentagone avait laissées derrière lui après avoir « libéré » l’Irak. Par ailleurs, il a gagné encore plus de puissance de feu grâce aux soi-disant « modérés » Syriens tués, capturés, passés à l’ennemi ou en fuite, auxquels la CIA, le Qatar, l’Arabie Saoudite et d’autres marchands d’armes et contrebandiers de la région ont fourni les meilleures armes de pointe américaines.

L’importance du pétrole

En outre, la tyrannie brutale de Daech, même dans ses redoutables reculées, ne pourrait durer plus que quelques mois sans les revenus du pétrole passé en contrebande au vu et au su de tous via la Turquie, alliée de l’OTAN, et, à en croire certains, avec l’intermédiation de l’entreprise commerciale appartenant à la famille Erdogan.

L’idée que ce crypto-État pourrait en fait subvenir à ses besoins grâce aux rançons, à la vente d’esclaves sexuelles et au prélèvement de tarifs douaniers intérieurs sur une activité économique quasi inexistante dans la limite de ses frontières putatives est une pure fiction de Washington. Fermons la frontière turque, et les jours de Daech seront comptés.

En outre, on ne peut pas dire que la Turquie possède la plus grande organisation militaire au sein de l’OTAN, avec une armée de 500 000 hommes, 1 000 avions militaires et 3 000 tanks, vu qu’elle est incapable de fermer ses frontières. Sa frontière nord-est, contrôlée par les Kurdes, est un souk à ciel ouvert pour le transit de pétrole, d’armes et d’hommes. Cela n’est possible que parce que Washington et l’Occident ont donné leur feu vert à sa campagne pour renverser le gouvernement de son voisin syrien.

Si le président américain, bien intentionné mais incapable, veut réellement éliminer l’État Islamique, il n’a qu’à faire la paix avec Damas et dire à Erdogan de retourner au nord de sa frontière et de la fermer ; à défaut de quoi, il sera expulsé de l’OTAN.

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  • aprés l’appel d’obama , la turquie annonce le retrait des ses troupes d’irak…..si les états unis arretaient de mettre un bordel monstre partout ou il y a des richesses à récupérer , nous n’en serions pas là ; idem si certains dirigeants occidentaux n’étaient pas vassaux des usa ;

  • il est vrai qu’il y a montée en puissance de l’idéologie et multiplication des attaques contre les USA (et ses « alliés » occidentaux) à partir du moment où Reagan s’empare de la gestion géo-politique de l’Afghanistan (pour y contrer l’URSS) et de l’Iran (Révolution Islamique) mais n’y a-t-il pas en amont un vaste terreau favorable? Même si tous ses mouvements et courants ne sont pas identiques ni même alliés j’ai quand même l’impression que la sinistre vague vient de plus loin: les Frères Musulmans en Egypte, le double jeu permanent de l’Arabie Saoudite depuis bien avant 1980, les myriades de groupuscules palestiniens qui émergent dans les années 70s et autres sous produits de la Guerre Froide, l’échec des différentes options pour unifier le monde arabe (du ‘nassérisme’, les déclinaisons multiples du Baasisme…) bref les échecs du monde arabe tout court ne sont-ils pas des facteurs tout aussi déterminants que l’interventionnisme souvent inconsidéré des USA? Juste des questions pas un avis tranché

    • « l’échec des différentes options pour unifier le monde arabe (du ‘nassérisme’, les déclinaisons multiples du Baasisme…) »

      Et si l’absurdité de ces différents constructivismes socialistes n’était pas la vrai raison de la monté des mouvements islamiques ? Ce qui est intéressant c’est de voir à quel point l’islamisme se nourrit du socialisme arabe, grâce au rejet de cette idéologie mais aussi en empruntant ses idées.

      Il faut remarquer que le retour de l’idée de reconstruction du califat, que vous appelez pudiquement « unifier le monde arabe » provient bien du nationalisme arabe. C’est ensuite l’islamisme qui a reprit cette idée en corrigeant une erreur fondamentale, qui est que le monde arabe n’était pas uni dans le passé car arabe mais uni car musulman. C’est pourquoi l’islamisme séduit plus que le socialisme arabe aujourd’hui, il en reprend les mêmes schémas intellectuels tout en étant bien plus ancré dans l’histoire.

  • Mais c’est quoi cet article anti américain primaire ?

    Ignorer ainsi que le boxon au moyen orient est les écuries d’Augias de la guerre froide, que toute cette région a été complètement déstabilisée pendant 40 ans d’affrontement larvé, d’enjeu de pouvoir, de ´non alignés » etc… est juste ridicule.

    On a l’impression que suite au 9/11 et maintenant au 11/13 les gens ont fait table rase du passé.

    Penser le moyen orient en terme geopoloique est sympa intellectuellement, mais complètement à côté de la plaque : c’est parler de choses qui n’existe pas (comme l’Etat syrien, irakien etc…)

  • Cet article qui se veut explicatif parait ignorer tout ce qui a bien pu se passer au Moyen Orient avant 1980. Il y a quand même eu la renaissance d’Israël en 1948 qui a pas mal agité le landerneau et encore avant, le lent mais continuel affaiblissement de l’ Empire Ottoman qui a disparu dans les décombres de la PGM. Décomposition aimablement catalysée par la GB toute à son Grand Jeu en vue de mettre la main sur le pétrole local qui a abouti à la création de pays fictifs résultant davantage des compromis diplomatiques que de la réalité du terrain. D’ où des mandats d’administration de ces pays accordés à ces vainqueurs de la PGM (y compris à la France) qui n’ont certainement pas amélioré la situation d’ avant les Américains. Mais il se trouve que notre époque dispose de moyens de communication dont nos aïeux n’ imaginaient probablement pas l’ étendue ni même l’ existence, permettant d’exporter aisément du terrorisme en Europe ou USA.

    • La PGM, les « pays » sous mandat occidental … C’est vrai tout ça mais c’est vieux. Depuis il a été fait bien d’autres conneries qui pèsent surement plus parmi les causes des problèmes actuels. Le pétrole et ses montagnes de pognon, voilà une problématique actuelle bien vivante.

  • En outre, cette deuxième partie usurpe sa qualité de suite de la première qui se bornait à vouloir démontrer que le risque statistique de périr par un attentat djihadiste/terroriste était bien plus faible que de périr par chute de la foudre, hypothèse elle-même peu probable statistiquement. Là, l’ auteur veut esquisser une genèse du terrorisme d’origine moyenne orientale qui est vraiment courte et bien trop orientée exclusivement quant AU responsable, uniquement les USA??? Vraiment???

  • « Si le président américain, bien intentionné mais incapable, veut réellement éliminer l’État Islamique, il n’a qu’à faire la paix avec Damas et dire à Erdogan de retourner au nord de sa frontière et de la fermer ; à défaut de quoi, il sera expulsé de l’Otan »

    Quand même affligeant de lire çà sur un site libéral , on dirait vieux film de Staline tourné à l’envers ..LOL

  • Tiens, encore bloqué… Ça devient fréquent ou presque. Faudrait revoir les règles du filtre.

    Rappelons donc que le christianisme orthodoxe et l’Europe orientale ont été « victimes » des interventions US depuis plus longtemps et avec plus d’intensité que le moyen orient. Serbes, Russes, Ukrainiens, Baltes, Polonais peuvent en remonter aux Syriens, Irakiens, etc. Et pourtant nul pope « radicalisé » appellant à exploser le plus de « chiens réformés ». Nul avion ou bombe jetées sur les occidentaux décadents.

    Serait-ce que d’un barbu à l’autre il y aurait des différence que l’auteur refuse de voir ? Le problème serait-il plus profond que ce que la géopolitique (la macro-économie de ceux qui ne savent pas faire de maths) ne le croit dans sa suprême correction politique ?

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