Par Fabrice Copeau.
Prononcé à l’Assemblée constituante le 12 septembre 1848 lors de la discussion sur l’adjonction d’un article ouvrant un « droit au travail » au projet de nouvelle constitution, ce discours retentissant demeurait jusqu’à présent enfoui dans la compilation des innombrables interventions du député Tocqueville au sein de ses Œuvres complètes. Accompagné de ses éclairantes notes préparatoires, il est pour la première fois l’objet d’une publication spécifique.
Ce texte révèle un Tocqueville inattendu, non plus le sociologue et historien mais un acteur profondément engagé dans les affrontements idéologico-politiques consécutifs à la Révolution de 1848 : un orateur et polémiste talentueux aussi peu « académique » et « modéré » que possible, proposant ici un condensé de sa philosophie politique.
C’est une contribution initiale et majeure à un débat de fond qui demeure d’actualité, où Tocqueville expose cursivement les raisons de son opposition tranchée au « droit au travail » et sa logique. Formules choc : son adoption ferait de l’État « le grand et unique organisateur du travail », « le maître et possesseur de chaque homme », le « propriétaire unique de chaque chose »…
C’est aussi l’occasion de découvrir Tocqueville farouche adversaire du socialisme inspirant un tel droit. Autres formules choc : le socialisme est « une attaque directe contre la propriété et la liberté individuelles », « une nouvelle formule de la servitude humaine ».
Pierre Bessard qui préface cette édition est journaliste et président de l’Institut libéral suisse de Genève.
- Alexis de Tocqueville, Contre le droit au travail, préface de Pierre Bessard, Les Belles Lettres, à paraître le 14 septembre 2015.
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De temps en temps, des merveilles sont (re)découvertes…
Par exemple, dans le Dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert, lit-on à l’ entrée « génération spontanée » le commentaire furieusement ironique et entièrement vérifiable par l’ Histoire de « croyance socialiste »…
Mon passage préféré est le suivant, plein de spontanéité et de maîtrise :
» Eh quoi messieurs, tout ce grand mouvement de la révolution française n’aurait abouti qu’à cette société que nous peignent avec délices les socialistes, à cette société réglementée, réglée, compassée, où l’État se charge de tout, où l’individu n’est rien, où la société agglomère en elle-même, résume en elle-même toute la force, toute la vie, où le but assigné à l’homme est uniquement le bien-être, cette société où l’air manque! où la lumière ne pénètre presque plus. «
Le texte intégral du discours du 12 septembre 1848 est disponible ici : https://drive.google.com/file/d/0B49FlnpxKwu7TE9nUDNfbnJOZkE/view
Et plus loin :
« Non, messieurs, la démocratie et le socialisme ne sont pas solidaires l’un de l’autre. Ce sont choses non seulement différentes mais contraires. La démocratie donne toute sa valeur possible à chaque homme, le socialisme fait de chaque homme un agent, un instrument, un chiffre. La démocratie et le socialisme ne se tiennent que par un mot, l’égalité ; mais remarquez la différence : la démocratie veut l’égalité dans la liberté, et le socialisme veut l’égalité dans la gène et dans la servitude. »
Eh oui, il y a longtemps qu’on sait le socialisme définitivement incompatible avec la démocratie. Depuis Tocqueville, trois expériences européennes ont démontré par la pratique la pertinence de ses sentences : communisme et fascisme hier, social-démocratie aujourd’hui. Le socialisme sous toutes ses formes est le plus grand danger menaçant la démocratie et accessoirement la République. Un siècle avant Tocqueville, Montesquieu condamnait par avance la folie collectiviste dont les divers socialismes se rendent coupables par abus de taxes et de normes, les deux mamelles de la servitude. Il prévoit même, par l’exemple, comment cela va se terminer.
« Ces grands avantages de la liberté ont fait que l’on a abusé de la liberté même. Parce que le gouvernement modéré a produit d’admirables effets, on a quitté cette modération ; parce qu’on a tiré de grands tributs, on en a voulu tirer d’excessifs ; et, méconnaissant la main de la liberté qui faisait ce présent, on s’est adressé à la servitude qui refuse tout.
La liberté a produit l’excès des tributs ; mais l’effet de ces tributs excessifs est de produire à leur tour la servitude ; et l’effet de la servitude, de produire la diminution des tributs.
(…)
Ce furent ces tributs excessifs qui donnèrent lieu à cette étrange facilité que trouvèrent les Mahométans dans leurs conquêtes. Les peuples, au lieu de cette suite continuelle de vexations que l’avarice subtile des empereurs avait imaginées, se virent soumis à un tribut simple, payé aisément, reçu de même : plus heureux d’obéir à une nation barbare qu’à un gouvernement corrompu, dans lequel ils souffraient tous les inconvénients d’une liberté qu’ils n’avaient plus, avec toutes les horreurs d’une servitude présente. »
http://classiques.uqac.ca/classiques/montesquieu/de_esprit_des_lois/partie_2/esprit_des_lois_Livre_2.pdf
A quand Tocqueville au programme des lycées?
Pour instiller enfin un peu d’esprit critique dans la prochaine génération.
Excellent merci.
Cela reste très maigre mais c’est tjs un bon début surtout venant de membres du PS: http://www.lefigaro.fr/social/2015/09/02/09010-20150902ARTFIG00086-code-du-travail-les-propositions-choc-du-think-tank-du-ps.php
et l’écologie semble un avatar du socialisme, ce qui fascine c’est la capacité de ses croyants à affirmer qu’ils désirent ardemment que l’état le détourne de leurs aspirations naturelles qu’il suppose mauvaises… c’est un curieux je suis con …mais je le sais.. mes choix sont nuls sauf celui de d’autoriser une personne à me les interdire… vous voyez des gens qui passent leur temps à faire ce qu’ils ne veulent pas faire au fond d’eux m^me…
merci à Copeau de nous rafraichir la mémoire.
à quand l’étude de tocqueville au lycée ? peut etre que cet auteur est jugé » subversif » ?