Une maison jaune, d’Abigail Seran

Un roman construit autour d’une maison et de la vie de ses habitants.

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Une maison jaune, d’Abigail Seran

Publié le 21 août 2015
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Par Francis Richard.
Une maison jaune Abigail SeranLes maisons que nous habitons ont souvent une histoire. Mais il est bien rare que nous en sachions grand chose. Pour autant qu’elles demeurent, elles passent de mains en mains à travers le temps sans que leurs murs, qui ont pourtant des oreilles, ne fassent de révélations.

Dans ces maisons, les générations se suivent et ne se ressemblent pas toujours, surtout au cours du XXe siècle. Le temps s’y est comme accéléré. Les mœurs y ont changé beaucoup plus qu’au cours des siècles précédents, où elles s’étaient figées, temporairement.

Abigail Seran, raconte ce que, dans une même maison, qui aurait dû être Une maison jaune, trois jeunes filles, à peu près du même âge, ont vécu pendant deux ans de leur existence, à trente-trois, puis trente-cinq années d’intervalle.

Le récit se déroule en effet en parallèle de mai 1924 à mai 1926, de mai 1957 à mai 1959, et de mai 1992 à mai 1994. Son originalité tient à cet écoulement du temps, aux mêmes dates, qui marquent, différemment, pour chacune de ces trois jeunes filles, le passage de l’adolescence à l’âge adulte.

Léonie Grandvieille est la première de ces jeunes filles dans l’ordre chronologique à habiter cette maison qui aurait dû être jaune et qui est une maison de maître. À l’époque, la vie des jeunes filles de bonne famille ne leur appartenait pas. C’étaient leurs parents qui décidaient pour elles de ce qu’elles deviendraient.

C’est ainsi que le mariage de Léonie avec Auguste, l’héritier Chembignac, est arrangé par les parents des deux familles et qu’elle devient son épouse, et femme, alors qu’elle n’a tout juste que seize ans. Dans les vicissitudes qu’elle doit alors traverser, elle peut heureusement compter sur son amie fidèle, Lisbeth Montverdil.

Pia, d’origine italienne, est la deuxième de ces jeunes filles. Avec ses parents elle habite l’appartement situé tout en haut de la maison. Ils sont locataires d’Alba, qui occupe le reste de la maison et qui est une pianiste émérite, voyageant une partie de l’année pour donner des concerts de par le vaste monde.

Pia, en principe, est destinée à épouser un jour Pietro, un garçon de son pays, resté dans le village familial, en Italie, où demeure sa nonna. En attendant, après le collège, elle travaille à la manufacture de tabac et apprend le français, puis la musique avec Alba, dont le prénom signifie aube en italien. Pia n’est déjà plus la fille soumise que fut Léonie.

Charlotte est la troisième de ces jeunes filles. Ses parents sont séparés. Elle vit avec sa mère et l’amoureux de celle-ci, Paul, dans la maison qui aurait dû être jaune et qui est promise maintenant à la démolition dans un délai de deux ans. Elle est au lycée et projette de faire des études universitaires.

Charlotte, qui se découvre farouchement indépendante, a trouvé des petits papiers dans la buanderie de la maison. Ils sont recouverts d’une écriture bien ronde et doivent remonter à quelques décennies. Ce sont en fait les premières pièces d’un puzzle qui vont lui donner l’idée de reconstituer l’histoire de la maison et du quartier où celle-ci se trouve.

L’histoire de la maison et de ses habitants est donc racontée au fil des confidences que font tour à tour les trois jeunes filles et des découvertes que fait Charlotte et qui viennent en compléter le tableau. C’est ainsi que, peu à peu, tous les personnages, en rapport plus ou moins direct avec la maison, prennent vie sous la plume d’Abigail Seran.

Abigail Seran dédie ce livre à toutes les femmes de sa vie, tout particulièrement à celle qui la lui a donnée. Et il est vrai qu’il est surtout question de femmes – de bien jeunes femmes – dans ce livre et de l’évolution de leur condition. C’est à la fois très bien vu et très bien restitué, aussi bien historiquement (jusque dans les expressions employées) que psychologiquement (jusque dans les attitudes).

Une fois le livre terminé sur un pied-de-nez ultime fait au destin de cette maison, on ne peut qu’être reconnaissant à l’auteur d’avoir rappelé par ce récit, dont le style fluide et bien venu varie quelque peu suivant la narratrice, combien les choses étaient différentes jadis et naguère et qu’il est bien difficile de dire avec les nostalgiques d’aujourd’hui que c’était mieux avant.


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