Par Doug Bandow.

L’an dernier, Narendra Modi a remporté les élections législatives indiennes avec une très forte majorité. Plus tard, lors de son voyage aux États-Unis, il a été chaleureusement accueilli par l’administration Obama, et les Américains d’origine indienne.
Bien que la diaspora indienne recouvre le globe d’entrepreneurs et d’hommes d’affaires, le gouvernement de Delhi avait érigé en religion d’État l’économie dirigiste. Gaspillages, règlements et bureaucraties abêtissants étaient légion. Quelques petites réformes ont bien été adoptées, mais même des demi-mesures à moitié voulues ont soulevé une immense opposition politique. En mai dernier, le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata, dirigé par Modi, infligeait sa plus grande défaite au très respectable Congrès national indien. Il semblait incliné à transformer l’économie du pays.
À l’approche de l’anniversaire de ce voyage américain, le rêve Modi pâlit.
Il ne semble tout simplement pas croire au marché libre et en la liberté. Peu de réformes d’importance ont été initiées. Ces échecs assombrissent les succès du gouvernement Modi et surlignent l’occasion manquée. Les critiques mentionnent la permanence de déficits hors norme et le pilotage du crédit bancaire.
Arun Shourie, ancien ministre des Privatisations, notait en décembre dernier :
« Quand tout est dit et fait, plus est dit que fait ».
Malheureusement, Modi a laissé passer l’état de grâce, pendant lequel son crédit politique était au plus haut. Et le temps continue de s’écouler.
La vie politique indienne est rapidement retournée à son état habituel.
Modi a du éluder des accusations de corruption et mauvaise conduite. Rien de cela ne détonne dans le paysage politique indien, mais les électeurs sont à saturation. En février, un nouveau parti anti-corruption remporta une victoire écrasante à Delhi.
La violence religieuse est également sur la pente ascendante, très largement provoquée par des extrémistes hindous. En tant que ministre en chef du Gujarat, Modi fut impliqué dans les émeutes de 2002, menant à la mort plus de 1200 personnes, principalement musulmanes. Depuis son élection, les agressions communautaires augmentent, envers les chrétiens comme les musulmans. Modi n’a pas encouragé la violence, mais son gouvernement a nourri les sentiments nationalistes hindous. Seulement après l’attaque d’une école chrétienne, où la plupart des élèves et professeurs étaient hindous, a-t-il promis que son gouvernement “respecterait également toutes les religions”. La violence confessionnelle touche des indiens innocents, et donne aux investisseurs étrangers une raison de plus pour aller ailleurs.

Malgré son bilan économique décevant, Modi a toujours la possibilité de libéraliser l’économie indienne. D’ici quelques années, son parti prendra le contrôle de la chambre haute du parlement indien, qui a coupé court à certaines de ses initiatives passées.
Sadanand Dhume, de l’American Enterprise Institute, ajoute :
« Dans le Gujarat aussi, il a commencé doucement mais fini par présider un long boom ».
Cependant, bricoler des réformes accessoires ne sera pas suffisant pour ce gouvernement. Sur la liste de Dhume, on trouvera une réforme fiscale, des privatisations, la fin des aides aux entreprises et une restructuration de l’approvisionnement électrique. L’Inde devra aussi limiter les dépenses publiques, libéraliser son marché du travail, simplifier la circulation des personnes, moderniser les règles de faillite, rationaliser les procédures judiciaires et affirmer les droits de propriété.
Comme je l’écris dans Forbes Online :
« L’Inde a un besoin urgent d’une croissance soutenue, pendant des années, voire des décennies, pour accéder aux premiers rangs du concert des nations, tout comme la Chine l’a fait. L’Inde a un énorme potentiel, mais depuis des dizaines d’années, le gouvernement a dilapidé ses chances. »
Malgré les grands espoirs nés de la victoire spectaculaire du BJP, rien n’a vraiment changé. Bien que la croissance indienne augmente, ces améliorations ne sont pas durables sans réformes plus larges et plus profondes. Sans croissance durable, l’Inde ne suivra pas l’exemple chinois et n’aura pas d’industrie manufacturière compétitive, afin de générer une croissance sur le commerce global, et créer un nouveau pouvoir capable d’influencer les affaires du monde. De telles réformes ne seront pas faciles, mais c’est pour prendre des décisions courageuses que Modi a été élu par le peuple indien.
Quelques-uns voient dans le XXIe siècle le siècle de la Chine. Il est plus probable de voir le siècle de l’Asie, au moins si Narendra Modi prend la mesure de sa chance unique. Mener l’Inde vers un avenir meilleur et prospère bénéficiera évidemment à l’Inde et au peuple indien. Mais cela bénéficiera aussi au reste du monde.
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Traduction pour Contrepoints de “India’s Faltering Economic Revolution: Lost Opportunity, Lost Future” paru sur le site du Cato Institute.
C’est un beau gâchis c’est certain, l’Inde a tellement d’atouts et va devenir le pays le plus peuplé du monde en 2022…C’est un pays très difficile à gouverner il est vrai, et une démocratie met plus de temps à avancer qu’une dictature même si elle est plus efficace à long terme.
“Mener l’Inde vers un avenir meilleur et prospère bénéficiera évidemment à l’Inde et au peuple indien. Mais cela bénéficiera aussi au reste du monde.”
Et si l’inde ni parvient pas, comment peut-on espérer que l’Afrique suive ?
Simple : l’Inde est un pays, l’Afrique un continent. Certains pays africains prospèreront, d’autres non. Mais les prospères pourront aider ceux en difficulté via un développement du commerce intra-africain.
la réussite se mesure grâce à l’économie ou à l’accroissement de la population ?
une question où il n’y a pas de rolex a gagner 🙂
Accroissement de la population ? Non. Par contre l’économie est un indicateur de réussite incontestable et ultime. Un pays dont la population est misérable et principalement pauvre ne peut pas être considéré comme ayant du succès, peu importe ses conquêtes militaires ou autres.