Un monstre à la française, d’Éric Brunet

Un roman sur Joseph Darnand, héros des deux guerres, collaborateur et créateur de la Milice.

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Un monstre à la française, d’Éric Brunet

Publié le 25 juillet 2015
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Par Francis Richard.

Eric Brunet un monstre à la françaiseLe mot de monstre a plusieurs acceptions. Mais il en est une qui correspond au personnage du roman historique que vient de publier Éric Brunet : « Personne qui suscite l’horreur par sa cruauté, par sa perversité, par quelque vice énorme. »

Joseph Darnand  est Le monstre à la française d’Éric Brunet. Il a été en effet, de 1943 à 1944, le secrétaire général de la Milice française, de sinistre mémoire. Ce sont des miliciens qui ont assassiné Victor Basch et sa femme, Jean Zay, Georges Mandel, Maurice Sarraut, et bien d’autres, souvent restés anonymes.

Éric Brunet a tenté avec ce livre de comprendre comment un héros universellement reconnu peut devenir un salaud tout aussi universellement maudit, comment les mêmes mains, qui ont sauvé des vies humaines, ont pu en supprimer d’autres.

Pour être au plus près de la vérité, l’auteur n’a pourtant pas voulu écrire un livre d’histoire, un de plus, mais un roman historique. L’imagination, en effet, permet de « combler les blancs de l’Histoire », qu’elle laisse immanquablement derrière elle, quelles que soient les nombreuses sources à disposition.

Joseph Darnand est indéniablement un héros universellement reconnu après son exploit du 14 juillet 1918. Ce jour-là, avec un groupe de volontaires, il prend d’assaut un bunker ennemi, fait à lui seul 23 prisonniers sur 27 et rapporte dans une sacoche le plan d’attaque de l’armée d’Hindenbourg, prévue pour le jour-même.

Cet exploit, à Mont-sans-Nom, vaudra à Joseph Darnand de se voir remettre la médaille militaire par le général Pétain en personne, puis décorer de la Légion d’honneur, enfin décerner, par Raymond Poincaré, président du Conseil de l’époque, le titre exceptionnel d’« Artisan de la Victoire », titre qu’il ne partagera qu’avec deux autres personnes, Georges Clemenceau et le Maréchal Foch…

Joseph Darnand n’est pas un républicain. Dans l’entre-deux-guerres, il est successivement membre de l’Action française, des Croix de Feu, de l’OSARN, Organisation Secrète d’Action Révolutionnaire Nationale, plus connue sous le nom de Cagoule…

Pendant la drôle de guerre, en 1940, à Forbach, Joseph Darnand s’illustre à nouveau en allant, au péril de sa vie, avec trois volontaires, rechercher le corps de son ami, et chef, le lieutenant Félix Agnély, mort au combat, ne voulant pas « l’abandonner aux boches« …

Cet exploit, plus de vingt ans après celui du Mont-sans-Nom, vaudra à Joseph Darnand d’être fait officier de la Légion d’honneur et d’être nommé, cette fois, « premier soldat de France » : « À quarante-trois ans, le plus grand soldat de la Première Guerre était déjà le premier héros de la Seconde. »

La défaite va avoir un terrible impact sur Joseph Darnand. À son procès, le RP Bruckberger, résistant venu témoigner en sa faveur, dira, selon Brunet : « Darnand a éprouvé une honte terrible devant la déroute de l’armée française. Il a vécu la débâcle comme une trahison. Cet épisode a suscité un choc psychologique comparable à celui que l’on observe dans un crime passionnel. »

Après l’armistice, en août 1940, les anciens combattants sont regroupés dans la Légion française des combattants. Il en devient le chef dans les Alpes Maritimes. Puis, avec d’autres légionnaires, il crée, à l’été 1941, le S.O.L., le Service d’Ordre de la Légion.

Ce dernier mouvement est anti-bolchévique, anti francs-maçons et antisémite… et, en même temps, Darnand, d’une fidélité indéfectible au Maréchal Pétain, voudrait que sa Légion cultive « un maréchalisme de conviction en même temps qu’un anti-germanisme discret… en attendant peut-être une victoire des Alliés. »

Début 1943, sur l’instigation de Paul Marion, ministre dans le gouvernement de Pierre Laval, le S.O.L. est transformé en Milice, c’est-à-dire en police de Vichy, émancipée de la Légion. L’emblème ? « Le gamma, la troisième lettre de l’alphabet grec. C’est la représentation zodiacale du Bélier : la force et le renouveau. » Placé à sa tête, Joseph Darnand veut en faire une organisation exemplaire.

« Deux questions l’obsédaient en particulier : la moralité de ses hommes et leurs convictions politiques. »

En juin 1943, Joseph Darnand est tenté de rejoindre la résistance. Il a un contact avec elle, via le colonel Georges Groussard, qu’il a connu à la…Cagoule. Mais il ne prend pas cette porte de sortie. Et, au contraire, le mois suivant, en juillet 1943, il accepte de devenir SS avec pour contrepartie de la part des Allemands que la Milice soit armée…

Le sort de Joseph Darnand est désormais jeté et, en août 1943, il prête serment à Hitler, un serment purement militaire, lui a-t-on présenté, qui le lie au Führer sur le Front de l’Est, mais qui ne remet pas en cause son serment au Maréchal en France…

On connaît la suite : les exactions de la Milice, surtout à partir du moment où Darnand entre au gouvernement de Vichy (il en réprouve certaines, il en réprime d’autres, mais en laisse faire la plupart), la fuite en Allemagne après le Débarquement, la rencontre avec Hitler en août 1944.

Darnand livre ses derniers combats en Italie, après avoir fait main basse sur un trésor de guerre. Il y est arrêté alors qu’il s’apprête à partir pour l’Amérique latine. Il est jugé en Haute Cour et son procès à l’issue jouée d’avance est expédié en cinq heures. Il est exécuté au fort de Chatillon, le 10 octobre 1945.

Éric Brunet a voulu que ce roman soit « aussi fidèle que possible aux événements et à ceux qui les ont vécus ». Et il faut dire que, sans conteste, dans l’ensemble, il y est parvenu. Le portrait qu’il dresse de Darnand est ainsi beaucoup plus complexe que l’exécrable réputation qui le simplifie.

Ce livre édifiant ne laisse toutefois pas de mettre mal à l’aise. Darnand sait surtout se battre et mener des hommes au combat. Ce guerrier sans états d’âme est un héros ou un salaud suivant les pas qu’il franchit et qui changent alors complètement l’opinion que l’on peut avoir sur lui.

Chercher à comprendre, bien sûr, ne signifie pas approuver. Un monstre à la française est d’ailleurs dédié à Georges Mandel, auquel je ne manque pas de penser quand je me rends à ma maison de Chatou, en passant rituellement devant celle où il est né il y a 130 ans, au 10 avenue du Général Sarrail, et sur le mur de laquelle est apposée une plaque commémorative :

« Dans cette maison est né le 5 juin 1885
Georges MANDEL, Homme d’État, Mort pour la France le 7 juillet 1944. »


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