Lobbys à Bruxelles : contre-pouvoir ou pouvoir contre la démocratie ?

Quelle est la place des lobbies dans le fonctionnement de l’Union européenne ?

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Jean-Claude Juncker (Crédits : European Parliament, licence Creative Commons)

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Lobbys à Bruxelles : contre-pouvoir ou pouvoir contre la démocratie ?

Publié le 6 juin 2015
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Par Pauline Minaud.

Jean-Claude Juncker (Crédits : European Parliament, licence Creative Commons)
Jean-Claude Juncker (Crédits : European Parliament, licence Creative Commons)

Alors que le triangle institutionnel européen (Commission, Parlement, Conseil) reste une notion vague pour l’opinion publique, qui de manière générale désigne Bruxelles comme l’unique source de ses maux, les lobbies, eux, votent avec leurs pieds et ont, sans équivoque, désigné le Parlement européen comme l’institution phare sur laquelle concentrer ses forces pour influencer les politiques européennes. La carte ci-dessous illustre d’une part la très forte proximité des lobbys avec ladite institution, et souligne plus généralement la très forte densité des lobbys dans la capitale européenne, faisant ainsi de Bruxelles, la deuxième ville la plus peuplée de lobbyistes au monde après Washington.

Véritable petite armée (constituée selon les estimations entre 20.000 et 30.000 lobbyistes), l’activité de lobbying, bien que mal connue dans l’Union européenne (UE) souffre d’une très  mauvaise réputation auprès de la société civile. Cette dernière n’hésite pas à comparer l’opaque monde du lobbying à un « fléau », souvent « acharné » et  accusé de miner les politiques européennes et plus généralement de menacer la démocratie.

Il apparait dès lors pertinent de s’interroger sur les liens véritables que ces derniers entretiennent avec la démocratie, d’aller au-delà des préjugés qui s’y attachent et de contribuer à la réflexion contemporaine plus largement, autour de la démocratie 2.0, dont les lobbys quoi qu’on en pense, font partie intégrante.

Carte d’identité du lobby européen

Désignés tour à tour comme des groupes d’intérêts, des groupes de pression ou des groupes d’influence, le nom générique de lobby recouvre une très large diversité d’acteurs. Il s’agit  en réalité de toute organisation exerçant des activités de lobbying, autrement dit de toute structure organisée qui intervient dans l’élaboration des réglementations qui touchent ses produits ou ses services afin de limiter leur impact et de les tourner à son avantage. En plus des traditionnels cabinets de lobbying, on  y inclut donc également des multinationales, des ONG ou encore des cabinets d’avocats. Le 27 mai 2015, plus de 7500 entités étaient enregistrées au registre de transparence (mis en place par l’UE en 2005) pour « seulement » 751 eurodéputés, soit 7 lobbyistes pour chaque eurodéputé. Des célèbres lobbys du tabac, aux lobbys financiers, en passant par les lobbys de la protection animale, les lobbys industriels ou encore les lobbys de la viande ou de la chasse, les lobbys ont investis tous les champs politiques.  Les tailles diffèrent, mais de manière générale, l’AFCL (Association Française des Conseils en Lobbying) estime que les lobbys affichent une croissance annuelle moyenne de 4 à 5% de leur chiffre d’affaires et que leurs recettes se situent entre 500.000 et 7 millions d’euros.

La très forte croissance des lobbys bruxellois s’explique par l’important développement des compétences de l’UE au fil des différents traités. Le traité de Lisbonne, entré en vigueur à la fin de l’année 2009 est tout particulièrement représentatif de cette évolution en faveur de plus de pouvoir pour l’UE, et notamment pour son Parlement. En effet, ce traité tout en consacrant la personnalité juridique de l’Union européenne (lui permettant alors de conclure des accords internationaux dans ses domaines de compétences) a accru les pouvoirs législatifs du Parlement, qui se trouve désormais « sur un pied d’égalité avec le Conseil des ministres pour décider des politiques de l’Union européenne et de la façon dont elle utilise son budget ». Dès lors, l’importance du Parlement européen pour les lobbys apparait évidente, puisque c’est par interaction avec les députés que les lobbyistes peuvent faire valoir leurs intérêts.

Garants ou menaces de la démocratie ? Les avis divergent

Loué par certains et décrié par d’autres, le lien entretenu par les lobbys avec la démocratie est non seulement complexe mais bien souvent aussi opaque. En effet, en plus d’organiser à leurs frais tables rondes, conférences et séminaires pour diffuser leurs idées, les lobbyistes, n’hésitent pas non plus à offrir des cocktails, des diners voire des week-ends complets (à Barcelone, par le groupe Suez) aux eurodéputés qu’ils estiment en mesure de promouvoir leurs idées. Pour ce faire, les lobbys disposent de budgets gigantesques, élément criant et décrié de leurs influences. Les budgets des lobbys financiers sont particulièrement impressionnants. Selon un rapport publié en avril 2014 par le think tank Corporate Europe Observatory, plus de 120 millions d’euros sont dépensés chaque année par les lobbyistes de la finance. Ces dépenses ont en outre été fortement augmentées par les grandes banques européennes et américaines suite au durcissement des règles européennes en matière de transparence. La Deutsche Bank a doublé ses dépenses de lobbying atteignant près de 4 millions d’euros en 2014, alors que l’américaine Goldman Sachs les a multipliées par 14 pour atteindre 800 000 euros. Ces montants sont d’autant plus frappants, qu’ils sont bien supérieurs au budget annuel des ONG, syndicats et associations de consommateurs européens réunis et posent donc une vraie menace à la démocratie, et à l’égalité des moyens d’action et d’influence.

La société civile, par le biais de ses associations et ONG est la première dénonciatrice de ses abus et critique à la fois les achats de députés et les allers-retours entre sphère publique et privée, autrement appelé le phénomène des « portes tournantes ». Dans un rapport de 2015, Transparency International considère en effet qu’aucune des trois institutions européennes « ne dispose d’un cadre satisfaisant de traçabilité des décisions publiques et d’encadrement du lobbying ». C’est la cause principale des conflits d’intérêts qui ternissent régulièrement l’UE, tel celui d’octobre 2012 qui entraina la démission du commissaire à la santé John Dalli, soupçonné d’avoir reçu des pots de vin d’une compagnie suédoise, ou encore le recrutement de l’ancienne eurodéputée britannique Sharon Bowles, très active sur les questions financières, par le London Stock Exchange (LSE) à son conseil d’administration. Les critiques néanmoins ne viennent pas seulement de la société civile puisqu’en 2014, la Suède en tant qu’État-membre avait attaqué la Commission qu’elle jugeait soumise aux lobbys des chimistes.

Pour autant, les lobbys profitent également de critiques positives et notamment par la voix de Sylvie Goulard, eurodéputé ADLE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) qui estime positif le fait que la vie politique ne soit pas « confisqué » par les fonctionnaires. De même, l’eurodéputé PPE Jean-Paul Gauzés considère les lobbyistes comme « une source d’information importante » face à des sujets nombreux et complexes et à des moyens humains et financiers toujours plus ténus pour les députés. Dès lors, bien sûr les lobbyistes « défendent leurs propres intérêts », mais estime M. Gauzés, « c’est à nous, députés, de faire la part des choses de recouper nos informations…». Dans le même esprit, Gilles Teisseyre, président d’Arcturus Group (Hermès, l’Institut Curie, Air liquide) considère que le lobbyiste « est là pour ramener sur terre, dire ’voilà ça a un impact économique important, il faut en tenir compte’ ».

Un encadrement nécessaire et multiforme

Dès lors, et quel que soit le jugement porté à l’égard des activités de lobbying à Bruxelles, il apparait nécessaire d’encadrer la pratique au vu de leur nombre et de leurs moyens d’influence. Ce contrôle de la transparence est développé à la fois par les institutions européennes elles-mêmes mais également par la société civile.

L’UE s’est dotée dès 2005 d’un registre de transparence auquel doivent s’inscrire (de manière obligatoire depuis le 1er décembre 2014) tous les représentants d’intérêts exerçant des activités de lobbying. Ce souci de transparence est une des priorités de la Commission Juncker qui a demandé à tous les officiels de l’exécutif européen (commissaires, membres de cabinets et directeurs généraux) de rendre publics leurs contacts avec les lobbys. Au Parlement, un groupe de travail s’est récemment créé pour y lutter contre l’ingérence de l’industrie du tabac.

Là encore la société civile n’est pas en reste quant au contrôle des activités de lobbying. Trois associations (Corporate Europe Observatory, LobbyControl and Friends of the Earth Europe) ont développé leur propre interface « lobbyfacts.eu » pour accroitre la transparence sur ces pratiques. C’est également le but affiché de l’ONG Finance Watch, qui depuis 2011 regroupe près de 30 associations dont Oxfam : son l’objectif est de «  développer une contre- expertise sur la réglementation et les marchés financiers, afin de contrer le travail de lobbying du secteur ».

Aimés ou décriés, les lobbys, ont dans tous les cas une place majeure dans la vie politique européenne.

Sur le web

 

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  • Il me paraitrait déontologiquement fondé de préciser dans l’article que des ONG (ou groupes d’influence) s’étant arrogé ce rôle de contrôle (Transparency & Co) ne sont eux-mêmes que groupes représentatifs d’idéologie(s) … tentant de nous convaincre quant à leur strict respect de la démocratie ! Non ?

    A d’autres lecteurs et observateurs futés de nous en préciser l’exacte teneur…

    • Transparency International est d’abord international! J’ai souvent trouvé que ce caractère international apportait, dans l’expertise, une variété de points de vue garante d’un peu plus d’objectivité. Or chaque national qui y travaille tente à chercher des failles dans tout système qui peut connaitre des « conflits d’intérêts » supposés (même si il n’y a rien eu de répréhensible). Le financement se fait sur base volontaire de la part des organisations publiques ou des entreprises privées qui paient donc pour qu’on recherche, tant chez les autres que chez elles-mêmes des risques de décisions intéressées personnellement, aux dépens de la mission avouée de ces systèmes: ce n’est pas masochiste mais une envie de « bien faire » qui puisse donc être reconnue par un observateur externe. L’idéologie (« anti-pourris ») a donc pour effet de chercher à rendre la « vie » plus transparente et « vertueuse », ce qui est bien un gage de bon fonctionnement de toute organisation ou entreprise, en plus de l’aura bénéfique pour l’image de marque. C’est donc bien la place de Transparency de surveiller le lobbying pour combattre non seulement les faits de corruption mais aussi organiser le respect de l’éthique nécessaire pour éviter la « tentation ».

      Maintenant, je dis souvent que le langage universel n’est ni l’Anglais, ni l’Espéranto mais bien la corruption qu’on retrouve sur tous les continents.

  • Quand on parle de lobbys, bcp de gens pensent aux multinationales mais il ne faut pas oublié que c’est bcp plus large (comme le rappelle l’article). Il y a aussi bcp d’ONG qui font du lobbying. Je pense que la très grande majorité des gens sous estiment la puissance du lobbying des ONG qui est extrêment puissant. Je remarque que les gens qui critiquent le lobbying critiquent seulement le lobbying des multinationales mais ils sont très silencieux sur le lobbying des ONG. Il faut être cohérent soit on s’oppose au lobbying et des ONG et à celui des multinationales soit on accepte le lobbying et des ONG et des multinationales.
    D’ailleurs, il faut préciser que bcp d’ONG servent les intérêts d’états ou de multinationales qui les financent.
    C’est notamment le cas d’ONG comme Greenpeace et de……Transparency International (qui est soupconné d’être lié au gouvernement américain et à certaines multinationales:http://fr.wikipedia.org/wiki/Transparency_International ).
    Quand une ONG n’a pas des liens avec des multinationales ou des états, elle est souvent au service d’une idéologie (souvent de gauche ou d’extrême gauche) qu’elle veut imposer au reste du monde. Il arrive souvent qu’une ONG nuit à la cause qu’elle défends à cause de son idéologie, à cause du fait qu’elle n’arrive pas à se détacher de ses dogmes idéologiques. voilà un exemple. http://www.slate.fr/story/98577/congo-minerais-loi-Dodd-Frank

  • je me méfie des ong comme oxfam dont la branche française est une émanation d’ATTAC (je me méfie particulièrement des ong de défense de droits de l’homme, antiraciste, défense de l’environnement,…) soit elles sont controlé par la gauche ou l’extrême gauche et servent leurs intérêts soit elles servent l’intérêts d’états ou de multinationales. les quatre ong internationales dont je me méfie le plus: greenpace, oxfam, amnesty international, human rights watch). le problème de certaines ONG, en plus du fait que elles obéissent à des intérêts particuliers, c’est qu’une bonne partie d’ONG sous couvert d’action humanitaire, de faire le bien, ect servent une idéologie. par exemple, oxfam sert l’idéologie socialiste. il n’est pas rare que les ONG empirent la situation des personnes qu’elles veulent aider souvent à cause du fait qu’elles sont totalement biaisées par leur idéologie.

    • C’est le propre d’une idéologie de tout voir à travers un prisme qui « filtre l’image » qu’on en VOIT (perception), pour n’en retenir que les couleurs filtrées qui détermineront ce qu’on en pense déjà avant d’avoir regardé: ça permet d’utiliser tous les « prétextes » pour conforter nos convictions et donc nous rassurer fallacieusement sur notre idéologie personnelle que, le plus souvent, nous n’avons pas créée à partir de TOUTES nos expériences, mais reçue comme « un message cohérent de vérité » qui nous convenait.

      Avantage supplémentaire: cela nous rassure sur notre cohérence mentale (la peur de la « folie » est quasi aussi importante que la peur de la mort).

      Ensuite, donnez un pouvoir à quelqu’un: il aura souvent la tentation d’en abuser si pas à son profit (quoique!) en tout cas, à ses idées … conformes à l’idéologie de son organisation!

      C’est donc bien ainsi que se forment les courants de pensée qui finissent toutes par avoir un nom, leurs scribes (auto)chargés d’en décrire les lignes, puis plus tard, un historique flatteur.

      La réalité du monde est différente: elle n’est qu’une accumulation d’événements qui ne vont pas, loin s’en faut, tous dans le même sens! On a, dès lors, toutes les occasions pour douter de nos idées que l’on croyait établies, une fois pour toutes et c’est cette attitude de doute permanent qui permet de ne pas « se faire avoir » par nos idées « toutes faites ». Une vérité est qu’ « il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis »!

  • « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. Car, aujourd’hui comme autrefois, chacun, un peu plus, un peu moins, voudrait bien profiter du travail d’autrui. Ce sentiment, on n’ose l’afficher, on se le dissimule à soi-même ; et alors que fait-on ? On imagine un intermédiaire, on s’adresse à l’État, et chaque classe tour à tour vient lui dire: « Vous qui pouvez prendre loyalement, honnêtement, prenez au public, et nous partagerons. » » Bastiat
    Voilà ce que c’est le lobbying. Des groupes d’intérêts qui obtiennent des privilèges ou des subsides de l’état (ou de l’UE structure superétatique). Quand ce n’est pas un groupe d’intérêt qui impose sa vision, son idéologie au reste du monde par l’état. Cela m’étonnera tjs ce préjugé qu’ont les gens de croire que la déréglementation avantage les multinationales. Alors que les multinationales utilisent l’état à leur avantage (capitalisme de connivence). Ils font du lobbying pour obtenir des réglementations qui les avantagent (en général, en les avantagent par rapport à leurs concurrents) ou pour obtenir des subsides de l’état. Des études ont montré que la réglementation avantageait les grandes entreprises par rapport aux PME. Elles ont montré qu’une réglementation coûtait bcp plus cher à une PME qu’à une multinationale. Le probleme de l’état est que contrairement à ce que croit tous les socialistes (de gauche et droite), ce n’est pas quelque chose de bien mais c’est un instrument aux mains de l’élite au pouvoir qui s’en sert souvent pour ces propres intérets, pour aider ces copains. l’état francais aide les grandes entreprises à créer le monopole. Aujourd’hui, en france, la surtaxation et la surréglementation détruisent les pme et l’entreprenariat. Il faut supprimer toutes les niches fiscales ( qui permettent aux grands groupes de payer moins d’impots), il faut arreter la surréglementation ( qui ne sert l’intéret que des grands groupes (qui font du lobbying pour avoir de la réglementation à leur avantage) et qui peuvent se payer des avocats pour détourner les règles à leurs avantages. plus la justice est complexe plus cela avantage les riches.

  • Je prends un exemple, pour les lobbies industriels, 1 migrant = un consommateur. Vous devinez, ils se foutent de la dette et du chômage des pays européens.

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