Uber en danger en France ? Pas vraiment

Contrairement à ce que disent certains médias, le conseil constitutionnel n’a pas désavoué Uber. Explication.

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Uber en danger en France ? Pas vraiment

Publié le 5 juin 2015
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Contrairement aux apparences et surtout à l’actuelle couverture médiatique, Uber, la société américaine de véhicules de tourisme avec chauffeur, n’est pas en train de perdre du terrain en France. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur trois points litigieux contestés par Uber et a rendu une décision pour le moins équilibrée. Comme partout ailleurs dans le monde, Uber se conforme peu à peu aux règles nationales et assoie son activité.

Par Alice Perrin.

Uber credits joakim formo (CC BY-NC-SA 2.0)

« Le Conseil constitutionnel recadre Uber », a titré Le Monde le 23 mai. « Uber, le Conseil constitutionnel interdit la maraude », signe Le Figaro. « Uber interdit de géolocalisation de ses véhicules avant réservation », estime France TV Info. Ou encore, dans un style un peu différent : « Uber, Airbnb, Blablacar… l’invasion des barbares ». Ça c’est dans l’Express.

À en croire la presse française, Uber filerait un mauvais coton. Rattrapée par la patrouille législative, la société américaine de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) serait en train de payer ses mauvaises pratiques anticoncurrentielles et les autorités auraient sifflé la fin de la récréation.

En effet, rares sont les articles à proposer une présentation, non pas plus mesurée, mais tout simplement plus honnête et équilibrée des faits. C’est notamment le cas du Nouvel Obs, qui titre « VTC : le Conseil constitutionnel donne partiellement raison à Uber ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Des trois décisions rendues le 22 mai par les Sages de la rue de Montpensier, aucune des parties n’a obtenu un avantage irrémédiable sur l’autre et les deux ont obtenu gain de cause sur certains aspects.

Sur le sujet de la tarification, c’est Uber qui sort renforcé de l’examen de ses questions prioritaires de constitutionnalité. En effet, l’entreprise américaine, ainsi que toutes les autres sociétés de VTC, aura le droit de recourir au tarif « horokilométrique », c’est-à-dire un prix en fonction du temps de trajet et de la distance parcourue, au même titre que les taxis. Jusqu’à présent, Uber devait informer ses clients du prix de la course au moment de la réservation. Au nom de la liberté d’entreprendre, le Conseil constitutionnel a donc invalidé la loi Thévenoud, et conforté le « business model » d’Uber.

En ce qui concerne le principe dit du retour au garage, la décision de la plus haute autorité juridique française est, elle, équilibrée. Uber contestait l’obligation du retour au point d’origine pour ses véhicules après une course. La disposition a été confirmée. Mais elle concerne désormais les compagnies de taxis opérant en dehors de Paris intramuros. Il ne s’agit donc pas d’une sanction à l’encontre d’Uber et des VTC en général, mais plutôt d’une mise à l’équilibre avec les taxis.

Enfin, pour ce qui est de la géolocalisation, l’avantage a été donné ici aux sociétés de taxis. Le Conseil constitutionnel a en effet estimé que de pouvoir localiser les voitures disponibles avant d’effectuer une réservation pouvait s’apparenter à de la maraude. Or cette dernière reste l’apanage des compagnies de taxis. Les usagers d’Uber ne pourront plus avoir que le temps d’attente avant l’arrivée de leur véhicule et pourront visualiser sur leurs smartphones l’emplacement des voitures, mais sans distinction de disponibilité. Un dernier point que continue d’ailleurs de contester Uber devant la Cour d’Appel de Paris, qui n’a pas encore rendu son jugement.

D’une manière générale, l’entreprise de VTC n’a pas épuisé tous les recours juridiques à sa disposition, tout comme son activité n’est pas réellement entravée par la décision des pouvoirs publics, mais plus simplement encadrée. Ainsi, Uber a déposé une plainte contre la France devant la Commission européenne. L’institution européenne a d’ailleurs donné à la société américaine un premier signal positif en envoyant à Paris une lettre préalable qui pourrait donner lieu à une procédure d’infraction au droit européen.

Donc, non, Uber n’est pas en danger en France et les décisions du Conseil constitutionnel ne viennent pas mettre à mal son implantation par ailleurs fulgurante sur le territoire. Les Sages ont limité une partie de son activité, mais ont également invalidé une partie d’un texte de loi contrevenant à la liberté d’entreprendre. Uber est en voie de normalisation.

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  • Une solution pour les artisans taxis , devenir chauffeur uber. Ils font leur maraude comme d’habitude et dès qu’ils ont une demande uber, ils éteignent leur taximètre et passent en mode chauffeur privé. Si un particulier peut devenir un chauffeur uber, pourquoi pas un taxi propriétaire de sa voiture.

    • Ce que leurs employeurs leur interdirait très probablement! Les chauffeurs de taxi auraient autant intérêt à se mettre tout de suite à leur compte…

      • L’employeur de l’artisan?

      • artisan taxi, donc déjà à son compte. Pour les G7 et autres, je ne me fais pas de soucis pour eux.

        • Ce qui peut être très intéressant, c’est en province et dans les campagnes: là où il n’y a pas de taxi mais où on use et abuse des VSL! (Il y a des fortunes à récupérer pour la sécu, si elle voulait se donner la peine)

          • Il n’y a pas taxi en « province » (concept parisien)? Il faut sortir de temps en temps! Et puis je vois mal comment vous allez prendre un VSL pour aller à la gare ou ailleurs…A moins d’avoir un médecin qui vous fasse une prescription pour prendre un train…

    • Les boers vont apprécier, lol.

    • « Ils font leur maraude comme d’habitude et dès qu’ils ont une demande uber, ils éteignent leur taximètre et passent en mode chauffeur privé. »
      Impossible ! les réglementations taxi sont trop strictes pour pouvoir faire cela. Pourtant cette solution serait évidemment très intéressante pour les actuels taxis.

    • L’artisan taxi a payé (cher) le droit de l’être. Il doit bosser pour payer cet achat de licence.

      L’artisan Uber a payé de son temps (rien du tout) pour faire formalités pour être agréé Uber. Uber prend une part (significative) du prix de la course en échange du service de mise en relation sans ticket d’entrée.

      Je ne suis pas sûr de l’intérêt de passer du statu endetté mais je garde le prix de la course à toujours endetté mais en plus Uber garde une part du prix de la course.

      • L’intérêt est de bosser, plus le taxi bosse plus il rembourse son crédit (évite la faillite), plus il gère son business.

      • « Il doit bosser pour payer cet achat de licence. »

        Il-y-a une façon de contrer cela assez simple, ça s’appelle l’intégrité (et donc, le refus de toute compromission…)

  • Un lien vers la décision du CC serait appréciable.

  • je fais une analyse encore bien plus favorable à UBER :
    le CC se fout carrément de la gueule du gouvernement (et des taxis …) en
    a) validant les interdictions au motif qu’elles SONT ET QU’ELLES DOIVENT RESTER SANS EFFET RÉEL : En effet il indique lui même des manière ridiculement facile de contourner l’interdit , indiquant par là qu’il ne saurait être question de les appliquer de façon plus dure pour leur donner un peu inefficacité, privant le gouvernement de tous moyens pratique d’appliquer cette loi stupide.

    « l’interdiction énoncée […] est cependant limitée ; qu’en effet, d’une part, ces dispositions n’interdisent pas aux personnes entrant dans leur champ d’application d’informer le client à la fois de la localisation et de la disponibilité d’un véhicule lorsque celui-ci ne se trouve pas sur une voie ouverte à la circulation publique ; qu’elles ne leur interdisent pas, d’autre part, d’informer le client soit de la seule localisation soit de la seule disponibilité d’un véhicule lorsqu’il se trouve sur une voie ouverte à la circulation publique ; qu’enfin, elles n’apportent aucune restriction à la possibilité […] d’informer le client du temps d’attente susceptible de séparer la réservation préalable de l’arrivée d’un véhicule »

    « que, par ailleurs, l’obligation [de retourner au lieu d’établissement de l’exploitant de cette voiture ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé] ne s’applique, d’une part, que si le conducteur ne peut justifier d’une réservation préalable, quel que soit le moment où elle est intervenue, ou d’un contrat avec le client final et, d’autre part, que s’il se trouve dans l’exercice de ses missions  »

    b) indiquant clairement que toute restriction ayant un temps soit peu d’effet sera impitoyablement censurée comme le mort-né article L3122-2, car le seule fondement admissible d’un interdit est la police de la voirie et du stationnement, pas la survie économique des taxis…

  • @Frederic 76 très belle solution. +100

  • « Uber, la société américaine de véhicules de tourisme avec chauffeur »
    « les autres sociétés de VTC »
    « l’entreprise de VTC »
    C’est dommage d’être aussi approximatif sur contrepoints. Ces entreprises n’embauchent aucun chauffeur, elles sont des entreprises numériques produisant des applications de mise en relation de professionnels avec des clients.

  • Mon avis est que les règles du jeu doivent être les mêmes pour tout le monde. Or ce n’est pas le cas avec UBER. Sous couvert d’innovation toute relative, il ne faudrait rien dire, ni réfléchir aux enjeux !
    UBER, c’est en fait du travail au noir paré d’un beau costume à paillettes de technologies IT qui fait dire à ses promoteurs que si on est contre UBER on est contre le progrès.
    Mais de deux chose l’une :
    – soit on admet que le travail au noir c’est officiellement acceptable et alors cela le devient pour tout potentiellement …
    – soit on considère qu’un minimum d’équité et de régulation est nécessaire pour que le système économique et social dans lequel nous vivons tienne encore un peu.

    C’est une question de choix finalement.

    Dérégulons tout, ne payons plus d’impôts et taxes, ne cotisons plus à l’assurance chômage ni maladie, mettons du fioul dans nos véhicules (pas du gas oil), ne déclarons plus la TVA, roulons sans assurance à la vitesse que l’on veut, vivons librement enfin donc … chacun pour soi.

    • Je suis en accord avec la première partie de votre message, les règles du jeu n’étant pas les mêmes, il y a un gros déséquilibre qui fait plus de mal à l’économie que de bien.

      Pour votre dernier paragraphe je ne vois pas où serait le problème de tout déréguler.

      « ne payons plus d’impôts et taxes » : vu ce qu’ils en font, pourquoi pas, je l’utiliserais personnellement mieux qu’eux.

      « ne cotisons plus à l’assurance chômage » : c’est déjà le cas forcé de tous les entrepreneurs.

      « …ni maladie » : Ce serait une bonne chose de cotiser où on le souhaite

      « mettons du fioul dans nos véhicules (pas du gas oil) » : Ça me va !

      « ne déclarons plus la TVA » : A quoi elle sert ? Même remarque que pour les impôts et taxes.

      « roulons sans assurance à la vitesse que l’on veut, vivons librement enfin donc » : Là vous délirez. Ce n’est pas ça la liberté, il ne s’agit pas de faire ce que l’on veut égoïstement mais de ne pas réduire la liberté d’autrui par nos actions. La liberté n’est pas l’irrespect de l’autre et je crois qu’on confond beaucoup ces 2 notions, c’est pourquoi le libéralisme n’est pas aimé.

  • Voilà une nouvelle qu’elle est bonne.

  • A mon grand regret, j’ai pris uber pop. Le trajet était estimé à 12 euros. Finalement j’ai payé 26. Le chauffeur, un escroc a passé son temps à tourner dans Paris pour retarder l’arrivée. Une pratique d’un autre âge qui m’a fait arriver en retard.

  • Je pars bientôt à Saint-Malo, et je ne veux pas prendre le train, car c’est trop cher. Mes finances ne le permettent plus. Bla Bla Car est la solution économique pour le covoiturage et je n’aurais qu’à débourser autour de 15 à 20 €.

    Je ne pars pas seule. Au contraire, un de mes amis m’accompagne car on s’est inscrit pour participer au Tro Breizh, un pélerinage breton.

    La SNCF avec les billets de trains aller-retour, il faut compter plus de 150 € (75 € X 2) avec les bagages (toiles de tentes, duvets, affaires de rechange + provisions)…

    Je suis favorable à cette multiplication des VTC et à cette libre concurrence. L’Etat ne peut pas interdire une application VTC car elle a été créée non pas par un groupe américano-israélien mais existe grâce aux fournisseurs d’accès internet qui aident les particuliers démunis à se déplacer.

    On a besoin de se déplacer. Un taxi coûtera cher (autour de 10 à 20 €) surtout pour les trajets effectués. Imaginons un chômeur qui a un rendez-vous à honorer à 5 kilomètres de chez lui et ne peut le faire à pied, car il doit être ponctuel. S’il n’a pas de voiture, il ne peut pas se rendre au rendez-vous avec le DRH de l’entreprise. A moins d’y aller en vélo… Donc, il devra faire appel à Uber Pop pour se déplacer aller-retour avec peut-être un tarif moindre… Un taxi demandera plus.

    C’est pour cela que les taxis n’acceptent pas la concurrence.

    • « cette libre concurrence »
      C’est là où nous ne sommes pas d’accord, la concurrence sera libre quand tous les acteurs seront libres. Malheureusement les taxis (enfin les plus mauvais, ceux qu’on médiatisent) ne veulent pas se libérés alors il faudrait les y forcer mais en employant la concurrence faussée ça ne fonctionnera pas !

      « S’il n’a pas de voiture »
      Bus, métro, amis, vrai covoiturage, papa-maman, petit(e)-cop(a)in(e), vélo, ses pieds, etc …
      UberPop lui coûtera environ 8€, autant prendre un ticket de métro ou bus. La cible d’UberPop n’est certainement le chômeur.

  • Le français moyen est tout de même un rigolo : il veut très souvent être fonctionnaire, avoir un statut le maintenant à vie dans son boulot avec Rtt, congés maladie, droit de grève, droit de buller en toute impunité, faire des razzias d’indemnités aux Prud’hommes, etc…mais quand il s’agit des autres, comme les taxis, ils peuvent crever sans sourciller, bref n’importe quoi pourvu que ses propres intérêts, souvent hypertrophiés, ne soient pas concernés…

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