Lutte contre l’État islamique : les États-Unis et leurs alliés arabes

Comme leurs nombreux échecs en Syrie le montrent, des États comme l’Arabie saoudite et le Qatar sont des alliés peu fiables pour les États-Unis.

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Lutte contre l’État islamique : les États-Unis et leurs alliés arabes

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 27 mai 2015
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Par Emma Ashford.
Un article de Libre Afrique

arabie saoudite credits tribes of the world (licence creative commons)
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Les responsables américains continuent à croire que leurs alliés au Moyen-Orient sont précieux dans la lutte contre l’État islamique et pour d’autres conflits du Moyen-Orient. Mais le sont-ils vraiment ? À en juger par le chaos créé en Syrie par leur aide, d’évidence, les États-Unis seraient mieux sans eux.

Les interventions hasardeuses et de grande envergure de certains États du Golfe persique, notamment l’Arabie saoudite et le Qatar, dans la guerre civile syrienne, ont été portées par leur désir de chasser le président Bachar Al-Assad du pouvoir. Pourtant, ces États autoritaires ne disposaient pas des outils de politique étrangère, militaires ou de renseignement nécessaires pour entreprendre cette stratégie ambitieuse. Leur implication en Syrie au cours des dernières années a fragmenté l’opposition syrienne, promu le sectarisme et mis de l’argent et des armes entre les mains des combattants extrémistes, créant un terrain fertile à la croissance de l’État islamique.

Le minuscule Qatar, par exemple, dépourvu de toute connaissance de terrain sur la Syrie, s’est tourné vers des expatriés syriens à Doha pour les besoins de combattants et d’organisation. Il a ensuite financé de nombreuses petites brigades, chacune dirigée par un commandant différent parmi ces expatriés. Ce système n’a pas permis aux groupes rebelles de travailler ensemble pour renverser Bachar Al-Assad. Au lieu de cela, il les a encouragés à rivaliser les uns contre les autres pour l’argent. L’Arabie Saoudite a initialement canalisé son soutien financier vers l’Armée syrienne libre modérée (FSA). Frustré que Assad n’ait pas été renversé rapidement, elle a alors redirigé son financement vers des groupes islamistes. Même si les islamistes et la FSA ont commencé à se battre entre eux, les Saoudiens ont continué à donner de l’argent aux deux protagonistes. En outre, les livraisons d’armes aux groupes modérés ont été lentes à arriver. Cela les a contraint à rechercher un financement privé auprès des riches citoyens des États du Golfe persique, qui avaient tendance à soutenir des causes sectaires. Les dons affluaient principalement au profit des islamistes, ce qui a encouragé les groupes les moins radicaux à se faire passer pour des islamistes.

Les alliés du Moyen-Orient de l’Amérique se sont également avérés réticents, et plus tard incapables, à empêcher le financement privé des extrémistes par leurs citoyens. Les dirigeants dans de nombreux États du Golfe ont fermé les yeux sur le fait que l’argent collecté par les salafistes, au nom de l’aide «humanitaire» en Syrie, était en réalité destiné à des fins militaires. Ce n’est qu’en 2013 que l’Arabie Saoudite a interdit à ses citoyens de financer directement les groupes rebelles. Une interdiction qui a eu peu d’effet. Pire, souvent ces gouvernements ne pouvaient pas maintenir le contrôle sur leurs approvisionnements envoyés en Syrie, ce qui signifie que des armes et des liquidités ont pu parvenir aux radicaux.

Le Qatar en particulier a été incapable de sélectionner les bénéficiaires de son aide. Pire, avec leur zèle à faire tomber le gouvernement Assad, les responsables qataris ont même préconisé le financement du groupe Al Nusra, en dépit des liens étroits de ce groupe avec Al-Qaïda.

De nombreux facteurs ont, bien sûr, contribué à la catastrophe syrienne et à la montée de l’État islamique. Pourtant, il est difficile de contester que l’incompétente des États comme l’Arabie saoudite et le Qatar a rendu le conflit plus compliqué. En tant que vice-président, Joe Biden a noté, dans une remarque « en off », « Nos alliés dans la région ont été notre plus gros problème …. Les personnes qu’ils ont soutenues étaient Al Nusra et Al-Qaïda ». La Maison Blanche a fait en sorte que Biden présente des excuses à plusieurs dirigeants du Moyen-Orient pour avoir dit simplement la vérité. Les déclarations officielles de la Maison Blanche, en revanche, font publiquement l’éloge de ces alliés pour leur aide.

Ainsi, le Secrétaire d’État John F. Kerry a affirmé en septembre que « les nations arabes jouent un rôle essentiel dans la coalition ». Il y a deux semaines, le Secrétaire à la Défense, Ashton Carter, interrogé sur le financement du Qatar pour les extrémistes par le Comité des services armés de la Chambre des représentants a répondu que « nous ne soutenons pas ou ne pensons pas comme étant constructives toutes les choses que font nos partenaires », mais il a poursuivi, « nous pouvons continuer à travailler avec eux dans des domaines nous ne sommes pas en désaccord ». Son message était clair : Les États-Unis ne défieront pas leurs alliés du Moyen-Orient, même si ces derniers sapent délibérément les intérêts américains.

Pourtant, comme leurs nombreux échecs en Syrie le montrent, des États comme l’Arabie saoudite et le Qatar sont des alliés peu fiables et des plus capricieux. Nous ne pouvons pas compter sur eux pour défendre les intérêts des États-Unis. En effet, leurs préoccupations se heurtent souvent à nos intérêts de politique étrangère. À mesure que des conflits régionaux dégénèrent, y compris la guerre au Yémen, ce sont des leçons à méditer pour les États-Unis.

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  • je ne vois pas ce qu’il peut y avoir de fiable dans quelqu’un pense qu’il faille « baiser la main qu’on ne peut mordre ».

  • « Pourtant, comme leurs nombreux échecs en Syrie le montrent, des États comme l’Arabie saoudite et le Qatar sont des alliés peu fiables et des plus capricieux. »

    Ils sont en grande partie capricieux car leurs extrêmes droites locales que ces régimes ont du mal à garder sous contrôle défendent la thèse qu’ils en font déjà trop pour les USA et qu’ils devraient suivre leur propre voie.

    La plupart de ces pays ont choisi la voie de la réforme, Dubaï doit être le plus avancé et l’AS le plus en retard dans ce processus. Toutefois ces régimes ont l’avantage d’être stables et notre histoire avec eux fait que la partie progressiste de la population n’a pas de ressentiment contre nous. En les lâchant on risquerait d’augmenter l’influence des islamistes dans ces pays et de voir encore plus reculer leurs chances de se réformer petit à petit. Si l’un d’eux sombre dans le chaos cela nous apportera un bien plus gros fardeau dans la lutte antiterroriste qu’un soutient à quelques extrémises en Syrie.

    Pour ce qui est du régime d’al-Assad, Obama a clairement été réticent et a préféré le statu quo, ne voulant pas avoir la responsabilité de ce qui se passerait après une intervention. Nous avons le statu quo et il n’est pas responsable de la situation, de son point de vue c’est un succès total.

    • Parler d’extrême droite locale est ridicule. Dans ces pays, la notion droite/ gauche n’a aucun sens. Les plupart des islamistes ont une vision internationalistes et s’opposent aux nationalismes. En Europe, les islamistes sont les alliés de la gauche.
      J’ai du mal à voir en quoi les pays du golfe se réforment. Dans ces pays, il n’y a que des islamistes. Il y a des extrémistes et des moins extrémistes. Je vous trouve bien optimiste

      • « Dans ces pays, la notion droite/ gauche n’a aucun sens. »

        Bien-sure que si, elle a du sens partout, tout les pays n’ont juste pas un spectre politique divisé selon le même schéma. Entre les pays proches culturellement ces schéma se ressemblent, mais quand on cherche à analyser ce qui se passe bien plus loin il faut réfléchir un peu plus. Ce n’est pas parce-que l’on ne peut pas copier le schéma socialistes/progressistes/conservateurs/nationalistes que ces pays n’ont pas de droite et de gauche. Remarquer que si vous essayez de plaquer ce schéma sur les différents pays occidentaux vous verrez des partis et personnes très différentes tombent dans les mêmes cases (on pense par exemple aux différences énormes entre Sarkozy et Cameron).

        « Les plupart des islamistes ont une vision internationalistes et s’opposent aux nationalismes »

        Et alors en quoi ça remet en cause ce que je dis ? Le nationalisme peut très bien être de gauche, d’ailleurs il a commencé à gauche en occident. Au moyen-orient les mouvements nationalistes du 20e siècle qui n’étaient pas d’inspiration socialiste étaient des mouvements indépendantistes et monarchistes.

        Quand aux partis d’extrême droite européens auxquels vous faites référence en parlant de nationalisme je vous ferait remarquer qu’il le sont de moins en moins. A part les leaders d’extrême droite de quelques pays d’ex-URSS l’extrême droite européenne commence à s’unifier pour mener à bien le projet eurasiste mené par ce qui est la droite « modéré » en Russie.

        Notons enfin que si l’on peut citer des similitudes entre une partie de l’extrême droite européenne et celle du moyen orient c’est leur paranoïa identitaire, leur haine de la liberté et de l’état de droit ainsi qui leur projet impérialiste. Encore une fois ne mettons pas tout le monde dans le même panier car ce que l’on peut considérer comme l’extrême droite au moyen orient a aussi sa diversité.

        « En Europe, les islamistes sont les alliés de la gauche. »

        En Europe il est extrêmement difficile de dire que l’islamisme se trouve quelque-part politiquement, le fait que les musulmans votent massivement à gauche vient surtout de fait de leur corruptibilité qui est accentué par le fait que les communistes ont tout fait pour qu’il soit presque impossible pour eux de sortir de leur quartier en leur distribuant de l’argent et tuant toute possibilité professionnelle. Cela n’a rien de construit philosophiquement qui permet de dire que l’islamisme est à intellectuellement à gauche, les membres du PCF ont juste fait ce qu’il fallait pour rester au pouvoir.

        « J’ai du mal à voir en quoi les pays du golfe se réforment »

        Ces pays se réforment continuellement depuis un petit moment déjà, comme je l’ai dit avec Dubaï en tête et l’Arabie Saoudite en dernier. Aujourd’hui vous pouvez par exemple boire de l’alcool à Dubaï, ce n’était pas possible il y a pas longtemps. Peut être pouvez vous critiquez le fait que ça ne va pas assez loin car l’on n’a toujours pas le droit de tituber et vomir dans le rue mais il est indéniable que ce pays a évolué. L’Arabie Saoudite à récemment mit en place des élections municipales ou les femmes peuvent voter, ça ne veut pas dire qu’on pourra y boire de l’alcool comme à Dubaï demain mais il y a une évolution et à ma connaissance aucun souverain de ces pays a clairement indiquer qu’il souhaitait reculer.

        « Dans ces pays, il n’y a que des islamistes. Il y a des extrémistes et des moins extrémistes. »

        Vous êtes aussi ridicule qu’un islamiste saoudien qui dirait qu’en Europe il n’y a que des athées transsexuels et alcooliques, dont certains qui le cachent mieux que d’autres.

        « Je vous trouve bien optimiste »

        Ce n’est pas de l’optimisme idiot, ce sont les faits. Les mentalités évoluent dans ces pays, aussi bien chez leurs dirigeants que chez leur population. Les islamistes, comme les membres de l’extrême droite en occident, viennent principalement des prétendues « victimes de la société » de ces pays. C’est aussi ce qui explique qu’il y en a plus en Arabie saoudite qu’a Dubaï, car dans les villages la population y est bien plus pauvre que dans le reste du pays.
        D’un autre coté, si l’on regarde d’où viennent les combattants d’IS actuellement, on s’aperçoit que comme des électeurs du PCF votent maintenant FN d’anciens combattant qui ont auparavant tué pour la mise en place des dictatures socialistes arabes (avec un programme fortement laïcisant) se battent maintenant pour l’état islamique.
        Avant que vous me parliez des riches donateurs privés qui financent le terrorisme, je vous ferait remarquer qu’on a encore une foi la même structure dans notre extrême droite, avec quelques gens fortunés qui financent et dirigent les principaux mouvement dans le but de prendre la place des dirigeants actuels.

  • La lutte contre l’extrémisme n’est pas une question d’argent mais de motivation, l’ASL et l’armée irakienne ont énormément de moyen mais ils ne sont pas prêt a risquer leurs vies dans les combats alors qu’en face cela ne les déranges pas c’est pas plus compliqué que cela…

  • 80 peines de mort exécutées en AS depuis le début de l’année ; et notre Roi s’y est rendu 3 fois dans la même période. Il doit regarder à droite quand on massacre à sa gauche et vice versa !
    Ah que la gauche était belle, quand elle forçait Sarkozy, à recevoir le Dalai-Lama avant d’aller en Chine, quand les intellectuels le forçait à lire un discours sur les droits de l’Homme et à donner des leçons de morales, au Dirigeants, D’Arabie Saoudite, de Chine, de Russie….
    Fini ! la gauche n’a pas à faire de même…

  • En fait on a l’impression que tous les états sunnites avec au premier chef la Turquie, combattent les chiites en irak et en syrie , et l’EI est leur bras armé.

    C’est une vision trop simpliste ?

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