Ce sujet est devenu presque tabou, l’opinion publique se joint à l’unisson aux écologistes ; elle est effrayée par les images du cinéma de fiction ou déroutée par l’ignorance des médias.
Par Valérie d’Emploi 2017.

Que savons-nous véritablement de cette pratique industrielle qui a connu un fort succès en Amérique ? Nous allons essayer de présenter en quelques paragraphes des données essentielles montrant qu’il s’agit d’une haute technologie à fort savoir-faire, nécessitant un nombre de forages beaucoup plus considérable que l’exploitation de poches de pétrole ou de gaz classiques, et que le succès américain a été possible parce que ce sont une multitude de petites entreprises très spécialisées qui coopèrent et parviennent à des prix par forage beaucoup plus faibles que celui des grandes firmes pétrolières.
Les hydrocarbures se forment dans une roche sédimentaire, qu’on appelle roche mère, à partir de la transformation de sédiments marins : animaux, végétaux, algues. Sous l’effet des mouvements tectoniques, ces dépôts s’enfoncent, d’où une augmentation de leur température et des réactions chimiques entraînant la création d’hydrocarbures. Comme leur densité est inférieure à celle de l’eau, ces hydrocarbures, liquide ou gaz, migrent vers le haut et s’évaporent s’ils arrivent en surface ou, s’ils sont arrêtés par une couche imperméable comme de l’argile, s’accumulent en poches qui forment les gisements de gaz ou de pétrole qui ont été jusqu’à présent exploités par les grands pétroliers.
Le gaz de schiste (shale gas en anglais) est le gaz (souvent accompagné d’huiles liquides) resté dans la roche mère.
Il est de ce fait beaucoup plus dispersé que le gaz ou l’huile rassemblés dans les poches, et son extraction demande un véritable ratissage de la roche mère se faisant à partir d’un très grand nombre de forages disposés en éventail à partir d’un site d’exploitation relativement petit (environ 100 mètres sur 100) mais se déviant à l’horizontale lorsque le forage atteint la roche mère et partant à l’horizontale à des distances qui peuvent atteindre 8 kilomètres (un forage creusé depuis la Défense arrivant sous le Louvre).
En outre, le long de la partie horizontale dans la roche mère, dans l’acier du tube et à intervalles réguliers (s’exprimant en décimètres) on pratique des trous à l’aide d’explosifs suivant la technique des charges creuses. Et par ces trous, on fait pénétrer de l’eau sous pression dans la roche mère, pour la fissurer et atteindre les minuscules poches de gaz ou d’huile.
L’eau est chargée d’additifs, du sable pour garder la fissure ouverte, des gélifiants tels que la gomme agar (comme pour la fabrication des glaces à consommer) pour garder le sable en suspension, et des additifs qui abaissent notamment la tension superficielle de l’eau pour permettre au gaz de s’échapper plus facilement (le même que dans les médicaments soulageant les intestins des hommes de leurs gaz). C’est dire que ces additifs ne sont pas toxiques.
La pression est fournie par des pompes Moineau, une invention française, et une grande partie des tubes et des additifs sont produits par des firmes françaises.
Une partie de l’eau injectée revient par le même chemin que les boues qui servent au forage, c’est-à-dire entre un tubage extérieur au diamètre extérieur de la fraise de forage, et un tube intérieur où se situe le tube qui entraîne la fraise et où les boues sont injectées. Parfois le moteur qui entraîne la fraise est un moteur hydraulique entraîné par les boues.
Rôle crucial du savoir-faire
On voit qu’il s’agit d’une technique complexe où doivent coopérer de multiples métiers :
- Le géologue qui doit être capable de guider le forage vers la couche mère, analyser ce qui en sort pour identifier les zones les plus riches en hydrocarbures occlus, déterminer le meilleur espacement entre les trous faits à l’explosif dans le tube pour injection de l’eau ;
- Les chimistes qui doivent ajuster les additifs en fonction du type de roche ;
- Les équipes opérationnelles car ces puits, descendant généralement à des profondeurs de 3.000 à 10.000 mètres et partant donc à l’horizontale jusqu’à 8 kilomètres, sont faits en vissant bout à bout des tubes d’une vingtaine de mètres avec l’obligation fréquente de remonter tout le train de tiges, pour changer la fraise ;
- Les spécialistes de la fabrication de l’anneau de ciment qui se construit autour du puits et s’assurent de la qualité du ciment, de la bonne étanchéité de façon à s’assurer que le gaz remonte par le forage et est entièrement capté à la sortie ;
- Sans compter ceux qui doivent s’occuper des pompes, des réservoirs de boue ou de retraitement;
- Sans parler de la vingtaine de personnes qui sur le derrick montent et descendent les tubes (et doivent apprécier quand une fraise est usée et doit être remontée).
Conditions du succès
Le triomphe du gaz de schiste aux États-Unis est dû au développement de toute une myriade de petits producteurs, contractants, chercheurs améliorant les techniques d’exploitation et la sécurité. Bien que le fracking et le perçage horizontal aient commencé vers 1945, c’est par l’acquisition d’expérience que cette chaîne de petites entreprises est parvenue à faire des forages massifs avec un coût suffisamment bas pour rendre rentable la récupération de ces petites bulles de gaz dispersées dans la roche mère.
Dans l’exploitation classique des pétroliers, un seul puits permet de savoir qu’on a touché une poche de gaz ou d’huile, et un très petit nombre suffit à l’extraction.
Dans l’extraction du gaz de schiste de la roche mère, il faut forer beaucoup et souvent, puisqu’un forage ne permet pas de récupérer de grosses quantités de gaz et c’est un nombre beaucoup plus élevé de puits qui sont nécessaires avant même de savoir si leur multiplication sera rentable.
Dans le cas polonais, les compagnies dans l’ensemble n’ont foré que 66 puits d’exploration, ce qui était visiblement insuffisant. C’étaient de grands pétroliers qui étaient impliqués, dont le coût par puits est trop élevé ; on cite des coûts de l’ordre de 25 millions de dollars par puits contre 5 millions obtenus aux USA par cette coalition de petites entreprises expertes.
Les risques de contamination des nappes phréatiques, popularisés par le film Gasland où, d’après les experts, le gaz ne provient pas d’un puits de fracking mais d’une nappe d’eau contenant déjà naturellement du méthane, ont été très largement exagérés. Nous y reviendrons.
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J’étais tombé sur la vidéo du réalisateur de gasland qui avouait que le fameux robinet qui s’enflamme était en fait causé par du méthane de tourbière et pas par le gaz de schiste mais je ne la retrouve pas, quelqu’un l’a ?
Pendent qu’on discute sur l’écologie et la pollution, on s’aperçoit que le côté technologique, industriel et économique du problème est en fait crucial.
Moralité : quand on se décidera à peut-être commencer à envisager la possibilité d’évaluer la faisabilité de tests par des autorisations limitées et contrôlée d’expérience pilotes offrant toutes les garanties en échange de contreparties … seules des sociétés américaines seront en mesure de faire des trous à des prix compétitifs …
bonjour pragmat, le bon sens même : Envisager la faisabilité ,des expériences contrôlées comme vous le préconisez .
il est également largement probable que le coût de tous ces contrôles, précautions et contreparties fasse que ce ne soit pas rentable.
oui, déjà que l’eroei n’est pas bien élevé, bon nombre de nappes ne seront tout simplement pas intéressantes à exploiter.
Oui, vous avez raison, précipitons nous vers cette technologie sans savoir si elle est polluante ou non, dangereuse ou non et évaluons les dégâts ou fois que ça sera fait.
Le bon sens même, comme disent mes voisins du haut.
Si on avait “évalué les dégats” – à supposer que ce soit possible- avant de se lancer dans chaque percée technologique, on serait encore à l’age de pierre. “Tu te rends compte Gruuk? Avec ce “Feu” tu peux détruire toute la foret !! N’y touchons pas, évaluons les dégâts, d’abord”
Ce n’est qu’un triste troll venant du fin fond du temps
Plus la techno est évoluée, plus les degats potentiels sont terribles ; )
Prouvez l’inexistence des vampires.
J’y vois 2 éléments manquants.
Déjà, le sous sol: il n’est pas à la propriété du propriétaire de surface. En cas de problème, il en aura tous les inconvénients, mais aucun avantage en retour. Dans ces conditions, le refus est naturel (aversion à la perte).
De plus, le territoire américain contient de vastes territoires vides; en France, la population est bien plus répartie. Quelles sont les zones à forer, quels sont les impacts potentiels sur les autres activités économique, notamment le tourisme, énorme manne financière pour la france. Il faudrait que les forages soient organisés, voir séquencés, et non anarchiques, pour que ce que l’on gagnerai avec le GdS ne soit pas perdu au déficit du tourisme (par exemple, mais également le vin, cotes du Rhône, ou le Champagne).
peut être bien, mais, pourquoi ne pas regarder ce qu’il y a , et voir si c’est exploitable. à quelle condition etc…
Je viens de trouver ça :
http://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/0204141042210-gaz-de-schiste-les-petroliers-ne-croient-plus-a-la-pologne-1090984.php
Un des expert de Boston Consulting Group a annoncé que la roche du sous sol Polonais ne répondait pas suffisamment à la fracturation hydraulique. Il semble donc que ce ne soit pas un simple coût de production, mais bien plus une limitation technique. Il faudrait une confirmation, vu que l’eroei estimé n’est pas mentionné.
La France à la fois rétrograde et opportuniste. Rétrograde car lorsqu’on évoque le gaz de schiste elle réagit comme au haut moyen-âge avec les sorcières; opportuniste car elle est toute heureuse de la reprise économique et du pétrole à bas coût grâce au….gaz de schiste qu’elle achète dans l’allégresse !
Sauf que la chasse aux sorcières c’est plutôt à la Renaissance (de quoi d’ailleurs, à part le paganisme ?)