L’échec fumant du Compte Personnel de Formation

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L’échec fumant du Compte Personnel de Formation

Publié le 17 avril 2015
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Vous le savez peut-être : depuis fin janvier, les entreprises ont l’obligation de faire parvenir à leurs salariés le nombre d’heures disponibles sur leur Compte Personnel de Formation, afin que ceux-ci, munis de ce nombre magique, de leur numéro de sécurité sociale, d’un brin de courage et de patience et d’une solide dose de calme, frétillant d’aise à l’idée de pouvoir enfin se former, aillent s’inscrire sur le site de Gouvernemaman qui leur expliquera bien tout comment il faut faire. Trois mois se sont écoulés, profitons-en donc pour faire un petit bilan.

Et comme prévu, avec la précision et la régularité qu’on pouvait attendre d’une nouvelle usine à gaz collectiviste, paperassière et administratophile, c’est un échec : selon Jean Wemaëre, le président de la Fédération de la formation professionnelle, ce fameux Compte Personnel de Formation a toutes les difficultés possibles à se mettre en place. Rooh, zut alors.

oh noes

Pourtant, et comme d’habitude pour nos fins politiciens aguerris à ce genre de cascades administratives rebondissantes, ce n’était pas faute d’avoir empilé les chatons mignons, les bonnes intentions et les concepts futuristes technoïdes à pénétration marketing maximale pleins de promesses : le CPF, sur le papier et dans la loi, c’était l’assurance de la « portabilité des droits », de la « sécurisation des parcours professionnels », de la « latéralisation des potentialités salariales », du « renforcement de l’employabilité » ou de la « confrontation constructive avec la réalité ». (Attention ami lecteur, plusieurs concepts bidons se sont introduits dans cette liste. Sauras-tu les retrouver ?)

Mais voilà : plus de trois mois après, sur les 23 millions de bénéficiaires potentiels dont une grosse partie a effectivement bien été obligée de s’inscrire sur le site de Gouvernemaman, … une seule personne a pu bénéficier d’une formation. Oui. Vous avez bien lu. Une seule personne, sur 23.000.000, aura trouvé le moyen, la méthode, la petite combine ou sera parvenue à relever tous les défis que le nouveau parcours personnalisé de formation offre à ceux qui veulent se former en France dans le cadre de ce que propose l’État et ses délicieuses administrations.

rebsamen CPF a qui le tour

On peut le dire, c’est un méga flop sans aucun calcul, un gros bide pour le ventre mou de la République, un four total, une Bérézina, un ratage complet, un Epic Fail livré en conteneurs.

Mais rassurez-vous tout de suite : devant une telle catastrophe, la trajectoire ne sera pas du tout modifiée. Ouf ! Nos administrations, Pôle Emploi et l’AFPA ne seront pas obligés de s’adapter à un changement, ce qui leur évitera un syndrome de stress post-traumatique.

En attendant, la source des petits soucis ayant conduit à ce qu’il convient bien d’appeler un nouveau Waterloo gouvernemental ressemble à s’y méprendre à celle qu’on a pu identifier pour les précédentes catastrophes réformes proposées et mises en places par le même gouvernement (et d’autres avant lui, soyons honnêtes). Eh oui : les mêmes causes débiles provoquant les mêmes effets consternants, il y avait fort à parier qu’en ne changeant rien aux méthodes ridicules de « réformes », on obtienne la même chose que l’un de ces précédents échecs fumants auxquels nos politiciens nous ont déjà habitués.

Il y a bien sûr l’explication toute trouvée de l’informatique, alpha et oméga moderne des merdoiements pratiques pour camoufler l’incompétence des preneurs de décision : si quelque chose ne marche pas, c’est très sûrement et avant tout parce qu’un ordinateur, un programme ou un informaticien ont fait quelque chose de travers quelque part et non parce que le cahier des charges était flou, les responsabilités mal cadrées, les fonctionnalités demandées n’ont pas arrêté d’évoluer ou le périmètre de l’applicatif de changer. Et concrètement, on se retrouve avec près de 25 000 demandes bloquées dans la plateforme en ligne administrée par la Caisse des Dépôts. Comme c’est étonnant !

Au-delà de ce problème informatique, ce sont plus généralement les problèmes habituels de mauvaise communication entre les différents organismes concernés, un grand classique de la gestion de projet interministériels ou gouvernementaux, ainsi qu’une non moins habituelle précipitation gouvernementale qui sont pointés du doigt par Jean Wemaëre :

« Il y a eu un problème de transition. Le gouvernement a voulu aller très vite, mais le site internet n’était pas prêt. La précipitation a créé des ratés. »

Une unique formation dispensée dans le cadre du CPF, sur plusieurs millions d’inscrits, c’est effectivement « un raté », qui montre assez clairement qu’encore une fois, les politiciens ont choisi d’ignorer la réalité et les contraintes du réel, qui imposent parfois de prendre un peu de temps, pour décider, à l’arrache, d’un truc certes plein de bonnes intentions mais mal boutiqué. « L’intendance suivra » ? Apparemment, pas cette fois.

En outre, on ne pourra pas passer sous silence le problème de contenu des formations, majoritairement longues, diplômantes mais universitaires et donc calibrées pour des personnes sans emploi, pas du tout adaptées à la majorité des inscrits, dont l’emploi du temps chargé incite à se diriger vers des formations courtes. Comme c’est bizarre ! On dirait qu’encore une fois le Service Public n’est pas du tout un service à l’écoute de son public !

angry cat is angry

Enfin, on se devra de mentionner l’ergonomie toute particulière du site destiné à recevoir les inscriptions des détenteurs de droits. Entre la sempiternelle utilisation de codes APE/NAF que seuls Pôle Emploi et l’INSEE utilisent encore, les absences parfois troublantes de liens hypertextes sur certaines listes, l’utilisation de termes obscurs (« maintenicien », par exemple), l’obligation de rentrer des critères flous dans les recherches qui débouchent sur plus de 200 résultats qui ne seront jamais montrés, le candidat à une formation est rapidement découragé.

Bien sûr, ces petits soucis provoquant ce bel échec ne seraient rien sans un versant économique joliment poivré : les entreprises du secteur de la formation ont nettement senti le passage à la nouvelle usine à gaz puisque la chute moyenne de leur chiffre d’affaires va de 15% à 20%, exactement ce dont le pays a besoin actuellement. Autrement dit, on amène doucement mais sûrement à la ruine tout un secteur de l’économie française qui s’avère pourtant crucial pour relever le pays. C’est stupéfiant.

À l’évidence, il va très bientôt falloir une Formation pour comprendre comment mettre à profit son Compte Personnel de Formation. Dès lors, la conclusion s’impose d’elle-même : ce pays est foutu.
—-
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  • Autre terme obscur : politicien.
    On se demande à quoi cela sert. A nuire ?

  • Pour se rendre compte de l’absurdité de ce bidule, il suffit de se rendre sur le site et de simuler une demande de formation. J’ai fait le test, c’est proprement consternant.

    • Pareil

      impossible de trouver une formztion en langue !!!

      meme en tapant toic ou autres tests

      • En effet, les recherches pour les formations en langues se font dans le sens inverse. C’est à dire qu’il faut d’abord que vous choisissiez la certification obligatoire à la fin de votre formation (Bulats ou TOEIC) et ensuite vous pourrez trouver le numéro d’identification à reporter sur votre demande

  • Je ne savais même pas que ce truc existait – mais en tant qu’indépendante, je n’ai pas de « latéralisation de mon potentiel » de confrontation avec les lubies socialos-kafkaïennes, faut avouer.
    Tout ça est pathétique, quand même. Ce pays a définitivement sombré dans le ridicule.

  • comme le chiffre d’affaires de la formation professionnelle diminue, peut-être que c’est le but recherché, diminuer les « charges » de l’état. Et comme c’est un état communiste les charges dont il se décharge en premier ce sont les charges utiles.
    Donc votre conclusion est correcte, la France est sur la « bonne » trajectoire . Vers l’abîme.

  • Quand j’ai besoin d’une formation j’en discute avec mon employeur et avec des organismes de formation spécialisés dans le domaine visé. Il ne me viendrait pas à l’idée d’aller fouiner dans ce site qui prétend couvrir tous les domaines pour tous les travailleurs. Sans même parler des chercheurs d’emploi, des étudiants ou des retraités…

    Le même costume (mal taillé) pour tout le monde, c’est du centralisme démocratique dans toute sa splendeur. La solution idéale pour latéraliser mon potentiel salarial 😀

    • L’état n’est pas capable de mettre en place un logiciel pour gérer [la paye] les employés de l’un de ses ministères. Qu’à cela ne tienne : il met en place un logiciel pour gérer la carrière de l’ensemble de la population.

      Résultat : « La précipitation a créé des ratés. ».

      Oh seulement 22 999 999 sur 23 000 000. Mais on espère doubler le rendement d’ici 10 ans.

    • Le FONGESCIF ne sert déjà pas à ça ?

      • le fongecif a du mal à financer les formations pour les salariés licenciés en reclassement….

        rien pour les autres, juste bon à financer …

  • CPeF, en fait.

  • Dans le plus pur esprit Francais..
    Un objectif flou, un manque de recul, aucune perspective (la formation professionnelle dans le bordel législatif et la totale corruption des syndicats -tous confondus- ne sert a rien), aucune conscience de la realite hors France, l’argent des autres, maman état, et une très grande bande de bras casses.
    Prediction: personne au PS ne sera responsable de ce fiasco.
    Comme les intentions étaient bonnes, beaucoup d’ailleurs se réclameront du camp « du bien ».
    Et se feront reelire allegrement pas les moutons francais.
    CPEF

  • Elles sont pourtant belles mes usines à gaz !!!

    Maintenant remplacer natation par: » apprentissage du déplacement en milieu aquatique normalisé » ………..
    Il faut au moins être énarque pour comprendre ………. « simplification administrative » … oblige

  • Le pire c’est que… tout le monde s’en branle.

  • encore un beau rapport de la cour des comptes en perspective, dans un an ou deux, mais qui finira comme les autres…

  • comme tu es négatif. Tu n’a pas tenu compte du fait que le CPF remplace le CIF (compte individuel de formation), qui était encore plus débile (mais si, c’est possible… ).
    le CIF était tellement débile que tous le monde savait qu’il fallait le jeter, mais comme il était plein de bonnes intentions s’était pas possible. Ne restait plus qu’à inventer, pour le remplacer, un bousin encore moins opérationnel, c’est réussi 🙂

  • Maintenicien? Bizarre comme néologisme, Ségolène est passée par là? Enfin on se demande pourquoi ils ont été chercher un truc pareil alors qu’ils ont entreteneur a disposition.

  • Une expérience de l’organisme de formation pour profession libérale FIFPL (oui, les libéraux l’ignorent mais ils cotisent).

    – taux et critères de prise en charge affiché sur le site pour chaque NAF – 1.700 EUR annoncés officiellement sur le site FIFPF.fr dans le cas d’une formation 35 heures

    – dossier et pièces justificatives à fournir par organisme de formation labellisé (conférences non éligibles) avant la fin effective de formation (décembre)

    – Demandes de formations traitées par 2 (deux) employées au niveau national.

    – Délais de confirmation sur la prise en charge : minimum 3 mois (conseil communiquée au téléphone après 28 min d’attente payante: « faire la formation, si les critères sont respectés, ne pas s’inquiéter »)

    – Prise en charge effective après 4 mois soit en février de l’année X+1: 300 EUR pour les 35 heures de formation ! Le reste à charge personnelle.

    – Réduction résultant de décision en début d’année X par un « conseil des prof. libérales » dont la composition, la comptabilité et les coordonnées « ne sont pas connues de FIFPL ».

    – le FIFPL ne prend pas la peine de corriger l’information de prise en charge largement surévaluée sur son site pour ses affiliés après avoir obtenu cette information en début année X par « décision du conseil ».

    – ajoutant l’injure aux coups : « La prochaine fois… feriez mieux de soumettre votre demande plus tôt, comme ca vous saurez »

    – « 4 mois plus tôt? Donc pas de prise en charge formation libérale avant avril déjà !? »

    La France, tu la quittes ou t’as la haine.

  • Ce système est inutilisable, trop complexe, on ne sait même pas trouver une formation qui correspond à des mots clefs bien ciblés…

    Encore une réforme qu’il va falloir « réformer » !

  • Rien que le bouton « Lancer la rechercher » du super-nouveau-site-qui-va-tous-nous-sauver donne une idée du soin qui a été apporté à la réalisation du bouzin.

  • Je ne suis pas du tout d’accord: le Service Public est à l’écoute de son « public »… pour puiser largement dans ses poches.

  • « es entreprises du secteur de la formation ont nettement senti le passage à la nouvelle usine à gaz puisque la chute moyenne de leur chiffre d’affaires va de 15% à 20%, exactement ce dont le pays a besoin actuellement. Autrement dit, on amène doucement mais sûrement à la ruine tout un secteur de l’économie française qui s’avère pourtant crucial pour relever le pays »

    STOOOOOPPPPP !!!!
    Arrêtons le délire : les entreprises qui délivrent une véritable formation professionnelle et professionnalisante (c’est à dire des employés efficaces tout de suite à leur recrutement) ce compte sur les doigts d’une seule main (comme le CESI par exemple).
    Le reste est un fatras immonde qui sert de façade au financement occulte des syndicats, des partis politiques ou tout simplement d’escrocs à la petite semaine, d’associations coquilles vides . Ou bien pire encore : des sectes !!!
    La formation professionnelle c’est près de 30 milliards d’euro par an en pure perte !!!

    Je ne vais pas me plaindre si toutes ces pseudos entreprises de formation professionnelle disparaissent !

  • Edifiant.

    Il y a quelques terrains sur lesquels nos gouvernants se sentent en légitimité de légiférer pour montrer à quel point ils sont en capacité d’agir (ouafff !).

    La formation professionnelle, comme l’éducation nationale et la sécurité routière, en font partie pour notre malheur à tous.

    Cet empilage de mesures absurdes façon mille feuilles, sans préparation, sans que personne ne demande quoique se soit, témoigne à l’inverse, de l’impuissance publique et de la capacité illimité de nos gouvernants à concevoir les dispositifs les plus absurdes.
    Les Shadocks doivent se régaler…

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