Sharing economy : l’économie de la consommation 2.0

Petit aperçu sur une nouvelle manière de consommer qui va générer de nouvelles manières de penser l’entreprise.

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Sharing economy : l’économie de la consommation 2.0

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 15 avril 2015
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Par Farid Gueham.

sharing is caring credits Enoch Lai (CC BY-NC-ND 2.0)
sharing is caring credits Enoch Lai (CC BY-NC-ND 2.0)

 

Une nouvelle forme d’économie et de consommation bouscule les schémas classiques : on emprunte au lieu de posséder, on loue plutôt que  d’acheter. C’est la sharing économy, l’économie du partage. Utiliser à plusieurs au lieu de consommer seul s’avère être particulièrement adapté à nos cadres de vie contemporains, pour les habitants des métropoles mais aussi pour les espaces ruraux. Comment expliquer cet engouement dans des sociétés toujours plus individualistes ? Le partage existe depuis la nuit des temps. Mais l’originalité réside dans les usages des nouvelles technologies qui donnent une autre dimension à ce partage. Un nouveau mode de consommation qui va même générer de nouveaux modèles d’entreprises. On trouve maintenant des friperies solidaires, dressings virtuels où l’on n’achète rien mais on partage tout. On peut s’approprier les vêtements pour une durée limitée, moyennant un droit d’entrée mensuel.

Un vrai modèle économique qui ne critique pas la consommation classique

L’idée n’est pas de critiquer la consommation traditionnelle, mais de proposer un mode de consommation alternatif, pour se concentrer sur la qualité et sur un usage ponctuel. Prêter et emprunter, un principe qui permet également de déculpabiliser la consommation en lui adjoignant des valeurs de partages, de plaisir et de responsabilité. La notion de propriété est ébranlée.  Ai-je besoin d’une voiture lorsque j’ai dix façons différentes de me rendre d’un point A vers un point B ? Les initiatives privées se multiplient aux quatre coins du monde. Pour les sociologues de la consommation, l’économie du partage n’est pas un danger pour la croissance. Car l’économie de service est toujours  là. Si la nouvelle ressource est le partage, alors viendra inéluctablement un moment où  l’échange se fera sur une base lucrative. Les applications mobiles pullulent : Pourquoi posséder ? C’est le nom de la nouvelle startup « why-own-it » ? Créée en 2012 par Philip Gloeckler. La plateforme permet, via un smartphone, d’emprunter des biens à ses voisins. Beaucoup de gens commencent par emprunter et après deux ou trois expériences réussies, ils veulent bien prêter à leur tour. Cela vaut pour les appartements comme pour les objets. Échanger, c’est avoir confiance. Le modèle de la sharing economy se renforce au fur et à mesure qu’il gagne des adeptes.

L’économie du partage est encore en phase « test »

Le modèle économique de la sharing economy est-il condamné à se transformer en  échange marchand ? Les effets pervers de cette dérive pourraient être qu’au lieu de prêter davantage, on en revienne à faire payer ce que l’on donnait gracieusement par le passé. Un coup de main pour un déménagement, ou veiller sur un animal pendant un voyage par exemple. Mais une chose est sûre, l’économie du partage impacte notre rapport à la propriété privée en favorisant l’accès aux biens. On y parle plus d’usagers que de consommateurs. En somme rien de nouveau sous le soleil. Nos grands-parents savaient déjà échanger entre voisins. Avec internet, nous échangeons avec la terre entière. Ce qui est nouveau, c’est qu’il ne s’agit plus de prêter pour rendre service. L’économie collaborative a le potentiel de nous donner accès à des biens et des services jusqu’alors inaccessibles : un appartement de standing pour un weekend, une voiture de collection. Et la nouvelle monnaie de cette économie, c’est la confiance. Il faut se raconter pour séduire. Il faut aussi avoir des commentaires positifs. L’image que les autres se font de vous est cruciale.

Mais jusqu’où donner des informations sur soi-même ? Cela reste-t-il un choix ou cela devient-il une obligation dans le nouveau diktat de la transparence ? Se pose également la question de la véracité des informations. L’hôte qui promeut son appartement est prêt à tout dire par besoin et par nécessité. Les données doivent être vérifiées, et la réputation numérique de chacun est déterminante. Les usagers jouent le jeu. Et ni le contexte mondial de surveillance, ni les dossiers NSA ne semblent freiner le développement d’une société de consommation 2.0.

L’économie du partage est aussi un prétexte au lien social

Aurel Daniel est fondatrice du site français « Cookening », une plateforme qui permet d’organiser des dîners entre particuliers, par affinités, moyennant une participation symbolique pour régler l’achat du panier de courses. Le repas est un prétexte pour des nouvelles rencontres. « J’aime l’idée de pouvoir accueillir des gens qui ne se connaissent pas ; et c’est difficile de créer des liens dans un bar. On va dormir sur un canapé parce que c’est moins cher, mais on recherche  aussi de la qualité de vie, du relationnel et de l’humain dans ce service ».

La confiance est par ailleurs un gage de qualité

De plus en plus d’agriculteurs sont adeptes de la sharing economy.  C’est le cas de Philippe Ribet, un  agriculteur français qui a rejoint la coopérative de « La ruche qui dit oui ». La plateforme met en relation les consommateurs et les producteurs. Avec les commandes directes chez les producteurs, plus d’invendus et de pertes. En passant par le net, « La ruche qui dit oui » supprime ces mêmes intermédiaires qui font monter les prix. Une fois de plus, la confiance est une donnée fondamentale de l’échange. L’exploitant gagne davantage et gère ses commandes directement depuis son ordinateur. Tous les samedis, la start-up va livrer dans des lieux atypiques sous la forme de marchés éphémères. Les clients reçoivent un numéro pour retirer leurs commandes prépayées en ligne. C’est un système assez familial et convivial qui permet aux exploitants de recevoir 80% du produit des ventes, le reste étant destiné à la location de l’espace pour la ruche. Pour les consommateurs, la ruche, c’est aussi l’occasion de promouvoir le travail des exploitants, de connaître le produit, d’établir un lien de confiance mais aussi une mise en valeur  des filières courtes avec des prix justes et des produits de qualité. Grâce à la plateforme, 522 marchés ont été ouverts en France, regroupant plus de 5000 producteurs. La structure n’est pourtant pas tentaculaire : la start-up regroupe 33 salariés, dont une quinzaine de développeurs.

Et pourtant, les entreprises tardent à s’investir dans la sharing economy, entre observation et questionnements

Les grandes entreprises et les dirigeants se contentent d’observer l’économie du partage : chaque année, les grandes compagnies aériennes ou ferroviaires sont présentent lors des forums commerciaux. Les acteurs privés veulent  comprendre le phénomène avant de s’y investir. Anticiper l’impact de ce qui va remettre en question leurs modèles classiques, voilà la priorité. L’économie du partage nous pousse à repenser l’échange commercial et l’avenir n’est envisageable qu’à la condition d’un échanger monnayé qui peut faire basculer le système. Ce modèle pourra-t-il s’appliquer à l’ensemble de notre consommation, à tous les objets ? Il semble que oui. L’habillement est sans doute le secteur où le prêt et l’échange représentent  les pratiques les plus sensibles. La chaîne britannique Tesco a commencé à reprendre des vêtements et le géant H et M offre une réduction pour trois anciens articles déposés dans leurs bornes de recyclage. Dans le secteur du bâtiment, la location d’outils existe depuis longtemps sans faire de concurrence à la vente de produits neufs, preuve que l’économie du partage peut coexister avec une consommation classique. Pourrons-nous un jour aller chez Aldi ou Ikea et louer un bien ? Pas sûr. Le modèle commercial doit être rentable, et le profit n’est pas encore au rendez-vous. Lorsque les entreprises testent l’expérience de la sharing economy, c’est davantage par curiosité, un ballon test. C’est aussi l’occasion pour les marques de se faire connaître, de gagner en visibilité, de la communication presque gratuite.

Des collectivités ont fait le choix de s’investir pleinement dans ce qui sera le modèle économique incontournable de demain

La ville de San Francisco a vu naître et se développer les premiers modèles d’entreprises collaboratives. Pour Laurel Bettike-Barsotti, responsable du développement urbain de San Francisco, la démarche est naturelle, « nous sommes les champions de l’innovation grâce à notre main d’œuvre variée et qualifiée. Nous suivons le mouvement en cherchant à accompagner les évolutions du secteur ». Et la population locale de la Silicon Valley est réceptive à cette nouvelle économie. Neal Gorenflo, fondateur de la plateforme collaborative « Shareable » a rapidement été séduit par ce nouveau modèle. « Ce que je fais a plus de sens, je me sens utile dans la société et je veux faire participer les autres. 40% des américains ont une activité indépendante. Ils peuvent être micro-entrepreneurs, louer leurs voitures, l’esprit d’entreprise est dans notre ADN ».

Certains voient dans la sharing economy une source d’espoir

À Séoul, la municipalité est convaincue des bienfaits de la consommation collaborative. La ville soutient activement l’économie du partage pour une consommation plus solidaire et durable. C’est l’initiative de Park Won Soon, le Maire de Séoul qui veut faire de sa ville la capitale de l’agriculture urbaine. L’édile voit dans la consommation collaborative, l’opportunité de renforcer la solidarité et le lien social. C’est l’esprit du programme « Sharing City Séoul ». Le projet consiste à rénover des maisons et des appartements pour en faire des espaces de colocation. Les étudiants étant les plus touchés par la crise du logement, les colocations intergénérationnelles sont aussi une solution. La consommation collaborative aide aussi les jeunes et les communautés à se rencontrer. Néanmoins tout n’est pas idyllique dans l’économie du partage. Certains voient d’un mauvais œil la concurrence déloyale des « Airbnb » ou « Bedycasa » pour l’industrie hôtelière. L’accueil réservé à la sharing economy en Europe est plus réservé qu’aux USA ou en Asie. Outre atlantique, on s’adapte : une taxe d’hôtellerie de 14% a été mise en place à San Francisco pour qu’Airbnb finance les startups locales.

La sharing economy s’impose chaque jour un peu plus, mais le politique reste sur le banc de touche

La vague  du partage déferle sur l’économie mondiale. Une économie collaborative efficace sera de fait une économie encadrée : les politiques doivent s’impliquer sur des aspects aussi variés que  la planification  urbaine, l’aménagement du territoire, les emplacements de parkings, les nouvelles taxations. Les pouvoirs publics doivent pouvoir favoriser ce secteur. La Silicon Valley l’a bien compris. Les politiques en Europe sont au pied du mur. Les textes de loi sont souvent mal adaptés aux auto-entrepreneurs et aux nouvelles activités des startups. Les pouvoirs publics doivent agir. Dans cette économie de la confiance se pose enfin la question des données et de leur traitement sécurisé. L’urgence est donc la mise en place d’une politique de la data cohérente. Entre contrôle et confiance, le traitement de la donnée sera crucial pour un secteur qui révolutionne déjà notre façon de vivre et de consommer.

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  • « La notion de propriété est ébranlée. » Même pas ! Pour partager, il faut d’abord posséder quelque chose à partager, à moins de partager des biens volés (collectivisation étatique). Sinon, on reste dans l’arbitrage classique entre les économies générées par la possession des biens, nécessitant un effort d’épargne de long terme, et une consommation immédiate, mais à coût élevé.

    • On arbitre aussi parce qu’on n’a pas les moyens de posséder, d’entreposer et d’entretenir tout ce qu’on peut désirer utiliser (ou ce dont on peut avoir besoin). Et d’autre part plus on possède de choses moins on éprouve de plaisir à posséder chacune de ces choses simplement par manque de temps.

      Cependant certains aimeraient bien décider à notre place ce que l’on doit posséder ou pas.

    • Vous pouvez partager quelque chose qui ne vous appartient pas, que vous louez.

      Ce qui transforme la propriété ‘regalienne’ organisé et régenté par l’Etat en droit d’usage contractuel privé ne portant que sur l’usus et le fructus.

      Ce qui minimise la légitimité de l’Etat qui n’a de valeur que dans la protection de l’abusus.

  • Mouais, rien de bien nouveau comme c’est dit, il s’agit d étendre ce que l’on faisait déjà avec sa famille et ses voisins grace à internet, avec au passage des petits malins qui se font payer le service.
    Rien d’anormal non plus de voir le manque d’enthousiasme de nos dirigeants pour la chose: difficile à taxer et à contrôler ces trocs et ces partages….pourvu quils ne s’en mêlent pas trop.

    • Si, ce qui est nouveau, c’est la diffusion de l’information.

      Mais attention, bachar Urvoas prevoit de coller de la csg sur tout surf sur un site de partage ( le plus souvent de la location HT)

  • Belle revue de la question

  • Vision idyllique prônée par les bobos de tout bord, Amap, blabla car,…. Mais au fait ces braves gens paient ils des impôts ? S’ils n en paient pas, Du moins beaucoup d entre eux touchent le chômage pendant qu’ils donnent des « coups de main »

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