ENA : tous contre le changement climatique ?

Selon la couverture de la dernière édition de la revue de l’ENA, la priorité de nos « élites » est claire : « agir contre le changement climatique » !

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ENA : tous contre le changement climatique ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 5 mars 2015
- A +

Par Bernard Zimmern.

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La dernière édition de la revue de l’ENA serait-elle une démonstration des raisons pour lesquelles la France s’enfonce dans la régression et le conformisme, deux « vertus » qui vont de pair ? Le titre et le contenu du numéro sont clairs : « agir contre le changement climatique ».

Si comme beaucoup vous avez des doutes, bonnes gens, sur l’existence d’un changement climatique, argumentés par de bonnes raisons scientifiques, ne lisez pas le dernier numéro de la revue de l’ENA. Vous n’y trouverez qu’un seul discours : le doigt sur la couture du pantalon, comme on disait à l’armée, soyez prêts à combattre le changement climatique compte-tenu des conséquences redoutables que celui-ci aurait sur l’avenir de l’humanité, des éléphants ou des tortues marines, le niveau des océans, etc.

Que la plupart des thèses défendues par Al Gore, le vice-président américain, dans son livre célèbre Une vérité qui dérange, aient été démontrées fausses, comme par exemple la disparition des neiges du Kilimandjaro ou la distribution des températures en crosse de hockey ; que les médias aient pu s’indigner d’apprendre qu’Al Gore consommait pour le chauffage de sa piscine plus d’énergie que tout un village, peu importe. La contradiction n’a pas sa place. En bons serviteurs de l’État, les anciens et actuels élèves doivent soutenir la grande manifestation qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, comme le rappelle bien à propos un ancien élève, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères. Il faut soutenir le président Hollande qui vient de faire le voyage aux Philippines pour prouver sa détermination à placer la France au premier rang de ce combat.

Il est vrai que cela nous permet d’oublier les problèmes de fond des Français, en premier lieu la méthode à adopter pour la création d’emplois, ce à quoi l’ENA ne semble pas compétente.

On est cependant réconforté par ces fortes paroles de la présidente de l’association des anciens élèves de l’ENA : « La scolarité [à l’ENA, NDLR] fait également une large place à la connaissance du monde de l’entreprise permettant aux futurs responsables de la conduite de l’action publique d’avoir une bonne compréhension des mécanismes du secteur privé tout en mettant fin à un cloisonnement entre sphère publique et sphère privée préjudiciable au développement d’une économie moderne. »

Les critiques sont malvenues : « Ne faisons pas écho aux attaques proférées contre l’École, souvent hélas par des anciens élèves qui se complaisent dans un conformisme affligeant… » Une déjà longue liste d’anciens élèves ayant critiqué l’ENA (Jean-Pierre Chevènement en 1967 traitant ses camarades de « mandarins de la société bourgeoise », le Parti socialiste inscrivant la suppression de l’ENA à son programme en 1972, Jacques Chirac en 1995 traitant l’ENA de « symbole d’une élite qui a failli », Laurent Fabius se déclarant officiellement favorable à sa suppression, évoquant un « système malsain » et « refermé sur lui-même »), m’empêche de prendre à mon compte cette forte affirmation, en notant que la revue de l’ENA s’est toujours refusée à publier ou simplement citer les opuscules ou livres auxquels j’avais contribué.

Est-ce une invitation à tenter à nouveau l’expérience avec mon dernier livre publié : Changer Bercy pour changer la France ? Il n’est pas une série d’affirmations gratuites mais une analyse fortement chiffrée et documentée du désastre économique français et des raisons pour lesquelles nous ne produisons depuis 30 ans que moins de la moitié des emplois créés par les économies compétitives de nos voisins britanniques ou allemands.

À la décharge de la revue de l’ENA, les dénonciateurs du réchauffement climatique ne sont pas un clan isolé.

Nous avons vu en effet l’Allemagne abandonner ses centrales atomiques et devenir l’un des pays les plus pollueurs d’Europe avec le retour de ses centrales à lignite.

Aux États-Unis, le président Obama vient de stopper par un veto la construction de l’oléoduc Keystone XL en vertu des pouvoirs donnés au gouvernement fédéral sur des transports transfrontaliers. Il faut savoir qu’existe déjà un premier oléoduc d’un débit d’environ 600.000 à 700.000 barils/jour des champs pétrolifères du Canada de l’ouest vers les raffineries américaines du Midwest et le golfe du Mexique ; ce projet qui fait l’objet du veto permettrait de plus que doubler ce débit. Les motifs d’opposition sont essentiellement des motifs environnementaux défendus par les organisations écologistes, à savoir freiner la consommation pétrolière. Il est intéressant de noter que ce blocage ne va en rien diminuer la consommation ou la production d’hydrocarbures, mais simplement enrichir les compagnies de chemin de fer comme le note le Wall Street Journal du 26/2/20151. Les trains qui transportent les produits pétroliers représentent déjà chaque jour une distance d’environ 30 kilomètres et les compagnies de chemin de fer investissent lourdement, non seulement en matériel mais en infrastructure pour transporter le brut canadien vers les villes américaines consommatrices et les raffineries. De l’avis des experts, le transport par oléoduc est moins dangereux et moins polluant que le transport par wagon-citerne. Mais s’agit-il comme ailleurs d’un débat dicté par la raison et la protection de l’environnement, ou d’un débat dicté par les positions idéologiques et la politique ?

Espérons qu’après avoir lu Changer Bercy pour changer la France, la présidente de l’ENA comprendra que ce ne sont pas quelques cours sur l’entreprise ou un séjour touristique (je peux le dire, je l’ai fait) au cours d’un stage industriel, qui dispensent à un énarque la compréhension de l’entreprise. L’expérience de quelques années dans une entreprise de moins de 250 employés, la crainte des fins de mois difficiles sont les conditions pour avoir enfin conscience de ce qu’est la réalité de 95% de nos PME, des deux tiers des salariés et de 100% des entreprises qui se créent, et dont dépend notre avenir industriel.

  1. « Obama’s oil-by-rail boom » par Holman W. Jenkins, Jr
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  • cette pression idéologique omniprésente de l’écologisme est très inquiétante pour l’avenir ; et pour faire le lien entre les différents thèmes de cet article, je vous renvoie à la lecture du dernier ouvrage de gerald Bronner, « planète des hommes » dont le sous-titre, « réenchanter le risque », est éloquent à lui seul : contre la régression de l’écologisme et son principe de précaution, et pour remettre le risque (c’est-à-dire aussi l’esprit d’invention et finalement, le progrès, tout simplement) à l’honneur…

    Mais il est vrai que par construction les élites sont conformistes, et on sait où est le conformisme aujourd’hui !

    • « réenchanter le risque » ? Que cette expression est ridicule ! On dirait un mauvais slogan publicitaire. Dans la même veine, pourquoi pas « vivre le risque au quotidien » ou « risquer dans un monde qui bouge » ?
      Mais sur le fond, je suis d’accord.

      • C’est pas juste un slogan, c’est un détournement du terme « reenchantement » ou plutôt de son contraire, le « désenchantement » mis à toutes les sauces par plusieurs brillants esprits. Bref rassurez-vous ce sous-titre est ironique! Et sur le fond je vous recommande cette lecture de Gérald bronner (il a aussi écrit « la démocratie des crédules », très bon…)

      • on ne voit pas en quoi l’expression réenchanter le risque est ridicule ?

        les sociétés ont toujours trouvé en elle-même, des gens prêts à prendre des risques. du soldats de l’an 2 à celui qui s’expatriait dans les colonies, du résistant de 42 au petit chef d’entreprise en passant par des chercheurs comme les curies, les français ont toujours été de l’avant. la période actuelle, marqué par le principe de précaution, et le refus de toutes réformes, est le symptôme d’une profonde décadence.

  • « agir contre le changement » !

    On n’apprend même pas ce qu’est un oxymore chez nos « élites de l’égalitarisme » ?

    • Et certains sont beaucoup plus égaux que d’autres, comme dans les républiques populaires d’autrefois.

  • L’ENA était créée par décret en 1945 pour former les cadres administratifs dont la France avait besoin. Si à cette époque le but était louable, compréhensif et nécessaire, le but actuel de l’ENA (de s’occuper du changement climatique) se situe à l’opposé.
    Rien ne justifie une telle position quand on sait que le climat est loin (très loin) d’être imputable à l’homme quoiqu’on veut nous faire croire!
    L’ENA voudrait-elle former les cadres administratifs dont Dieu a besoin pour gérer le climat ?

    • La france n’a jamais eu besoin de cadre administratif.

      • Je rectifie mais où est la différence?
        l’Ecole nationale d’administration créée après la Libération pour moderniser l’administration française et lui fournir cadres et hauts fonctionnaires.

      • Bien sûr que si, comme toute entreprise à partir d’une certaine taille (au sens où le canon met un « certain » temps à refroidir après le coup). Mais cela ne signifie nullement que les dits cadres administratifs doivent devenir les dirigeants de l’Etat et encore moins que ce soit leur vocation. Il faut remettre les énarques à leur place.

    • La dérive de l’ENA était inévitable. Quand l’état forme ses propre élites, la prise de pouvoir par celle ci est programmée. Cette prise de pouvoir est aujourd’hui consommée, la France est une dictature technocratique au mains de fonctionnaires. Toutes les décisions vont dans le sens d’un renforcement du pouvoir de l’état donc du pouvoir des fonctionnaires. Ma démocratie n’est plus qu’une sorte de cérémonie religieuse stérile destiné à rassurer les ignorants et les naïfs.

  • « Si comme beaucoup vous avez des doutes, bonnes gens, sur l’existence d’un changement climatique »

    Soyons précis, personne ne met en doute que le climat change, au contraire ! Les anti-alarmistes pensent que le climat a toujours changé, est entrain de changer et changera toujours.

  • la position de l’ENA est tout à fait symptomatique d’une petite clique en fin de règne, qui cherche à faire en sorte que celui-ci dure encore quelques temps … alors elle fraie encore un peu plus avec les medias qui sont pour le moment, dans ce pays, la condition siné qua non du pouvoir.
    ça durera le temps que les masses se retournent contre eux. à ce titre, la montée du FN, qui n’est guère en odeur de sainteté ni avec les un , ni avec les autres, malgrés certain transfuges … doit commencer à sérieusement les inquièter.

  • concernant l’illustration, on peut avoir de sérieux doute quand à savoir si la phalange de gaillards et de femmes est mobilisée contre le  » changement climatique  » ?

    • Le changement climatique n’est qu’un prétexte pour renforcer le contrôle de la société par la petite minorité qui la dirige.

    • j’ai trouvé : ils vont au front pour arrêter l’hémorragie de croissance dans l’empire du milieu . la chine risque de s’effondrer … seulement 7% de croissance l’année prochaine !

      catastrophe !!!

  • « agir contre le changement »

    Voilà un beau résumé de la politique française…

  • « tout en mettant fin à un cloisonnement entre sphère publique et sphère privée préjudiciable au développement d’une économie moderne. » La bonne traduction est « pour présider a l’émergence d’une économie du capitalisme de copinage »

  • L’histoire de l’oléoduc Keystone est juste une classique histoire de corruption. C’est juste un des moyen de payer Warren Buffet pour son « soutient » aux thèses d’Obama sur les taxes et l’écologie.
    Concernant l’ENA et le changement climatique, c’est tout à fait logique. Il s’agit d’un moyen génial pour assurer leur pouvoir futur.

  • Cette phrase « La scolarité [à l’ENA, NDLR] fait également une large place à la connaissance du monde de l’entreprise (etc.) » est symptomatique du marketing de propagande destiné à souligner les compétences des élèves, pour au final justifier leurs interventions quand ils seront en poste. Mais précisément, quand bien même ils seraient compétents (et sans doute le sont-ils pour la plupart), leurs interventions ne se justifient pas. En effet, c’est le milieu dans lequel ils agissent qui est incompétent par nature, par construction : l’Etat obèse.

    Plus multiplié par moins donne quand même moins : des individus, aussi compétents soient-ils, agissant pour le compte d’une institution par nature incompétente produisent nécessairement des catastrophes. Qu’ils s’occupent donc de ce qui les regardent, c’est-à-dire les missions régaliennes de l’Etat. Pour le reste, qu’ils fassent définitivement silence ! Qu’ils nous laissent vivre nos vies sans s’en mêler !

    • La notion de risque leur est absente.
      Ils ne paieront jamais pour leurs erreurs
      Comment pourraient ils être compétents?

    • Le pouvoir est un animal qui à toujours faim. L’état est par nature enclin à toujours grossir. c’est la lutte millénaire entre une petite minorité de prédateurs qui ne sont bon à rien d’autre que de vivre en parasites contre le reste de la société qui leur sers de proie

  • « La scolarité fait également une large place à la connaissance du monde de l’entreprise (etc.) »
    Combien y a-t-il d’énarques qui ont crée leur « boite » a partie de rien (1-2 créateurs) et prospère actuellement ayant disons une centaine d’employés ??
    Je repose la question: COMBIEN ?

  • Y’a longtemps qu’ils nous l’avaient pas fait le climatosceptisme sur contrepoints…vous voulez pas changer de disque ?
    Regardez par exemple ce que vient de voter l’assemblée et qui est complètement crétin ces jours-ci : la taxe mouillage!
    Alors là, il faut le voir pour le croire! Et ne dis pas ça parce que je suis plaisancier mais la prochaine si on les laisse faire c’est une taxe pour regarder le mer…

  • Changement climatique ou pas ce n’est pas le problème pour l’état, c’est surtout un moyen de créer des emplois subventionnés, de créer de nouvelles taxes et de relancer l’industrie moribonde non compétitive des sociétés occidentales et in fine de garder sa place et ses électeurs. On nous prend vraiment pour des cons.

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