« Le vrai lieu » d’Annie Ernaux

Une traversée unique de l’œuvre d’Annie Ernaux à la lumière de la question des lieux.

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« Le vrai lieu » d’Annie Ernaux

Publié le 7 février 2015
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Par Francis Richard.

Annie Ernaux ne se pense pas écrivain, mais elle l’est. C’est ce qui ressort de la lecture de son livre d’entretiens avec Michelle Porte. Car Le vrai lieu, dont il s’agit dans ce livre et qui lui donne son titre, est justement l’écriture.

En 2013, un documentaire sur Annie Ernaux réalisé par Michelle Porte a été diffusé sur France 3. Les propos tenus devant la caméra ont été transcrits par Annie Ernaux, qui les a nettoyés de leurs points de suspension pour en rendre « la lecture possible sans effort ».

Depuis trente-quatre ans, Annie Ernaux écrit dans sa maison de Cergy et ne peut écrire ailleurs. C’est « la couleur du silence » qui y règne qui lui permet de se mettre en état d’écrire. On peut donc dire que c’est le lieu où son vrai lieu lui permet de contenir tous les autres.

Dès qu’elle a su lire, Annie Ernaux a aimé lire d’une façon incroyable et aimé apprendre « sans complément d’objet, comme une disposition, un appétit insatiable ». Ce qui l’a amené immanquablement à l’écriture :

« Je ne crois pas qu’on puisse écrire sans avoir lu beaucoup. En lisant, insensiblement, il apparaît comme possible de faire la même chose. »

La lecture est le lieu de l’imaginaire et de la séparation d’avec le monde réel :

« Ouvrir un livre, c’est vraiment pousser une porte et se trouver dans un lieu où il va se passer des choses pour soi. C’est comme ça que je conçois la lecture, et s’il ne se passe rien pour moi, j’oublie très vite le lieu où le livre ne m’a pas emmenée finalement. »

L’écriture permet également de s’évader, même si, comme c’est le cas d’Annie Ernaux, son écriture est celle de la mémoire et de la réalité et ne se situe pas dans l’imagination. Ce qui lui fait dire que, pour elle, « il y a toujours une lutte au quotidien entre la vie et l’écriture » et qu’elle ne regrette pas d’avoir, parallèlement à l’écriture, exercé un métier.

Pourquoi écrit-elle ?

Pour sauver quelque chose de ce qu’elle a vécu, non pas seulement pour elle-même, mais aussi pour les autres ; non pas pour « laisser sa trace en tant que nom, en tant que personne », mais pour « laisser la trace d’un regard, d’un regard sur le monde » ; pour « intervenir dans le monde » en partant de situations qui l’ont marquée profondément et, « comme avec un couteau », en creusant, en élargissant la plaie, hors d’elle-même.

Ce qui requiert Annie Ernaux ?

« C’est le temps dans la mesure où il change continuellement les êtres, leurs pensées, leurs croyances, leurs goûts, d’où l’impossibilité de parler d’une identité fixe. »

Or justement, selon elle, « écrire c’est créer du temps » :

« La construction, c’est ce qui rivalise avec le monde et qui crée un autre temps que le temps vécu. »

En quoi son histoire personnelle peut-elle intéresser les autres ?

« Ce n’est pas parce que les choses me sont arrivées à moi que je les écris, c’est parce qu’elles sont arrivées, qu’elles ne sont donc pas uniques. »

On retrouve ce qui devrait être la préoccupation de tout écrivain, arrriver à saisir « l’indicible généralité » à partir de l’expérience particulière.

Proust disait que « la vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule par conséquent réellement vécue, c’est la littérature ». Pour Annie Ernaux c’est une évidence : « La littérature n’est pas la vie, elle est ou devrait être l’éclaircissement de l’opacité de la vie. » Mais y aurait-il de la littérature sans le style, qui est devenu un gros mot ? « C’est quoi, le style ? C’est un accord entre sa voix à soi la plus profonde, indicible, et la langue, les ressources de la langue. »

Annie Ernaux, confesse-t-elle, ne sait peut-être que difficilement parler de ses livres, encore que, mais elle y arrive « un peu plus » pour dire ce qu’est pour elle l’écriture, son vrai lieu.

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