Pétrole : l’Amérique du nord, nouveau « swing producer » ?

Les États-Unis vont-ils remplacer l’Arabie Saoudite comme « swing producer » ?

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Baril pétrole rené le honzec

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Pétrole : l’Amérique du nord, nouveau « swing producer » ?

Publié le 6 février 2015
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Quel rebond ! Alors que certains voyaient le baril de Brent tomber à 30$ voire 25 $, voilà qu’en trois séances, il a rebondi de 24 %… alors que c’est de 60% que les cours du baril avaient chuté depuis juin 2014.
Faux rebond ? Il est vrai qu’il n’y avait pas eu en une semaine de telle baisse du nombre de rigs de forage américain depuis 1987.

Par Aymeric de Villaret.

Pumpjack Pétrole en Alberta, au Canada (Crédits Jeff Wallace, licence Creative Commons)
Pumpjack Pétrole en Alberta, au Canada (Crédits Jeff Wallace, licence Creative Commons)

Alors que les marchés s’interrogeaient sur le point bas des cours du baril, le rebond de ces derniers jours (+24%) a surpris par son ampleur.

A de Villaret tous droits réservés1

Certes il doit être relativisé après une telle chute, mais il n’en demeure pas moins qu’il ne peut pas ne pas surprendre et amène à se poser la question de sa pérennité.

Le graphe ci-après montre bien la « relativité » de cette hausse (+ 24%) (+ 8,8$/baril) après une baisse supérieure à moins 60% (moins 70$/baril) du 19 juin 2014 au 13 janvier 2015 :

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Déjà quelques signes des conséquences de la politique de guerre des prix initiée par l’Arabie

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Les statistiques de forages pétroliers publiées hebdomadairement par Baker Hughes ont été un des déclencheurs du rebond du baril car selon le parapétrolier américain ce sont 94 sites de forage qui ont cessé en une semaine (moins 7%) ! Comme le montre le graphe ci-dessus, cela n’était pas arrivé depuis 1987 ! Et lorsque l’on regarde ce qui s’est passé pour le gaz on voit bien que ce sont les conséquences de la chute des prix.

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Et quand on voit la structure des coûts de production par exemple dans le Bakken, on comprend le pourquoi de cette baisse de rigs.

Selon une dernière estimation de Wood Mackenzie publiée en janvier, le nombre de puits onshore aux États-Unis devrait même baisser de 26 % en 2015 de plus de 37 000 en 2014 à 27 000 en 2015.

Ralentissement dans la croissance de production américaine, même si croissance quand même

Cependant (à l’image de ce qui avait été fait pour le gaz de schiste) certaines sociétés ont couvert leurs productions et ne sont donc pas impactées par le chute des cours, mais à la fin de ces couvertures, elles le seront.

Il faudra donc peut être un peu plus longtemps pour que la croissance de production aux États-Unis baisse mais la fin des couvertures devrait y aider.

C’est pourquoi après avoir scruté l’évolution des rigs de forage de pétrole, l’autre élément majeur sera celui de l’évolution de la production en elle-même !

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Reporting season et annonces de fortes coupures des Capex

Comme nous l’écrivions la semaine dernière, la période de publication des résultats a été l’occasion de la part des majors pétroliers (Shell, Chevron, BP, ConocoPhillips, Total, Anadarko…) et même de groupes plus petits tels OMV d’annoncer des coupes drastiques dans les dépenses d’investissements… tant de développements que d’exploration (voir interview du nouveau Directeur Général de Total Patrick Pouyanné également la semaine dernière). Le leader mondial ExxonMobil avait déjà annoncé des baisses fin octobre, et le 4 mars, précisera sa stratégie à l’occasion de sa journée investisseurs.

L’américain ConocoPhillips a même annoncé une nouvelle coupe de ses dépenses de près de -20% après -20% déjà en décembre.

Or, dans un secteur où la source est épuisable et où les champs au niveau mondial ont un taux de déplétion (vitesse à laquelle le champ se réduit) en moyenne de plus de 5%, il est clair qu’il faut continuer à explorer.

Il faut bien réaliser que, pour maintenir sa production, le monde doit tous les deux ans trouver une nouvelle Arabie Saoudite…

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De manière très nette, il existe une forte corrélation entre la tendance sur l’évolution des cours du brut et les dépenses d’investissements.

Le formidable essor des cours du baril de 2002 à 2007-2008 a entraîné une explosion des dépenses. La chute de 2009 a eu un effet immédiat, et les reprises de 2010-2011 ne furent que la poursuite de cette tendance.

Les marchés ont réagi comme si 2009 n’était qu’un accident ! Si l’on excepte 2009 et 2010, la tendance parait claire.

Bien sûr en 2009, il n’était pas question de guerre des prix, mais certaines similarités existent, et si le prix du baril vient de rebondir aussi fortement, c’est que les marchés ne l’ont pas oublié.

Aussi, il parait légitime de s’interroger sur la chute récente des cours du baril et se demander si le rebond actuel ne présage pas de 2015-2016 ? Surtout après les annonces de coupures des investissements ?

Conclusion

Sursaut ? La combinaison d’une forte chute des rigs de forage de pétrole aux États-Unis et d’une coupure drastique des investissements par les majors pétroliers a fait prendre conscience aux marchés que la baisse des cours du baril a peut-être été trop forte.

Notons le rappel par ces mêmes majors du risque d’un baril repassant au-dessus des 100$ (voire atteindre 200$, selon le secrétaire général de l’OPEP Abdulla al-Badri) de par le manque d’investissements.

Impossible de définir le « timing » mais autant il y a 9 mois on pensait que 100$ était un juste prix, autant il semble hasardeux de prédire un baril à 50 – 60$ pour le long terme. La fin des couvertures actuelles aux États-Unis et l’évolution de leur production seront les éléments clés du court terme, soit de 2015 !

L’évolution future risque d’être plus volatile (50-100$ ?), et risque de dépendre de la vitesse de réaction des producteurs américains d’huile de schiste.

Alors que jusqu’à maintenant c’était l’OPEP et l’Arabie Saoudite qui jouaient le rôle de « swing producer1 », ce rôle peut à l’avenir sans doute revenir aux États-Unis !!

  1. Lorsque l’on parle de l’Arabie Saoudite, on en parle souvent dans ce fameux rôle de « swing producer » avec une production variant au gré des cours du baril et de la nécessité ou non d’ouvrir ou de fermer les vannes afin de réguler les prix et de ne pas heurter l’économie… Pour les États-Unis, c’est la hausse de sa production qui vient de faire baisser les prix et ce sont les prémices d’une potentielle baisse qui les font remonter
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  • Comme je disais en conclusion, le risque est d avoir plus de volatilité … Ces eux dernières séances le confirment avec :
    1) le 4/02 une baisse de -2,46$ (-4,32%) suite à des stocks de brut américains plus élevés que prévus
    2) le 5/02 une hausse de +2,35$ (+4,31%) du fait de la prise de conscience du chaos libyen.
    De ce fait confirmation du rebond récent
    A noter que les chiffres de production US du 30 janvier sont à 9,177 Mb/j niveau quasiment stable depuis 1 mois

  • « Ce rôle peut à l’avenir sans doute revenir aux États-Unis », à moins que l’AS annonce une hausse de sa production pour répondre à la demande supplémentaire qui lui est adressée. Alors, les USA seraient hors-jeu, faute de munitions. Ceci dit, il leur reste une cartouche avec la dévaluation du dollar, par exemple avec un QE4 massif, la baisse du dollar et l’afflux de liquidités faisant mécaniquement remonter le prix du baril.

  • Le problème de la stratégie saoudienne est qu’elle est condamnée à l’échec..Faire baisser la production US en faisant baisser fortement les prix du baril ? Oui certes mais une fois que le prix remontera les entreprises US se remettront à produire massivement illico presto car les entreprises privées, surtout aux USA, ont montré leur incroyable capacité d’adaptation notamment grâce aux avancées technologiques.

    Bref, l’AS aura perdu de l’argent bêtement vu que cette concurrence est là pour rester.

    • C’est bien possible, mais l’AS n’a pas le choix. Avec un prix élevé, elle perd des parts de marché et ne peut pas équilibrer ses comptes. Alors, elle tente de voir ce qui va se passer si elle parvient à maintenir un prix faible. C’est une question de multiple de marge : si elle est perdante en vendant 10 avec 10 de marge, elle sera gagnante en vendant 30 avec 4 de marge. Mais, pour passer d’une quantité vendue de 10 à 30 dans un environnement de consommation stabilisée sinon décroissante compte tenu de la récession mondiale qui menace, l’AS doit impérativement prendre des parts de marché à ses concurrents directs, en les éliminant.

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