Le « Kit Repas Famille » : un prêt-à-penser fourni par le gouvernement

À l’occasion des fêtes, le gouvernement a proposé un kit d’éléments de langage pour formater les esprits et embellir la perception de la réalité.

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kit repas famille

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Le « Kit Repas Famille » : un prêt-à-penser fourni par le gouvernement

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 5 janvier 2015
- A +

Par Stéphane Montabert

Certains lecteurs curieux du Figaro sont comme moi tombés sur une chronique au titre cinglant – Oui-oui au pays du déficit et du chômage – évoquant un site encore plus curieux, édité par le gouvernement français, le « kit repas famille ». Contrepoints en a également parlé par la voix de Baptiste Créteur.

Je préviens, c’est du lourd.

Le Kit Repas Famille (ou encore #KitRepasFamille en langue 2.0) est une espèce de pense-bête censé donner réponse à tout sur chaque sujet politique qui viendra immanquablement à émerger pendant un repas en société – et comment répondre pour montrer que le pouvoir socialiste a plus d’un tour dans son sac, non mais !

À mi-chemin entre le bingo et le jeu de l’oie, le style et les sujets abordés montrent qu’on est dans le plus grand professionnalisme :

kit repas famille

Sous chaque vignette, un argumentaire résumé, destiné à prouver que le Gouvernement Travaille™ et que si les résultats ne sont pas là, ils ne sauraient tarder. La version web donne accès à des liens vers un argumentaire « avancé » pour les plus masochistes ; les autres pourront se limiter à une version à découper et à coller pour avoir judicieusement le petit manuel socialiste dans la poche au moment opportun :

— Moi, je le dis franchement, je n’arrive plus à boucler mes fins de mois.
— …
— Qu’est-ce que tu fais Dédé à regarder ton pantalon ? On dirait que tu as trouvé un rat au fond de ta poche ?
(Dédé, s’éclaircissant la voix) Mais non, tu es beaucoup plus riche que ce que tu crois ! Le Gouvernement a pris une série de mesures pour le pouvoir d’achat : baisse de l’impôt sur le revenu pour certains ménages, réforme du mode de calcul du prix du gaz et de l’électricité, frais d’agences immobilières réduits (divisés par deux à Paris), encadrement des loyers à la relocation…
Certains ménages, pour sûr, mais certainement pas le nôtre. Et qu’est-ce que tu me chantes sur les frais d’agence immobilière à Paris ? On vit à Tourcoing depuis seize ans ! Quant au calcul du gaz et de l’électricité, tu m’excuseras mais ça monte
— …Sans compter la loi consommation qui permet de réduire le prix de bien des choses : assurance emprunteur, produits à lentilles, tests de grossesse…
— Dédé ? Qu’est-ce que tu baragouines sur ces machins d’assurance dont je n’ai jamais entendu parler ? Des produits à lentilles ? Des tests de grossesse ? Tu es sûr que tout va bien ? Tu crois que ces machins changent notre pouvoir d’achat au quotidien ?
— Je… Euh… (Dédé fouille nerveusement les petites fiches dans sa poche alors qu’une vague de sueur le submerge)

Oui, bon, on ne peut pas gagner à tous les coups.

La propagande gouvernementale française semble sans limite. On cherchera en vain par quel texte de loi l’État socialiste s’alloue ainsi l’argent des contribuables pour faire son autopromotion. Quant aux diplômés communicants derrière l’opération de comm, on dénichera une photo possible de la fine équipe au détour d’une page non trouvée sur le site, probablement en pleine séance de brainstorming.

Les réponses choisies mélangent allègrement le vrai et le faux. Ainsi, à l’assertion « les Français travaillent moins que les autres » le gouvernement répond que la productivité horaire française est supérieure à ses équivalents allemands ou anglais – ce qui est rigoureusement exact. Avec un État obèse représentant 57% du PIB du pays et le carcan des 35 heures, le secteur privé n’a pas d’autre choix que de lutter comme un lion pour éviter l’effondrement immédiat, une simple question de survie. Mais cette vérité-là n’est évidemment pas bonne à rappeler. Alors, à la place, on a droit à une statistique invraisemblable comme seuls des énarques peuvent en pondre : « En 2 ans, 1 société sur 6 a introduit des produits nouveaux qui n’existaient pas sur le marché. »

Produits nouveaux, quelle étrange définition ! Selon quels critères ? Quel marché ? Par des « sociétés » de quelle taille ? Avec quel taux de réussite ? Et pourquoi sur une période de deux ans ? Ramener cette mesure improbable à une société sur 12 en rythme annuel faisait moins vendeur, sans doute…

On notera le mélange pêle-mêle de catégories rigoureusement opposées, comme « le problème c’est l’austérité / le problème c’est que l’État dépense trop », ou encore « l’État ne fait rien pour les patrons / l’État fait tout pour les patrons ». Les auteurs ne s’en cachent même pas, plaçant ces thèmes les uns à coté des autres sans doute pour susciter une forme d’humour. Le résultat suscite un certain malaise. Quelqu’un qui défend quelque chose et son contraire ne peut pas être de bonne foi. À moins de renoncer à la santé mentale, ou à toute représentation réaliste de la réalité.

Mais ce paradoxe est au cœur du socialisme – le mythe d’une perception de la réalité plus forte que la réalité elle-même. Le socialisme se joue des mots et les mots représentent d’ailleurs son seul domaine d’existence. Pour que le socialisme réussisse, il suffit en théorie que suffisamment de croyants sincères se forcent à scander « tous ensemble tous ensemble » dans une incantation (les manifestations, autre symbolisme de la gauche, sont une autre célébration propice au phénomène) et alors, selon le dogme, la réalité pliera.

L’insécurité est un « sentiment » – il suffit de la nier, et nous nous sentirons en sécurité. La croissance est « dans les esprits ». La consommation dépend du « moral » des ménages plus que de leur réelle situation économique. La courbe – parlons plutôt de ligne droite – du chômage s’inversera par la force de la volonté du Président et de son équipe…

C’est le règne de la pensée magique, mais cette pensée magique est le seul domaine d’influence du socialisme. Si la prospérité pouvait se payer de mots, le socialisme et ses avatars auraient été couronnés de succès depuis longtemps. Nous savons qu’il n’en est rien ; mais inlassablement, parce que c’est sa seule façon d’agir, le socialisme essaye de formater les esprits, d’embellir la perception de la réalité, de faire passer des vessies pour des lanternes. Un travail de bénédictin pour lequel toutes les bonnes volontés sont requises, au point de devoir fournir un kit de prêt-à-penser en langue de bois jusque dans les repas familiaux lors des fêtes de fin d’année.

Pitoyable de devoir en arriver là, et tout aussi pitoyable de penser que pareille opération puisse sauver la France du naufrage.


Sur le web.

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  • Oui le socialisme fonce droit dans le mur, et s’étonne que le mur ne s’écarte pas quand il klaxonne.

  • le socialisme c’est magique…

  • Bonjour,

    tout d’abord, bonne année 2015 avec le succès pour Contrepoints et ses contributeurs !

    Mouais… ça ressemble à un gros fake en tout cas… si on regarde sur l’afnic, le titulaire et le responsable administratif du nom de domaine semblent valident, mais je ne vois pas pourquoi l’état s’embarrasserait à aller l’héberger chez DIGITAL RURAL INFORMATIQUE…

    pas très clair ce truc…

    Cordialement,

  • C’est tellement gros qu’on a l’impression d’un fake !

    Comment y accède-t-on depuis la page d’accueil du site gouvernement.fr ?

  • la propagande socialiste semble sans limite….mais elle est bien innutile ; il est vrai que quand on est confronté à un quotidien qui se dégrade de jour en jour , on n’a pas les mêmes vues face à des individus qui eux ne connaissent rien de la réalité ; alors les socialos peuvent bien nous parler de lendemains qui chantent , ça nous fait une belle jambe ;

  • C’est pas un fake, c’est copié du « How To Talk To Your Republican Uncle » pondu il y a déjà un certain temps pour les fêtes de Noël par les spin doctors de Zerobama. Bah oui, ‘faut recycler pour sauver la planète.

    Les faits et la réalité, ça ne veut rien dire pour les gauchistes, ce qui importe c’est les mots et la propagande alors quand ils trouvent une idée pour en faire, ils sautent dessus comme un singe dans une bananeraie.

  • ça c’est de la propagande réelle.

  • Pour la productivité il y a aussi le phénomène que seul les adultes bien formés travaillent encore, les jeunes, les anciens sont relégés dans le chômage et la précarité.

  • Abraracourcix : Ce que j’ai fait pour l’industrie ? J’ai des chiffres. Cette année, XII enclumes ont étés vendues, ce qui représente une augmentation de C% sur l’année précédente.

    Orthopédix : Les chiffres, on leur fait dire ce qu’on veut.

    (Astérix, Le Cadeau de César)

    C’est bien que le gouvernement fasse de la culture en pastichant la Bande Dessinée.

  • « Qu’est-ce que tu fais Dédé à regarder ton pantalon ? On dirait que tu as trouvé un rat au fond de ta poche ? »

    => Vous m’avez fait hurler de rire ! 😀

  • embellir la perception de la réalité,

    Le chiffre de 57% est trop beau pour être vrai. Avec les retraites des régimes spéciaux, qu’il faudrait provisionner et donc ne pas s’endetter, cela doit être 61% pour autant que le privé ne s’effondre pas.

  • « Pitoyable de devoir en arriver là, et tout aussi pitoyable de penser que pareille opération puisse sauver la France du naufrage. »
    Excellente conclusion cher Stéphane car il s’agit de pensée magique pour sauver de la pensée magique.
    Comme vous le dites au début de votre billet, c’est du lourd, du très très lourd !!! Les socialos ont touché le fond et maintenant ils creusent pour aller encore plus bas. Un jour viendra, j’espère, où ils atteindront le magma…
    Bonne année à vous.

  • « la productivité horaire française est supérieure à ses équivalents allemands ou anglais – ce qui est rigoureusement exact »

    En excluant surtout du travail les jeunes et les vieux. C’est la magie des statistiques tribales du socialisme. Il faut rappeler qu’un entrepreneur en France a 20 personnes à faire vivre.

    Stakhanov n’est toujours pas mort.

    • 56% du PIB français est produit par 5.5 millions de fonctionnaires et assimilés, qui sont donc d’une productivité extraordinaire par rapport aux 20 millions d’autres qui n’en produisent que 44%.

  • On n’est pas sorti de l’auberge…

    Ceci dit, entre caramel mou, et réglisse dure, difficile de choisir celui qu’on déteste le plus… La pilule a du mal à passer depuis 2007… (Et même avant.)

    • Camille, avant ils savaient ce qu’ils faisaient (même si c’était pas génial) du coup, ils communiquaient de manière plus intelligente sur leurs entourloupes…

      Aujourd’hui c’est communiquer pour exister alors forcement il y a des couacs en permanance.

  • Le gouvernement donne des bâtons pour se faire battre.

    En résumé :

    Tu crois qu’y a des blèmes ? T’inquiète, le Gouvernement veut faire des choses biens. Tu le vois pas forcément parce que c’est trop moderne, LGBT, cosmopolite et climatoconscient pour toi mais les spécialistes disent que c’est bien !

    Voici quelques perles :

    Rythmes scolaires : « C’est quand même une sacrée mesure d’égalité ! (…) Les spécialistes s’accordent à dire que c’est mieux »

    Europe : « La France défend l’idée d’une baisse de l’euro (…) Et de fait, l’euro baisse »

    Réformes : « Réforme territoriale, réforme des retraites, réforme du marché du travail, réforme de la formation professionnelle, réforme de l’assurance chômage… tu appelles ça rien ? Et ce n’est pas fini: je t’invite à aller voir les 155 réformes en cours ou prévues du Gouvernement pour soutenir la croissance et l’emploi, lutter contre les inégalités et préparer l’avenir »

    « ‘Les politiques : tous pourris !’ (…) Tu as raison »

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Quénel est journaliste indépendant. Il travaille principalement sur le développement des organisations terroristes en Asie du Sud-Est, les questions liées au renseignement et les opérations d’influence. Membre du collectif de journalistes Longshot, il collabore régulièrement avec Les Jours, le magazine Marianne, Libération. Son dernier livre, Allô, Paris ? Ici Moscou: Plongée au cœur de la guerre de l'information, est paru aux éditions Denoël en novembre 2023. Grand entretien pour Contrepoints.

 

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