Des ravages du manque de sincérité dans les relations humaines, par Olivier Bardolle, est un petit livre qui semblait bien prometteur, lorsque je l’ai lu en 2010. De même pour les deux autres essais du même auteur, que je n’ai quant à eux pas lus, analysant cette fois les caractères contemporains à travers, respectivement, la peur et la résignation.
La sincérité est-elle toujours possible ?
Partant d’un fait divers particulièrement marquant de ces dernières années, situation folle où un homme avait menti à toute sa famille sur sa situation durant dix-huit longues années, avant de ne trouver d’autre extrémité que de les assassiner tous avant de retourner l’arme contre lui, Olivier Bardolle se pose la question de la responsabilité de tous dans de tels événements, de l’art bien trop répandu de se voiler la face. Pour amener la question suivante : la sincérité est-elle toujours possible ?
Réponse pas évidente et souvent contradictoire. La psychologie humaine et les rapports sociaux aboutissent fréquemment à la conclusion inverse : non, la sincérité n’est généralement pas bien perçue et elle est souvent cause de rejet. Ce qui oblige chacun à un paraître dont il ne peut entièrement se départir, sans risquer l’incompréhension et les ennuis sérieux, voire l’isolement.
Le poids des conventions, les symptômes de l’hypermodernité, tout concourt à rendre la sincérité difficile, voire stupide.
Et pourtant, le manque de sincérité aboutit lui-même à bien des ravages. On ne saurait donc en faire l’éloge, bien au contraire, même si la comédie humaine ou notre état naturel y conduisent.
La sincérité en amour

Si Olivier Bardolle commence par évoquer la politique, ce qui m’a laissé penser dans un premier temps que je m’étais trompé sur la qualité de l’ouvrage (même si beaucoup d’éléments énoncés me paraissent justes), l’ouvrage brille dans ce qui en constitue le coeur : la sincérité en amour.
Pas forcément agréable à lire, effrayant dans l’analyse pointue qui est faite des relations complexes entre psychologies de l’homme et de la femme dans leurs rapports amoureux, beaucoup de vérités surgissent et sont analysées au microscope de manière flamboyante.
Apparentant la séduction à un sport de combat et décortiquant les spécificités des psychologies masculines et féminines, dont les différences portent à des rapports complexes et pas toujours parfaitement compatibles, distinguant l’homme-chat de l’homme-chien, aux caractères opposés, sa vision de l’amour est, en définitive assez sombre, même s’il tente au final de la tempérer en en retirant par une pirouette habile le positif, à travers une vision très philosophique.
Et, si on y ajoute les “facéties de l’inconscient”, c’est à une vision finalement assez déprimante des rapports amoureux qu’Olivier Bardolle nous convie.
La sincérité en amitié, au travail, en société
Puis, l’auteur s’intéresse à l’analyse de la sincérité en amitié “et autres affections diverses”. Avant d’évoquer “l’impossible sincérité des hommes au travail” et la “sincérité chamanique”. Avec, en toile de fond, une critique féroce contre la société occidentale contemporaine, où l’on retrouve par moments des accents à la Philippe Muray dans Festivus Festivus, la fausseté régnant en maître dans un monde mené par des élites “disqualifiées”.
Critique dure, qui va parfois très loin, comme dans ce passage où la politesse et l’apprentissage de la vie adulte sont un peu rapidement assimilés à des humiliations et du mensonge dont l’hypocrisie est latente, même si l’auteur en reconnaît les vertus sur la pacification des rapports sociaux.
Des ravages du manque de sincérité dans les relations humaines
Quelques stéréotypes sont malheureusement également un peu trop présents, tels ce couplet si répandu sur les riches qui sont toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres et autres visions pessimistes du monde dont les faits invalident bien souvent l’assertion.
Comme je n’aime pas la fin, lorsque l’auteur, pressé d’en finir et de trouver un moyen de clore un ouvrage somme toute assez pessimiste sur une note d’espoir, le fait très artificiellement à travers le cas d’un homme (“la sincérité retrouvée d’Anderson Cooper”), dont l’analyse très partielle et partiale peine à convaincre.
Au total, un ouvrage intéressant, mais de portée inégale, à lire en ayant un solide moral, et en sachant prendre du recul. Un essai très court, qui se lit très très vite.
— Olivier Bardolle, Des ravages du manque de sincérité dans les relations humaines, L’Esprit des Péninsules, février 2006, 141 pages.
À lire aussi :
- Le droit de mentir, par Emmanuel Kant, du même auteur
Drôle d’analyse où j’apprends finalement pas grand chose sur le contenu d’un livre dont le titre donne pourtant envie d’en savoir plus.