« Causeries économiques d’un grand-père » de Frédéric Passy

Sous la forme de conversations entre un grand-père et ses petits-enfants, Frédéric Passy fait découvrir les bases du raisonnement économique.

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« Causeries économiques d’un grand-père » de Frédéric Passy

Publié le 8 décembre 2014
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Par Francis Richard.

causeries-passyQui est Frédéric Passy ? Né en 1822, mort en 1912, cet économiste et homme politique français est une grande figure de la pensée libérale, et un homme de paix. Ce qui lui a valu de recevoir, en 1901, le premier Prix Nobel de la Paix, conjointement avec le Suisse Henri Dunant, le fondateur de la Croix-Rouge.

Frédéric Passy s’est rendu compte, à la faveur des nombreuses conférences qu’il a données dans sa vie, que les notions les plus simples restent enveloppées d’ombres pour un certain nombre d’auditeurs, que, pour peu qu’ils aient des préventions, les démonstrations les plus évidentes ne les convainquent pas.

La lecture de La science du bonhomme Richard, livre de Benjamin Franklin, ainsi que l’heureux hasard de questions enfantines, l’ont amené à élaborer les Causeries du grand-père, où, sous la forme de conversations entre un grand-père et ses petits-enfants, il aborde notions simples et démonstrations évidentes qui sont à la base du raisonnement économique.

Au total, ce ne sont pas moins de trente-trois causeries que Frédéric Passy a ainsi dictées. Pour se faire comprendre de ses petits-enfants, le grand-père des Causeries illustre ses propos d’histoires édifiantes et, ce faisant, se met à leur portée. Il les assortit de commentaires et de conclusions d’une grande limpidité, dont on trouvera ci-après quelques exemples.

La valeur

« Ce ne sont pas les choses qui valent, et ce n’est pas à vrai dire, elles que l’on paie : c’est la peine qu’il a fallu prendre, ou la dépense qu’il a fallu faire pour les obtenir. »

« Quand une marchandise ou un service sont très demandés et peu offerts, leur prix monte. Quand ils sont peu demandés et beaucoup offert, leur prix baisse. »

« [Frédéric Bastiat] a dit que la valeur est le rapport de deux services échangés. »

« Turgot, qui vivait au XVIIIe siècle, a dit dans un de ses ouvrages : « L’homme fait un premier commerce avec la nature ». L’homme a des besoins; il veut les satisfaire ; mais pour les satisfaire il est obligé de faire un effort. »

Le patrimoine commun

« Toutes les inventions sont à tout le monde ; toutes les découvertes scientifiques également; tous les procédés perfectionnés de fabrication, l’amélioration des moyens de transports et des voies de communications ; tout se répand de proche en proche. Et c’est pour cela que l’on dit qu’il y a un patrimoine commun. »

« Ce rayonnement de la richesse produite par les travaux individuels, c’est l’héritage de ceux que l’on appelle bien improprement des déshérités. »

La propriété

« Je travaille et je produis. Le produit de mon travail, qui en est la représentation, l’équivalent de mon temps et de ma peine, de ma vie, en d’autres termes, m’appartient ; c’est ma propriété. Ce produit, j’en consomme une partie pour réparer mes forces ou me mettre à l’abri des dangers qui menaceraient mon existence, et j’en mets de côté une partie : c’est une épargne. Aurai-je moins de droits sur ce produit non consommé, parce qu’à l’effort de l’obtenir par mon travail, j’aurai joint le mérite de le conserver par mon abstinence ? Évidemment non. Mon droit sera en quelque sorte doublé. »

Le capital

« Le capital, produit du travail, c’est tout ce qui, sous une forme quelconque, rend le travail plus facile ou plus productif. Ce sont les instruments, les ressources accumulées, les provisions qui permettent de songer à l’avenir au lieu d’être absorbé par le présent; ce sont surtout les connaissances, les idées, les habiletés manuelles, les qualités intellectuelles et les habitudes morales, sans lesquelles les efforts humains se traîneraient dans une perpétuelle routine. »

La monnaie

« Les rois condamnaient aux peines les plus atroces les misérables qui altéraient les monnaies; et eux-mêmes, par un abus de leur puissance, faisaient de la fausse monnaie et prétendaient l’imposer pour bonne au public. »

« Si, en cas de besoin, le papier qui promet des francs, des dollars ou des livres sterling ne pouvait pas les procurer, ce ne serait qu’un chiffon dont personne ne voudrait. Et c’est ce qu’on appelle du papier-monnaie. »

« Le papier est un bon de monnaie; la monnaie est un bon de produits et de services. »

« L’argent n’est pas la vraie richesse; il n’en est que la représentation ou le gage. C’est une richesse provisoire dont on ne jouit réellement qu’en s’en défaisant, comme on ne se nourrit qu’en consommant les aliments. »

Le salaire

« Si le public consent, comme cela arrive quelquefois, à payer certains produits très cher, s’ils ont la vogue, le fabricant qui gagne beaucoup dessus et qui tient à profiter de cette vogue, ne manquera pas d’augmenter son salaire pour attirer de bons ouvriers ; si au contraire, l’objet n’est plus demandé, il ne pourra continuer à le vendre qu’à la condition de baisser le prix ; et la réduction de salaire sera inévitable. C’est pourquoi, tout en ne se laissant pas aller à changer légèrement de métier, il est bon d’avoir l’œil ouvert sur les fluctuations du marché et d’être capable d’abandonner à temps une branche d’industrie qui dépérit, pour se porter vers une autre qui se développe. »

L’intérêt

« Ce que le prêteur demande pour prix de son prêt n’est autre chose, au fond que la compensation présumée de la détérioration subie par la chose prêtée, de son usure, ainsi que de la privation supportée par le prêteur.

– Et du risque de perte ; car il y a des emprunteurs qui ne rendent pas ce qu’on leur a prêté, comme il y a des acheteurs qui ne paient pas ce qu’on leur a vendu. »

Marx Hollande Mélenchon René Le HonzecCes quelques citations donnent un aperçu de la matière du livre de Frédéric Passy, qui parle de bien d’autres sujets, développés via des histoires compréhensibles par de jeunes esprits, leurs conclusions étant l’aboutissement de raisonnements clairement exprimés.

Les machines, la spéculation, le libre-échange, le luxe, les services privés et les services publics etc. ne sont pas esquivés. Ce qui frappe, c’est l’actualité de ces sujets abordés. Finalement, ce qui est préoccupation au début du XXe siècle le demeure au début du XXIe.

Dans sa dernière causerie, en guise de conclusion, il rappelle la solidarité naturelle qui lie les êtres humains les uns aux autres. Cela devrait donner matière à réflexion aux adeptes de la contrainte (qui engendre jalousie, animosité et haine), alors que le nom de la solidarité volontaire est fraternité :

« Émulation, soit ; rivalité, mais rivalité féconde et tempérée par la justice et la bienveillance. Le mal, comme le bien, se partage et se répercute. Nous sommes solidaires. Et chacun de nous, en travaillant pour lui, devrait songer qu’il travaille pour les autres, et que les autres travaillent pour lui. »


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  • Belle dernière citation, qui manifeste une logique de création, par opposition à la logique de pillage du socialisme.

  • Mais le monde depuis Bastiat ou Passy a changé !

    La Propriété ce n’ est pas que des sous et des biens meubles ou immobilier voyons !

    Le temps m’ appartient

    si vous m’ obligez à changer l’ heure c’ est possible depuis les portables radios à pile dite transistor vous attaquez mon droit de propriété sur cette valeur

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