Les bénéfices pour tous des applications de covoiturage commercial

Les applications de covoiturage commercial sont susceptibles de révolutionner le secteur du transport personnel en milieu urbain.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Manifestation des taxis contre Uber à Londres (Crédits : David Holt, licence CC-BY-SA 2.0), via Flickr.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Les bénéfices pour tous des applications de covoiturage commercial

Publié le 23 novembre 2014
- A +

Par Vincent Geloso et Jasmin Guénette [*]
Un article de l’Institut économique de Montréal

Manifestation des taxis contre Uber Londdres Credit David Holt (Creative Commons)
Londres – Manifestation des chauffeurs de taxi contre Uber

 

Les applications de covoiturage commercial comme Uber, Lyft et Sidecar sont en train de révolutionner l’industrie du transport urbain. En permettant aux chauffeurs de taxi de trouver des clients plus rapidement et à d’autres personnes d’offrir plus aisément des services de transport, ces technologies pourraient procurer des bienfaits appréciables aux consommateurs.

Le marché du transport urbain est confronté à un problème fondamental d’organisation : en l’absence d’un système qui facilite leurs échanges, il est coûteux pour les consommateurs et les fournisseurs de service de se retrouver au bon moment et au bon endroit. En économie, on dit alors que les coûts de transaction agissent comme un obstacle à l’échange.

Dans le transport par autobus, on règle ce problème en fixant des itinéraires et des horaires spécifiques. Pour ce qui est du taxi, des entreprises de répartition ont été établies pour coordonner les échanges entre les chauffeurs et un vaste bassin de clients se servant du téléphone pour faire appel au service. Compte tenu des limites technologiques de l’époque, il s’agissait là d’une avancée satisfaisante. Aujourd’hui, par contre, les applications de covoiturage lancées par téléphone intelligent offrent un moyen beaucoup plus puissant de réduire les coûts de transaction entre chauffeurs et passagers.

Les avantages des applications de covoiturage commercial

Les avantages les plus importants de ces nouvelles applications résultent de l’utilisation plus efficace des ressources de transport grâce au covoiturage. Une étude réalisée à New York d’après une base de données de millions de déplacements en taxi a révélé qu’un partage entre passagers pourrait réduire d’environ 40% le nombre total de kilomètres parcourus. Ceci aiderait à réduire la taille et la fréquence des embouteillages, les émissions atmosphériques polluantes ainsi que les prix et temps d’attente pour les consommateurs1.

Déjà, des études ont confirmé que l’introduction de ces applications dans le marché de San Francisco a considérablement réduit les temps d’attente. Entre 4h et 18h les jours de semaine, 93% des consommateurs ayant utilisé des applications de covoiturage – mais à peine 35% des clients ayant utilisé un service de répartition des taxis – ont attendu 10 minutes ou moins l’arrivée de leur véhicule après avoir passé leur appel. Les consommateurs ont préféré ce service à celui des taxis traditionnels parce qu’ils peuvent le payer facilement, n’ont pas à attendre longtemps et parviennent sans peine à demander un véhicule2.

Une enquête menée dans 21 grandes villes américaines indique que l’utilisation d’Uber coûte moins cher que le taxi partout sauf à New York et à Philadelphie pour une course ordinaire (voir Figure 1). De plus, ce type de technologie est susceptible d’encourager les consommateurs à abandonner l’automobile pour faire plutôt du covoiturage. Par conséquent, le marché du transport urbain pourra prendre de l’expansion en attirant les consommateurs moins disposés à posséder leur propre automobile3.

Figure 1 IEDM

Les chauffeurs et consommateurs sont encore avantagés du fait que ces applications peuvent mettre en œuvre ce qu’on appelle la « tarification de pointe », lorsque les prix augmentent parce qu’il y a trop peu de chauffeurs par rapport au nombre de clients voulant effectuer une course durant une période exceptionnellement active de la journée. Ceci a pour effet d’encourager des chauffeurs à temps partiel à offrir leurs services. En équilibrant ainsi l’offre et la demande, on prévient les pénuries de service qui surviennent en pareilles périodes. De plus, les applications pour téléphone intelligent permettent aux chauffeurs de trouver plus aisément des clients, de passer moins de temps en transit entre deux courses et de maximiser le nombre de passagers qu’ils transporteront chaque jour.

Indemniser les chauffeurs de taxi pour des politiques désuètes

Le seul obstacle concret à l’adoption de ces nouvelles technologies est le système largement répandu des permis de taxi (permis d’exploitation). Il est impossible d’entrer dans l’industrie du taxi sans acquérir un tel permis ou en louer un d’une personne qui en est détentrice. Actuellement, à Montréal, le prix d’un permis est d’environ 200.000$4. La concurrence accrue que suscitent les applications de covoiturage commercial fait diminuer la valeur de ces permis. Une étude menée dans la région de Chicago indique que lorsque la popularité croissante des applications fait passer le nombre des courses qu’elles génèrent de 2,5% à 20% du total, la valeur des permis chute de 57%5. Les chauffeurs de taxi qui comptent sur leur permis en tant qu’actif garantissant leurs vieux jours considéreront à juste titre toute détérioration dans leur valeur comme une menace à leurs perspectives de retraite.

Cette dynamique explique la résistance de l’industrie du taxi. Néanmoins, les avantages potentiels du covoiturage commercial sont si grands qu’il serait économiquement plus efficace pour tout le monde de résister à la tentation de bannir ou de trop réglementer ces nouveaux services et d’indemniser plutôt les chauffeurs de taxi d’une partie de leurs pertes6. Par la suite, l’entrée sur le marché du transport urbain serait libre. Ceci améliorerait aussi la vie des plus jeunes chauffeurs de taxi qui, exemptés des lourds intérêts sur les prêts qu’ils auraient eu à contracter pour acquérir un permis, pourraient faire concurrence en réduisant leurs tarifs sans diminuer leur niveau de revenu.

Conclusion

Les applications de covoiturage commercial sont susceptibles de révolutionner le secteur du transport personnel en milieu urbain et d’améliorer grandement la qualité de vie des citoyens. Une politique économique appropriée ne devrait pas empêcher leur adoption par les consommateurs tout en indemnisant ceux et celles qui subiront les conséquences d’une réglementation gouvernementale devenue désuète.


Sur le web.
[*] Vincent Geloso est chercheur associé à l’IEDM et candidat au doctorat en histoire économique à la London School of Economics. Jasmin Guénette est vice-président de l’Institut économique de Montréal.

  1. Paolo Santi et al., « Quantifying the Benefits of Vehicle Pooling with Shareability Networks », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 111, no 37, 2014, p. 13290-13294.
  2. Lisa Rayle et al., App-Based, On-Demand Ride Services: Comparing Taxi and Ridesourcing Trips and User Characteristics in San Francisco, University of California Transportation Center, août 2014, p. 12 et 15.
  3. Elliot Martin et Susan Shaheen, « The Impact of Carsharing on Household Vehicle Ownership », Access, no 38, 2011, p. 23 à 27; Farhad Manjoo, « With Uber, Less Reason to Own a Car », The New York Times, 11 juin 2014.
  4. Taxi à vendre, Le portail officiel de l’industrie du taxi au Québec, Annonces pour Montréal.
  5. Roger Teal, Economic Impacts of App Development and Control, Taxi Research Partners, Ltd., 2014, p. 14.
  6. Ce régime d’indemnisation pourrait être appliqué en fonction du montant original payé par le détenteur du permis, la durée pendant laquelle il l’a détenu, etc. Il s’agit ici de la même logique qu’a suivie le gouvernement australien lorsqu’il a indemnisé les exploitants de ferme laitière après l’abolition des quotas de production en 2000.
Voir les commentaires (12)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (12)
  • Il reste à voir les histoires d’assurances, de responsabilités. C’est comme tout, le libéralisme fonctionne très bien quand il n’y a pas de problèmes, c’est la résolution des conflits la partie délicate.

  • Vous nous avancez tous les avantages pour le consommateur ❗
    Mais un état socialiste en manque ne va pas laisser passer l’occasion de taxer ces avantages. Sinon, les licences de taxi seraient gratuites :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen:

  • J’ai parfois du mal à comprendre les définitions de chacun du libéralisme. Tuer une profession au profit du consommateur ne me semble pas très libéral. Si libérer un secteur peut être nécessaire il faut le faire avec les acteurs du marché et progressivement. Dans le cas du transport de personne on veut libéraliser en introduisant de nouveaux acteurs sans desserrer la contrainte des actuels. C’est une curieuse idée destructrice. Une manière supplémentaire de diriger en faisant croire à la liberté. Que les nouveaux acteurs du marché se méfient, un jour se sera leur tour d’être cannibalisé par l’état.

    • C’est simple : interdire à quiconque de faire le métier qu’il veut est contraire à la liberté. Dans le cas present, faire ce métier est interdit à priori, et la preuve en est que l’autorisation doit être achetée. Il n’y a pas d’ambiguïté ici.

      • Ou placez vous le curseur diplôme ou examen dans l’accès au métier ! C’est là que je ne vous suis plus, si du jour au lendemain je veux faire médecin vous croyez vraiment que vous ferez confiance ?

        L’achat de licence est un faux problème, si vous êtes patients et assez commercial avec le maire de votre ville ce n’est pas un problème pour en avoir une gratuite (en revanche pas de sécu pendant 2 ans minimum) que vous ne pourrez revendre que 15 ans d’exploitation plus tard; au bout de 15 ans à créer une clientèle vous ne trouvez pas normal de récupérer un petit peu d’argent sur une affaire que vous avez fait prospérer par vos seuls efforts (travail irrégulier, horaire irrégulier, déséquilibre entre vie perso et pro) ? Si vous êtes pressé vous achetez, si vous n’avez pas l’âme d’un entrepreneur vous devenez salarié, rien n’empêche l’accès à la profession à part l’examen.

        Le soucis actuel n’est donc pas la licence mais simplement le fait que l’on permettais à des personnes de faire le même boulot, sans examen, sans règle de sécurité lié au véhicule, sans prix réglementé et qu’on laisse les autres avec leur carcan réglementaire, empêchant toute initiative de concurrence loyale. Les taxis demandent juste une concurrence loyale.

        • sans prix réglementé

          Décidément … 🙁

          qu’on laisse les autres avec leur carcan réglementaire

          Ils n’ont qu’à se décarcasser de leur carcan.

          • Ahhh les grands donneurs de leçon ! les apôtres du « y a qu’à » ! lol

            • Ah bien voilà un chauffeur de taxi ❗

              Vous aurez sans doute remarqué, ou pas, que quand les prix sont administrés, la qualité s’évapore, quel que soit le produit ❓
              Et cela ne vous gêne en rien ❓

              • Ce n’est pas le prix qui dérange, c’est un problème exclusivement urbain. nous ne retrouvons pas cela en milieu rural ou je suis puisque nous faisons uniquement de la réservation et donc nous sommes obligés d’avoir un service de qualité pour survivre.

                En milieu urbain, les taxis se mettent dans une file et le client n’a pas le choix que de prendre le premier de la file, il n’y a donc aucune concurrence entre taxi, ils ne ressentent pas l’obligation d’avoir un service de qualité puisqu’ils sont sûr de charger lorsqu’ils seront premier dans la file. Laissons le choix au client du taxi qu’il veut prendre dans la file et là vous verrez que le service deviendra impeccable.

                La réglementation des tarifs est là pour que le client ne soit pas lésé par des indélicats qui fixeraient leur prix à la tête du client. Un taxi peut faire payer moins que son tarif compteur mais n’a pas le droit de demander plus. Il m’arrive de faire des forfaits avantageux pour des trajets réguliers, c’est normal.

                • Mais que l’état baisse les prix des licences, qui sont excessives sur les grandes villes européennes. Paris, Genève …
                  Les taxis ont déjà assez d’obligations et cela diminue la qualité.
                  L’irruption d’Uber est une bonne chose car cela remet en question cette rente injustifiée.

                  Quel prix avez-vous payé pour votre licence ❓

                  • L’état n’a rien à faire la dedans. Si on veut être vraiment libéral on laisse les chauffeurs vendre leur bout de papier à qui veut bien l’acheter. La commune a la charge aujourd’hui de délivrer ces autorisations, à elle d’en inonder le marché si elle veut faire baisser les prix. Mais pour moi la solution n’est pas là !

                    Il faut supprimer ce système de licence au plus vite. On convertirait en « trimestre retraite » celles de ceux qui les ont acheté. Ensuite on enlève toutes les interdictions de communalité, on laisse les prix libres et enfin pour garantir d’avoir des chauffeurs fiables et capables on renforce la difficulté de l’examen permettant d’exercer le métier.

                    Je l’ai payé un certain prix ! disons le prix d’un terrain nu dans mon secteur.

                    • Il faut supprimer ce système de licence au plus vite. On convertirait en « trimestre retraite » celles de ceux qui les ont acheté. Ensuite on enlève toutes les interdictions de communalité, on laisse les prix libres et enfin pour garantir d’avoir des chauffeurs fiables et capables on renforce la difficulté de l’examen permettant d’exercer le métier.

                      D’accord avec vous. Si l’état et ses subdivisions arrêtaient de vendre ces licences, il y aurait moyen de sortir de ce système : chaque licence donnerait droit à x licences que le possesseur pourrait revendre.

                      Je l’ai payé un certain prix ! disons le prix d’un terrain nu dans mon secteur.

                      Désolé pour vous . c’est cher payé.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Par la magie d’un coup de plume dont ils ont le secret, les législateurs new yorkais ont simplement triplé le salaire des 65 000 livreurs de la ville.

Les populaires plateformes Uber Eats, Doordash et Grubhub seront maintenant forcées de les payer 17,96 dollars de l’heure (puis 19,96 dollars en avril 2025), alors qu’ils ne gagnaient en moyenne que 7,09 dollars de l’heure.

En effet, le jeudi 28 septembre 2023, le juge par intérim de la Cour suprême de l’État[1], Nicholas Moyne, s’est prononcé contre les entreprises après qu’elles... Poursuivre la lecture

10
Sauvegarder cet article

Durant l’été 2022, le journal Le Monde et des médias du Consortium international des journalistes d’investigation ont publié près de 120 000 documents mettant en avant les techniques de l’entreprise Uber pour contourner les lois et s’insérer dans le marché très fermé des transports publics particuliers de personnes. Le responsable des fuites, un ancien lobbyiste d’Uber entre 2014 et 2016 nommé Mark MacGann, a joué un rôle central dans les relations entre l’entreprise et les politiques.

Sur la base de ces révélations, une commission d’e... Poursuivre la lecture

Uber files
3
Sauvegarder cet article

Une nouvelle « affaire » agite le milieu médiatique : de 2014 à 2016 une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation publiée dimanche 10 juillet révèle qu'en coopération avec des lobbyistes, le ministre de l’Économie aurait pesé de tout son poids pour qu’Uber s’implante en France. Au cœur du « scandale », un deal entre Emmanuel Macron et Uber autour de la loi Macron 2 : en échange de l’abandon de la mise en place d’Uberpop, Emmanuel Macron a promis de faciliter les conditions d’accès pour devenir chauffeur de VTC. Il ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles