« La mémoire de Clara » de Patrick Besson

Patrick Besson fait rire avec son dernier livre en projetant le lecteur dans le futur, en 2060, ce qui lui permet de créer un monde qui est la caricature du nôtre.

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« La mémoire de Clara » de Patrick Besson

Publié le 14 octobre 2014
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Patrick Besson fait rire avec son dernier livre en projetant le lecteur dans le futur, en 2060, ce qui lui permet de créer un monde qui est la caricature du nôtre et de voir notre temps présent au passé.

Par Francis Richard.

bessonPar les temps qui courent les occasions de s’amuser ne sont pas si fréquentes qu’il faille les laisser s’échapper quand elles se présentent. Patrick Besson, avec La mémoire de Clara, offre une de ces opportunités de rire. Rire, bien sûr, se fait toujours aux dépens de quelqu’un ou de quelque chose. Il est cruel de rire, mais, dans le même temps, cela fait du bien, au corps et à l’esprit. Henri Bergson, qui l’avait étudié savamment, avait compris que le comique exigeait « quelque chose comme une anesthésie momentanée du cœur » et qu’il s’adressait à « l’intelligence pure »

Patrick Besson fait rire avec son dernier livre en projetant le lecteur dans le futur, en 2060, ce qui lui permet de créer un monde qui est la caricature du nôtre et de voir notre temps présent au passé, c’est-à-dire, comme aurait dit Bergson, d’y assister « en spectateur indifférent »

La guerre civile libyenne (2013-2031) a fait six cent sept mille morts… La guerre de 2039-2045, qui a vu s’affronter le bloc chiite et le bloc sunnite, avec les chrétiens au milieu, s’est traduite par la victoire des alliés (Bahrein, Oman, E.A.U), c’est-à-dire du premier bloc. Et ceux qui ont fricoté avec les Saoudiens pendant l’Occupation, tel que Patrick Besson, ont eu des ennuis à la Libération…

L’islam chiite est maintenant la religion dominante dans le monde (l’Académie française, toujours très convoitée par les écrivains, est « l’un des derniers bastions de la foi chrétienne »). L’Assemblée multinationale vote désormais les lois applicables dans les 92 pays de l’Union asiato-européenne… La monnaie qui a cours est l’eurofranc qatari, €fq…

La technique a évolué. Internet est devenu Ypernet – les nouvelles vont encore plus vite qu’aujourd’hui – et Google s’appelle maintenant Gogol, « après la mainmise de l’empire russe sur une partie de l’Alaska où le site est installé ».

Le téléphone n’est plus ce qu’il était. Seuls quelques dinosaures utilisent encore l’iPhone 105, au risque d’être dénoncés à la brigade Samsung. Tous les autres se sont fait greffer une puce et il leur suffit de « se toucher le milieu du front avec l’index » pour téléphoner.

La longévité a encore augmenté. Nombreux sont les centenaires. Bientôt il y aura pléthore de cencinquantenaires. Les nonagénaires, par exemple, sont encore vertes, ou verts, même sexuellement…. Les différences d’âge entre partenaires peuvent se compter en plusieurs décennies…

Avec la loi de 2020, dite loi Trierweiler, l’imparité a remplacé la parité : aux postes de direction il y a désormais cinq femmes pour un homme et « le salaire des hommes, à travail égal, est moitié moindre que celui des femmes » : « Déjà qu’à la fin du XXe siècle les hommes n’en menaient pas large, maintenant ils font dans leur froc. »

Depuis la loi Nabilla, les femmes sont majeures et éligibles à douze ans, les hommes majeurs à vingt-cinq et éligibles à trente…, Patrick Besson remarque malicieusement : « La justice n’intéresse plus les femmes. Ce qu’elles veulent, c’est la vengeance. »

Clara Bruti, 93 ans, veuve de l’ex-Président de la République française Jean-François Brancusi, mort en 2035 à 82 ans, veut écrire ses mémoires, mais justement elle l’a perdue la mémoire, elle est alzheimérienne… ce qui vaut au lecteur des dialogues d’anthologie avec celles et ceux qui la fréquentent, des dialogues que l’on pourrait qualifier de sourds et qui sont tout simplement désopilants.

Son éditrice, Aurélia Meyer, 100 ans, ex de Jean-François Brancusi, propose à Clara l’aide de son arrière-petit-fils, Aimé Boucicaut, 21 ans, auteur du best-seller What the fuck (700 000 exemplaires vendus en France). Aimé, fauché comme les blés par de lourdes ponctions du fisc et par de lourdes dépenses « en boissons et nanas », doit renoncer momentanément à écrire son livre sur Frédéric Berthet, l’ami d’Eric Neuhoff, d’Anthony Palou, de Philippe Sollers, de Marc-Edouard Nabe et de… Patrick Besson. Livre qui pourrait tirer tout au plus à cinq cents exemplaires…

Les autres protagonistes de ce roman à grosses clés sont :

  • Jean-Paul Lovamour, 112 ans, ex de Clara et ex-beau-père de Clara, philosophe,
  • Bernard Lovamour, 90 ans, fils du précédent, ex de Clara et de Judith Cohen,
  • Solal Cohen, 112 ans, père de Judith Cohen, philosophe,
  • Judith Cohen, 73 ans, Secrétaire perpétuelle de l’Académie française,
  • Samantha Neuhoff, 22 ans, petite-fille d’Éric Neuhoff et petite amie d’Aimé Boucicaut, chroniqueuse gastronomique, nue sous sa burka.

L’auteur, qui a le sens du raccourci pour dépeindre les situations les plus emmêlées, résume en une phrase les liens qui les unissent ou les désunissent, comme dans la vraie vie d’ailleurs : « Solal comprit que Jean-Paul tomberait amoureux de Clara mais ne comprit pas que Clara tomberait amoureuse de Bernard, le fils de Jean-Paul, qui du coup serait amené à quitter Judith, la fille de Solal. »

Il ajoute aussitôt, facétieux : « C’était un beau sujet de roman mais il y manquait selon lui la dimension politique et philosophique, c’est la raison pour laquelle il ne l’avait pas écrit. »

Pour sa part, l’auteur n’a pas été rebuté par l’absence de cette dimension. Ce qui vaut au lecteur un roman bourré de clins d’œil sur le microcosme des pipoles de la politique, des médias et des écrivains, et truffé d’aphorismes humoristiques, dont il a le secret, tel celui-ci qui pourrait aller comme un gant à quelqu’un de ma connaissance, quand il trépassera : « Quand on meurt maigre, on meurt moins, puisqu’il y a moins de nous qui meurt. »


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