Oublier hardiment toute crédibilité

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Pierre Moscovici en 2012 (Crédits Mathieu Delmestre-Parti socialiste, licence Creative Commons)

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Oublier hardiment toute crédibilité

Publié le 14 septembre 2014
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Qu’il est étrange, ce pays où ceux qui comprennent quelque chose sont soigneusement ignorés, où ceux qui ont failli sont récompensés et où ceux qui s’éloignent du pouvoir deviennent subitement lucides ! Qu’il est bizarre, cet État dans lequel on trouve à la fois des olibrius bouffis de leur propre importance qui prennent des décisions lamentables des années durant sans jamais rendre de compte à personne, et à la fois des personnes qui, pendant les mêmes durées, fournissent obstinément des éléments de réflexion sensés que les premiers feignent de ne pas entendre.

La France est terre de paradoxe.

Prenez Christian Noyer. C’est l’actuel gouverneur de la Banque de France, et aussi celui de la Banque des Règlement Internationaux, la banque centrale des banques centrales. C’est un énarque, ce qui tendrait plutôt à le classer dans la colonne des problèmes de ce pays plutôt que dans celle des solutions. Pourtant, lors d’un récent entretien sur Europe-1, on découvre, surpris, que ce qu’il raconte n’est pas du domaine du n’importe quoi habilement enrobé de langue de bois ou d’une vision keynésienno-absurde de l’économie.

C’est assez éberlué qu’on entend ainsi un des personnages les plus importants de l’économie française balancer quelques évidences qui sonnent comme un chapelet d’hérésie en ces temps confus d’ignorance économique portée comme des étendards montebourgeois. Si l’on écarte son optimisme que je qualifierais d’un peu audacieux qui lui fait croire que la France est devant une passe décisive, à l’orée d’un sursaut ou du déclin, on ne peut s’empêcher de noter dans les réflexions de Noyer quelques éléments dont on se demande pourquoi la presse ne semble pas faire grand cas.

Ainsi, lorsqu’Elkabbach estime que la réduction de quelques dizaines de milliards d’euros des dépenses publiques, ce serait « l’austérité », on est pris de stupeur en entendant :

« Non, quand on a 4 à 5% de déficits, ce n’est pas l’austérité. »

oooh filoche… Comment ? On nous aurait menti depuis toutes ces années, partout, sur les ondes, sur les mauvais papiers de journaux déficitaires, dans les sites interlopes de médias dépassés mais toujours aussi grassement subventionnés ? Oooh, voilà qui est étonnant. Et ce qui l’est plus, c’est qu’apparemment, l’intervieweur politique ne semble, lui, pas du tout étonné de voir un invité qui remet ainsi les pendules à l’heure.

Au demeurant, on regrette que ce rappel de la triste réalité n’est pas fait par le même intervieweur lorsqu’il reçoit ces politiciens qui, justement, pleurnichent amèrement sur l’insupportable austérité dont tout indique qu’elle n’existe en réalité pas du tout. Qu’il serait doux et comique, l’entretien avec l’une ou l’autre pleureuse socialiste (de droite ou de gauche, leurs barrissements se valant largement), si Elkabbach trouvait le courage de leur balancer exactement la phrase de Noyer lorsque ceux-ci s’épanchent humidement sur les méchantes économies déjà réalisées (« On est à l’os, M’sieur Elkabbach, snif, snif, à l’os ! »).

Et à la surprise d’entendre enfin quelques éléments de bon sens sur les déficits abyssaux creusés depuis trop longtemps succède l’effarement ému lorsque le gouverneur poursuit sur sa lancée en expliquant que non, des impôts supplémentaires ne sont pas une panacée, et que si, si, il existe des méthodes pour réduire les déficits, abondamment décrits dans l’imposante littérature laissée par la Cour des Comptes :

Il y a des gisements d’économie très importants. (…) Il ne faut évidemment pas augmenter les impôts. (…) Mais par contre, il faut couper hardiment dans les dépenses.

Sapristi ! La solution serait donc là ? Couper (hardiment) dans les dépenses ? Mais, mon brave Christian, vous n’y pensez pas ! Ceci s’apparente à un crime évident de lèse-socialisme ! Ainsi donc, il suffirait de relire attentivement les opuscules reliés de la Cour, d’y éplucher les évidentes gabegies et autres dérapages budgétaires permanents pour, enfin, retrouver un peu de marges de manœuvre en France ?

Cela paraît à la fois trop simple et bien trop complexe. Trop simple, parce qu’après tout, la solution décrite semble au bout des doigts : on a les manuels, on sait où taper, comment, pour combien de temps et ce que ça va représenter comme effort. Fastoche. Mais d’un autre côté, lorsqu’on sait qu’on devra batailler contre l’opinion publique, les personnels directement concernés, les politiciens dont le pouvoir dépend justement des dépenses qu’ils engagent, les syndicats et les habitudes, les tonnes de mauvaises habitudes qui font du système l’énorme usine à gaz qu’on connaît maintenant, on comprend que la tâche s’avère en réalité quasiment insurmontable.

Et la situation semble d’autant plus inextricable qu’au moment où Noyer balançait ses quelques vérités sur le plateau d’Europe-1, l’ancien ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, apprenait sa nomination comme Commissaire européen … aux Affaires Économiques. Et à ce point, difficile de ne pas toussoter : le renard se retrouve à garder les poules. Voilà qui s’annonce brillant.

moscomissaire

C’était, bien sûr, attendu. L’Allemagne s’opposait logiquement à ce que l’ancien ministre, trimballant la corpulente marmite de son échec à Bercy, prenne ce poste au sein de l’Europe et se retrouve dans la position ambigüe de devoir être juge alors qu’il fut partie. Comme prévu, l’Allemagne a plié. L’énarque approximatif se retrouve donc à devoir évaluer les politiques économiques de la France, et constater que les déficits présentés sont tout de même un peu trop gros. Zut alors.

Le Commissaire Mosco’ se voit maintenant contraint à tancer vertement l’ex-ministre Mosco’ pour la pitoyable tenue des comptes français et l’absence de réformes structurelles évidentes qu’il aurait fallu lancer depuis des années. Voilà qui est piquant, d’autant que, ce faisant, il tend à rejoindre, petit-à-petit, les remarques de Noyer dont, au contraire de l’ex-ministre, on peut admirer la constance du message des années durant.

Et ce poste obtenu, se pose à présent la question de la crédibilité d’un homme qui va devoir faire semblant d’écouter le même Noyer, qui, en tant que gouverneur de la Banque de France, dispose d’un siège à la BCE, institution dont le commissaire devra évidemment tenir compte en ces périodes financièrement rock’n’roll. Autrement dit, il va devoir faire l’exact contraire de ce qu’il a fait pendant les deux années où il sévissait à Bercy. Et si, du point de vue européen, la situation ne manque pas de sel, du point de vue français, elle tourne carrément au vinaigre puisque c’est le même type qui n’a pas arrêté de bobarder sur les déficits français pendant deux ans qui se retrouve maintenant à devoir distribuer des leçons de bonne conduite économique.

moscovici et le déficit

Je le disais en introduction : la France est terre de paradoxe, et nos aigrefins socialistes ne sont pas les derniers à en fournir des brouettées. Comme le faisait judicieusement remarquer Baptiste Créteur dans un récent édito sur Contrepoints, les chantres des politiques menées jusqu’à présent, Moscovici compris, se retrouvent à présent à les débiner largement pour s’assurer un avenir politique alors qu’ils ont, semble-t-il, misé sur l’échec des actuels tocards au gouvernement.

De ce point de vue, le nouveau Commissaire, ne craignant absolument pas pour sa propre crédibilité, s’est mis bien à l’abri des déboires qui pourraient arriver à la France prochainement. Parce que question réformes, il va falloir faire vite : si les taux d’intérêt auxquels se négocient actuellement la dette française devaient remonter, le pays se retrouvera très vite en cessation de paiement. La mise sous tutelle, alors inéluctable, risque bien de renvoyer Valls et son gouvernement dans des limbes douloureuses. Cette catastrophe servira-t-elle d’électro-choc pour une classe politique déconnectée des urgences actuelles ?

On peut en douter.

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  • Excellent, comme la plupart du temps 😀

    D’ailleurs, dans Les Echos Patrick Arthus affirme être récemment allé en Asie parler avec des investisseurs, et selon lui ils commencent à se poser des questions sur la France et sa viabilité budgétaire..S’il y a un effet boule de neige et généralisé les taux remonteront.

    • Non seulement il ne fait aucun doute qu’ils vont remonter mais, quand cela se produira, ce sera avec une vitesse d’ascension digne d’un supersonique : la fameuse courbe en crosse de hockey va enfin servir à décrire quelque chose de réel.

  • En tout cas la nomination de Mosco à la Commission Européenne est un gros coup porté à la crédibilité de cette dernière..Vous n’allez pas me dire que personne d’autre ne pouvait convenir ? Genre quelqu’un d’un pays ayant respecté les règles budgétaires ?
    L’Union Européenne, en pratique une belle idée, est devenu un centre de recyclage pour politiciens ratés qui peuvent ainsi se mettre à l’abri et garder un bon niveau de vie !

    • bonjour SweepingWard, dans le même ordre d’idée ; on chercherait en vain un politicien français « recasé  » ou non à ce ramassis de pompeuses nullités qui ne soit pas un raté .

    • Mais ne serait-ce pas au contraire une décision remarquablement bien sentie que de mettre un homme, certes incapable, mais qui devra exécuter les ordres de Bruxelles, que les s(ocia)lauds qui nous « gouvernent » ne pourront pas répudier sans se mettre le nez dans… leur incompétence?
      Comment, en effet, contrer celui qui est responsable de la dérive (continentale) des déficits, sans se déjuger encore plus (si c’était possible, toutefois) devant l’opinion publique?
      Et si les s(oci)alauds se mettent à répudier des s(oci)alauds, alors où va-t-on, je vous le demande?

      • Pour la forme, j’ajouterai qu’il faut arrêter d’utiliser l’expression « les personnels » tout droit sortie du langage socialiste prenant les les auditeurs pour des crétins. Le personnel est un mot qui signifie la globalité des personnes qui oeuvrent pour une entité, salariés d’icelle, mais pas seulement. Ce mot générique est suffisamment explicite et tout le monde sait que ce personnel est constitué de personnes aux fonctions différentes. Inutile et vain donc de mettre ce personnel au pluriel. Mais bon, c’est la mode…

    • SweepingWave, vous avez raison mais Moscovici doit savourer sa nomination de commissaire européen, il décroche enfin le poste tant convoité. Même s’il est encadré par 2 vice-présidents, c’est une belle récompense pour les brillantes compétences dont il a fait preuve en France, ce que tout le monde a pu constater.
      Le voilà recasé avec des indemnités très confortables de quoi rassurer tous ceux qui nous gouvernent car
      même incapables et en cas d’échec, ils auront toujours la possibilité d’être récupérés par Bruxelles dans de bonnes conditions. Mais peut-être que d’un ministre plus que médiocre sans résultat en France, il est possible après recyclage d’en faire un bon commissaire européen. Pauvre France, pauvre Europe.

  • « il existe des méthodes pour réduire les déficits, abondamment décrits dans l’imposante littérature laissée par la Cour des Comptes  »

    Ben oui, mais se baser sur l’audit de la cour des comptes, c’est reconnaître qu’on s’est planté ou même qu’on a menti aux français en engageant des dépenses inutiles.

    S’ils font ça, les jérémiades de Duflot sur le rétropédalage de la loi Alur ne seront qu’un doux murmure par rapport aux vociférations de l’ensemble de la classe politique.

    A part distribuer des baffes comme dans le film « Ne nous fâchons pas », je ne vois pas ce qu’on peut faire.

  • Comme tjs, article remarquablement rédigé! Il n’y a hélas pas qu’en France que les médias – en l’occurrence ici Elkabach et Europe1 – peuvent être pris en flagrant délit de médiocrité : en Wallonie aussi, les médias nous serinent à longueur de journée que « la cure d’austérité que connaît l’Europe casse la croissance » … beau dimanche, l’ami; phb

  • S’il n’y a pas de politique d’austérité en soi, l’augmentation massive des impôts que de nombreux français ont pu constater sur leur dernier tiers entraine de facto l’austérité pour eux. À se demander si l’antienne sur la prétendue austérité générale n’a pas pour unique but de faire avaler la pilule aux classes moyennes et supérieures, seules forcées de se serrer la ceinture pendant que l’État continue de se faire péter la sous-ventrière.

    • Ce n’est pas vraiment l’austérité qui est un problème. On nous parle beaucoup de la déflation qui ralentirait l’économie, voir de l’effet Lafer. Les socialistes se focalisent sur la demande plutôt que l’offre. Pourtant on nous parle beaucoup moins du moral des ménages et de ses conséquences alors qu’il est 14 points en dessous de la moyenne depuis 3 mois (mesuré au mois d’août) et n’a pas encore intégré l’augmentation des impôts et autres joyeusetés saisonnières de rentrée.

      Le moral des ménages mesure la volonté de s’investir. Non pas tant de placer de l’argent et soutenir l’offre, mais consommer pour réaliser des projets parce qu’on se projette dans l’avenir. C’est la demande qui est directement impactée. Inutile de pleurer sur la déflation, l’austérité, la baisse de pouvoir d’achat s’il n’y a pas de volonté d’achat de toutes façons, tant les français sont désabusés par les couacs, les fausses promesses et les pitreries du gouvernement.

      Et ils sont mal partis pour restaurer ce moral des ménages. Ils vont vraisemblablement à nouveau colmater les brèches par l’impôt (ils ne savent rien faire d’autre). Pour parler en termes d’aviation, on est à la limite de la vrille ou du virage engagé mais y a-t’il un pilote dans l’avion ?.

      • Non, la vrille est engagée.

      • Je dirais plutôt décrochage mais bon, tomber à plat la queue en premier(!) ou en tournant sur soi-même le nez devant….

        Pour le fond, la micro économie n’existe pas chez les gauchistes, l’individu n’existe pas puisque c’est une projection de la société (cf. M. Comte)!

        • Surtout que la manœuvre pour sortir de la vrille ou du décrochage est simple mais contre nature: pousser le manche en avant pour reprendre de la vitesse et de la portance alors que l’on fonce déjà vers la planète à grande vitesse. Le hic, pour que la manœuvre ait des chances de réussir, c’est qu’il faut avoir  » de l’eau sous la quille » et précisément actuellement et désormais c’est ce qui manque le plus, donc ce pays est foutu, le crash est déjà acté, la seule inconnue c’est quand? Très prochainement sans doute!!!!!

  • L’economie est parfois comparable à un jeu d’echec. Hollande, lui, joue aux dames.

    Il serait beau en couche culotte dans un immense bac à sable, sucette au coin de la bouche, areu, areu, bavouillant copieusement et tapant sur ses petits camarades de jeu avec sa pelle à sable.

    Comme prévu, la Suede est désormais à gauche. Il faut essayer de comprendre….il n’y a pas d’explications.
    L’humain est juste une erreur dans la beauté de l’univers. Les erreurs finissent soit par évoluer dans le bon sens, soit à s’auto détruire.

    Après 3000 d’evolution, du papier allant vers la tablette, nous évoluons. D’une certaine façon. Techniquement du moins. Tout en restant aussi con qu’avant.

    • Très bien dit!
      Et on a toujours aussi peur, avec un crayon et une feuille, ou avec une tablette à la Pomme
      dernier cri (6 mois max) « quivautsupercherdoncjesuisricheetfort »!

  • Il y a également Nicolas Doze sur BFM Business dont les chroniques matinales font plaisir à entendre puisque c’est un des rares journalistes à avoir saisi le nœud du problème.

  • « où ceux qui s’éloignent du pouvoir deviennent subitement lucides ! »
    Voilà qui est fort bien remarqué et exprimé.
    Prenez connaissance, par exemple,de ce que propose Fillon. Jamais on ne pourrait croire que ce dernier a exercé les pouvoirs de premier ministre, aussi bien sous Sarko que sous Chichi!

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