“La fille qui n’aimait pas la foule”, de Gilles de Montmollin

Un roman qui restitue très bien l’atmosphère des années 70, celle du Club de Rome, où des idéalistes cherchent à faire valoir leurs idées par la violence.

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Fille qui n'aimait pas la foule

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“La fille qui n’aimait pas la foule”, de Gilles de Montmollin

Publié le 1 septembre 2014
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Par Francis Richard

Fille qui n'aimait pas la foule1972, c’est l’année du premier rapport du Club de Rome, The limits to the growth, rapport plus connu sous le nom de Rapport Meadows. Les scientifiques de ce club international, curieusement hostiles au progrès scientifique, y sont favorables à l’idéologie de la décroissance économique pour protéger l’environnement et dans la lignée de l’idéologie de Thomas Malthus, qui s’inquiétait de la croissance de la population. Le roman de Gilles de Montmollin, La fille qui n’aimait pas la foule, se déroule cette année symbolique.

Jean-Hugues, 19 ans, préfère qu’on l’appelle Jacky, comme le coureur automobile Jacky Stewart. Il achève ses vacances d’étudiant en droit dans le midi de la France. Il s’est fait larguer par sa petite amie, Sylvie, et roule, le 21 septembre 1972, depuis Hyères, en direction de Genève au volant d’une Mini Cooper S, qu’il a allégée au maximum et préparée : “Culasse rabaissée, filtres à air sport, gros carburateurs Weber double corps à la place des SU d’origine, tubulures d’admission polies, ligne d’échappement racing, bref, une bête de course. Petite, mais efficace. Il n’y en a pas beaucoup qui me suivent, même parmi les Porsche ou les BMW.”

Son retour en Suisse va prendre un cours inattendu quand il prend en stop, après Brignoles, Réjane, qui doit bien avoir dans les 25 ans : “Cheveux blonds, très clairs, coupés assez courts. En tout cas plus courts que les miens. Visage régulier, agréable. Pas de maquillage. Peau dorée, plus foncée que les cheveux. Seins libres sous la chemise indienne marquée de quelques taches de transpiration.”

À un moment, Réjane ouvre son bagage, qu’elle a disposé entre ses jambes, pour prendre une sacoche de jute dans laquelle se trouve son paquet de Camel filtre. Il croit apercevoir un flingue. Ce dont il aura la confirmation un peu plus tard et ce qui ne l’empêchera pas de la garder à bord, parce qu’elle est… bien roulée.

La veille, 20 septembre 1972, Franck Lechêne, le chef du RAFC, Rien à foutre de la croissance, a été blessé lors du piège qui lui a été tendu sur l’île de Port-Cros, située en face d’Hyères. Il a été sérieusement blessé mais a réussi à s’enfuir.

Réjane et Jacky discutent route faisant. Comme il reconnaît que sa voiture est importante pour lui, elle lui dit qu’il est victime du capitalisme : “Tu n’en es pas conscient. Mais cette bagnole occupe ton temps, tes pensées. Elle est une fin en soi. Un but pour ta vie. Pendant ce temps, tu ne remets pas en cause le système.”

Muni de ces éléments, auxquels s’ajoutent la citation placée en épigraphe du livre (“Le Monde a un cancer, et ce cancer, c’est l’homme.”, A. Gregg) et la dédicace de l’auteur (“À mes fils, Cédric et Joël, et à leur génération, en espérant que la mienne leur laissera une planète vivable”), le lecteur ne peut que se douter qu’il y a un lien entre l’autostoppeuse de Jacky et le RAFC…

Au cours d’un récit haletant, plein de rebondissements qui le tiennent en haleine, le lecteur va découvrir ces liens qu’il a devinés et faire la connaissance d’autres personnages hauts en couleur, garçons et filles, qui sont en rapport eux aussi avec le RAFC. Les motivations de tous ces personnages ne sont pas aussi pures que celles de Réjane – elle croit qu’il faut lutter contre les croissances économique et démographique – mais ils s’avèrent aussi déterminés qu’elle à les faire valoir par la violence et la contrainte, par le sang et par les larmes.

Bien malgré lui, Jacky va être entraîné dans cette tourmente. L’extrémisme mortel du RAFC ne laisse pas de faire penser à celui dénoncé par Michael Crichton dans State of fear, livre qui avait été vivement reproché à l’auteur de Jurassic Park, à sa parution en 2005, par les défenseurs de la Terre…

Gilles de Montmollin restitue très bien l’atmosphère de cette époque où l’on écoute encore les Beatles – quarante ans plus tard les écoutera-t-on encore ? se demandent Jacky et Réjane – et où on fume du shit. Son style alerte et enjoué, de même que les prouesses de Jacky au volant de sa Mini, participent de ce rythme échevelé qu’il donne à ce road thriller nostalgique.


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