Par Jacques Henry.
Avec les maladies neurodégénératives dont on ne connait toujours pas complètement les causes précises, une des menaces de la vieillesse est la dégénérescence maculaire (DMLA). Elle conduit tôt ou tard à de sérieux troubles de la vision. Il s’agit aussi d’une dégénérescence neuronale. Jusqu’à une étude magistrale réalisée à l’Université de l’Iowa apportant quelques précisions prometteuses sur ce handicap, on ne connaissait strictement rien des causes initiales de cette pathologie.
Pour bien comprendre la démarche de cette étude, il faut d’abord faire quelques rappels sur ce qu’est la macula. Il s’agit de la zone centrale de la rétine dans l’axe de la vision. Elle est, si on peut le dire ainsi, surpeuplée en cônes et en bâtonnets, les deux terminaisons neuronales constituant la rétine. Celle-ci permet d’affiner la vision, c’est-à-dire d’avoir la capacité de percevoir les moindres détails de ce que le cristallin envoie comme image vers ces cellules spécialisées directement connectées au cerveau. Celui-ci, qui constitue le centre de vision, va plus rapidement que n’importe quelle caméra numérique pour traiter en temps réel des informations reçues par ce gigantesque récepteur que constitue la rétine. Cette dernière est elle-même spécialisée car elle répartit ses fonctions en une vision périphérique, certes déjà précise, et une capacité assez extraordinaire à traiter la vision de précision qui est la fonction de la macula. Lire un livre ou un document sur un écran d’ordinateur fait intervenir essentiellement la macula et quand il y a un problème au niveau de cette région de la rétine c’est le flou, pas vraiment artistique, il faut le dire ! Finalement on n’arrive plus à lire et puisqu’il n’existe aucun traitement, c’est le début de la fin !
Il n’existe en effet aucun traitement satisfaisant de la DMLA, mis à part une récente étude réalisée avec le safran (Crocus sativus) qui contient des anti-oxydants puissants de la famille des caroténoïdes, conférant la couleur caractéristique des carottes. La prolifération des vaisseaux sanguins au niveau de la macula a également orienté certains traitements vers des inhibiteurs de l’angiogenèse, mais les résultats restent aléatoires sinon décevants. Bref, connaître les causes réelles de la DMLA requerrait une approche plus fine au niveau moléculaire. On dispose aujourd’hui de moyens d’investigation puissants permettant d’identifier rapidement l’ensemble des protéines synthétisées par des régions discrètes d’un même tissu : en l’occurrence, sur la choroïde ou le tissu de soutien richement vascularisé sur lequel se trouvent diverses régions de la rétine, macula, fovéa ou région centrale de la macula, et rétine périphérique :
La technologie utilisée consiste à séparer les différentes protéines contenues dans un prélèvement par chromatographie liquide multidimensionnelle et spectrographie de masse. L’analyse peptidique automatisée de chaque protéine individualisée permet une identification rapide de la nature de cette dernière puisqu’on connait l’ensemble du génome humain. En partant de trois échantillons oculaires, 4403 protéines ont été précisément identifiées, et, parmi elles, 671 connues pour être impliquées dans les risques de développement de maladies de la rétine impliquant stress oxydatifs, inflammations et cascade du complément.
La « cascade » du complément a pour rôle d’aider la réponse du système immunitaire. Elle est aussi constituée d’une trentaine de protéines retrouvées dans le sang. L’étude a montré clairement qu’au niveau de la macula et de la fovéa, l’expression de certaines de ces protéines du complément étaient beaucoup plus présentes que dans la partie périphérique de la rétine, comme par exemple les antigènes HLA-A, B et C, les activateurs C1q, C6 et C8 et H du complément ou des enzymes impliqués dans la neutralisation des peroxydes. Le facteur H du complément est particulièrement abondant dans la fovéa, ce qui pourrait être en faveur d’un dérèglement d’origine inflammatoire conduisant à la DMLA. Ceci n’avait pas été montré jusqu’à cette sorte de cartographie des protéines du complexe choroïde-rétine.
L’événement initiateur d’une réponse immunitaire mal maîtrisée pourrait donc être un stress oxydatif. En effet, le traitement prometteur à base de safran s’explique par la présence, entre autres caroténoïdes anti-oxydants, de crocine, proche de la zéaxanthine, qu’on retrouve justement dans la rétine. L’étude décrite ici est donc riche en renseignements nouveaux et orientera les travaux ultérieurs permettant de mieux cibler la cause primaire de la DMLA. Enfin, cultiver du safran pourrait devenir un business encore beaucoup plus rentable qu’il ne l’est déjà !
Source : now.uiowa.edu
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Sur le web.
Je ne suis pas sur d’avoir tout compris, il y a beaucoup de processus complexes et de techniques là.
Si je résume: l’hypothèse de l’étude est de dire que c’est un stress oxydant qui est à l’origine de la réponse immunitaire ( donc de l’expression du facteur H en autre) et qu’en traitant par anti-oxydant (le même que celui déjà présent dans la rétine, donc même récepteur…) on aide la réponse immun?
Un petit voyage en Iran, pour apprendre à cultiver le safran? sinon synthèse chimique!