Par Bertrand Allamel
Dimanche aura lieu le grand prix de Formule 1 de Grande-Bretagne sur le circuit de Silverstone. Ce circuit est historique puisqu’il fut le théâtre de la première course de Formule 1 comptant pour le championnat du monde, en 1950. Ce retour aux sources est l’occasion de faire le point sur l’évolution de ce sport qui mérite attention dans la mesure où il est étroitement lié à l’histoire de l’automobile. Un contributeur dénonçait à juste titre, il y a quelques mois sur ce site, le malaise produit par l’idéologie anti-voiture qui règne sur les circuits.
Suite à la réunion du Conseil Mondial du sport automobile de la Fédération Internationale de l’Automobile (F.I.A.) du 26 juin dernier, penchons-nous à présent sur cette fâcheuse tendance à la « surlégifération », révélatrice de cette faculté qu’ont les hommes de croire que les lois qu’ils inventent, sous le règne de la raison, produisent des effets bénéfiques.
La F.I.A. vient donc d’entériner plusieurs changements qui vont une fois de plus sensiblement modifier les règlements techniques et sportifs de la discipline pour 2015. La lecture de la liste de ces nouvelles mesures, toutes plus complexes et restrictives les unes que les autres, laisse perplexe. So what ? Cela ne va pas changer la face du monde, diront les non-initiés et ceux que ce sport laisse indifférents. Certes non. Cette inflation législative est néanmoins fascinante et nous offre une analogie intéressante avec la politique.
La mise au point de ce nouveau règlement répond évidemment à des objectifs. Comme en politique, des responsables haut placés décrètent des grandes causes en faveur desquelles il faut subitement inventer de nouvelles lois. Cette année, la F.I.A. a décidé qu’il fallait réduire les coûts des équipes engagées (on n’est d’ailleurs pas éloignés d’une conception égalitariste des budgets) et redonner du spectacle. Des coûts qui ont été augmentés par deux décennies d’instabilité réglementaire, et un spectacle qui a été lui-même réduit à néant par deux décennies de réglementation outrancière. Situation finalement normale, puisque dans cette logique de sur-réglementation, il faut toujours corriger, amender, adapter, abolir, interdire, donc toujours plus légiférer.
Comme en politique, des commissions ont travaillé, des experts ont été consultés, un groupe de travail a réfléchi et a finalement rendu ses conclusions et préconisations, forcément précises et très techniques, pour se persuader que la raison humaine n’a oublié aucun détail et que tous les aspects du problème ont été appréhendés par notre formidable capacité d’anticipation. Et enfin, pour se rapprocher du risque 0 et pouvoir se dire qu’on maîtrise tous les paramètres : surtout pas de casse, pas d’accident, pas de blessés, pas de morts. Depuis quelques années, le moindre frottement de pneumatiques entre deux monoplaces est d’ailleurs « under investigation by the stewards ». C’est qu’il y a un règlement à faire respecter et des comportements à normaliser ! Imaginez qu’un fait de course, pardon un écart de conduite d’un pilote, reste impuni !
Bref, on retiendra de cette liste de nouvelles mesures (consultable ici) : plus de surveillance, d’interdiction, de restriction.
Les ingénieurs évoluent dans un univers réglementaire étriqué et les écuries doivent se plier à des contraintes excessives qui ne favorisent pas l’innovation… Comme la majorité des entrepreneurs et des professions ultra-réglementées. L’une des mesures les plus effarantes du moment est celle dite du « gel des moteurs ». Cette règle « fige » le moteur en début de saison et interdit au constructeur de le développer, de l’améliorer jusqu’à la saison suivante. Et encore, la F.I.A. souhaiterait étendre ce gel des moteurs sur plusieurs années ! Incroyable pour la catégorie reine du sport automobile.
On est bien loin de l’âge d’or de la Formule 1 où les concepteurs étaient beaucoup plus libres.
Rentrons cette fois-ci dans le détail, et tant pis pour les non-initiés, quoiqu’un peu de culture scientifique (l’histoire de l’automobile en fait partie) ne fasse point de mal à notre culture générale. La réglementation moins restrictive a alors permis un certain nombre d’innovations parmi lesquelles, par exemple, le passage du moteur en position centrale arrière, l’introduction du turbocompresseur, le rappel de distribution pneumatique des soupapes, la maîtrise des flux aérodynamiques avec l’apparition d’appendices appelés ailerons, ou encore la recréation d’un effet de sol sous le fond plat.
De cet état d’esprit plus libre naquirent des bolides aussi légendaires que les Lotus 72 et 78 dessinées par le génial Colin Chapman, ou aussi curieuses que la Brabham BT46 dite « voiture aspirateur » (dotée d’une grosse turbine à l’arrière pour accentuer l’effet de sol), ou encore la Tyrell P34 à 6 roues. Certaines de ces innovations furent évidemment interdites a posteriori. Le règlement actuel quant à lui, interdit de fait et a priori toute innovation majeure. Oserions-nous imaginer de telles tentatives sur les voitures d’aujourd’hui ? Encore faut-il saluer l’imagination des ingénieurs qui arrivent malgré tout à inventer des solutions innovantes dans un cadre étroit. Elles restent cependant des innovations « à la marge » et sont toujours systématiquement interdites, comme le furent récemment le double diffuseur, le F-duct (l’une des plus épatantes car c’était une solution « manuelle »), ou encore l’échappement soufflé.
L’histoire de la Formule 1 est faite de nombreux changements de règlements, dès les premières années, ce qui était d’autant plus logique dans le cadre d’une discipline naissante. Une réglementation technique est bien évidemment nécessaire pour éviter de se retrouver avec des avions de chasse prenant un tour à des solex. Mais un championnat arrivé à maturité, comme c’est le cas aujourd’hui, devrait pouvoir se passer de mesures aussi absurdes telles que celle qui impose une trêve estivale totale aux écuries : même les bureaux et ateliers doivent être fermés, la F.I.A. vérifie la consommation d’électricité ! L’homme trouve toujours de bonnes raisons de s’inventer des pouvoirs sans borne.
Ce sport ne devrait avoir pour limite que celle de la sécurité. Quoiqu’en 1994, la F.I.A. avait pris des mesures pour redonner du spectacle et limiter l’impact de l’électronique, suite à la domination des Williams-Renault, dotées de boîtes semi-automatiques et surtout de redoutables suspensions « actives ». Le spectacle espéré eut bien lieu l’année suivante, mais il fut macabre. Privées de ces nouveautés électroniques, les Formule 1 devinrent capricieuses et très difficiles à piloter, comme l’a souvent répété Ayrton Senna avant de perdre la vie au volant d’une voiture qu’il disait ne pas comprendre. Des mesures qui engendrèrent l’exact contraire de la sécurité tant recherchée. Les lois issues de la raison humaine n’ont pas permis d’éviter les drames de la saison 1994.
En F1, comme en politique, il y a cette étrange capacité à vouloir toujours légiférer, tout le temps, sur tout. Siéger dans une assemblée, toute l’année. Prendre tous les registres de la vie comme des dossiers à traiter, et légiférer, réglementer. Puis se persuader qu’on a fait du bon travail d’abord, et se promettre de mesurer, évaluer les nouvelles dispositions prises pour éventuellement adapter ou modifier la loi, et surtout pour prolonger ce sentiment de toute puissance réglementaire.
Une voiture de course, ça surconsomme, ça fait de l’huile, ça brûle du pneumatique, ça fait du bruit et ça coûte cher. Ça peut occasionner des dégâts aussi. Il y a des écuries richement dotées, d’autres moins bien dotées. C’est une compétition. On peut toujours réglementer pour réduire tous ces désagréments, mais ce sera forcément moins enthousiasmant.
Cette tendance est révélatrice de notre époque, où la politique guidée par la raison humaine supposée supérieure bride l’initiative et l’innovation.
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À lire aussi : La F1 pourrie par l’idéologie anti-voiture.
Rassurez moi.
La FIA est une fédération privée, non ?
Ses directives ne s’appliquent qu’à ceux qui le veulent bien, non ?
Il y a toujours possibilité de (re)monter une fédération parallèle, non ?
Et si oui, si la FIA dispose d’un monopole naturel, quels sont les raisons qui font que les adhérents de la FIA ne vont pas (encore) voir ailleurs ?
Je me pose la même question, qu’est ce qui fait qu’une fédération parallèle n’émerge pas ?
Le fait que les Fédération membres de la FIA soit au moins pour partis des Fédération en situation de monopôle dans leur pays (La FFSA en France, par exemple).
Question de législation, de normes, et d’argent.
Très certainement que pour monter ce genre de structure, il faut des audits et structures couteuses (comprenez qu’on les a rendu couteuse pour éviter la concurrence).
Idem avec la FIFA, idem si vous voulez monter votre propre banque…
Il y a eu à plusieurs reprises dans l’histoire de la F1 des menaces de création de championnats parallèles. La menace la plus sérieuse eût lieu en 1982 lors de la fameuse « guerre FISA-FOCA », dont le point d’orgue fût le boycott de certains grand prix par plusieurs écuries. Les autres menaces de création de championnat parallèle sont plus récentes et eurent lieu à l’occasion de la renégociation des accords Concorde, ou lors de l’édiction de nouvelles règles, en 2001, 2009 et encore 2011. Ces menaces n’ont jamais été mises à exécution, probablement parce que « F1 » étant une marque déposée, il serait ainsi dangereux pour les écuries dissidentes de recréer une série parallèle dont la notoriété serait nulle. Par ailleurs, les écuries bénéficient de toute la logistique assurée par la Formule One Administration, missionnée par la FIA. Enfin, les écuries ne peuvent visiblement se désengager des accords Concorde qu’elles ont signé, sauf à réaliser un coup politique retentissant.
Dans les faits, un certain nombre d’écuries ont déjà fuit la F1, d’autres pourraient suivre prochainement, on pense notamment à Ferrari dont la participation à moyen terme est loin d’être assurée.
C’est clair.
https://www.youtube.com/watch?v=jS4Dh_EAfJI
Les khmers verts ont tué la F1…
je ne sais qui l’a tuee, mais c’est une bonne chose… a ranger dans le même carton que les « sports » informatiques pour les hommes frustres de leur puissance physique…
allez un petit exemple pour dire pourquoi j’ai la haine de ces « sports » automobiles (moi qui etait un fan de Prost :O)… dans le village d’à cote, il y a un espèce de nounours boutonneux qui s’est customisé sa voiture avec ailerons, pots, diodes et tout ce qui va bien et qui se prend pour Senna sur les routes… hormis sa vitesse sur des petites routes, ce qui est vraiment insupportable c’est le bruit de sa moto-crotte, quand il circule la nuit, ce sont des centaines de personnes qui sont réveillés par ce débile…
Et donc pour un mec de votre village qui vous emmerde vous condamnez le sport mécanique dans son ensemble ? Et l’Esport ? C’est parce que votre voisin à acheté un clavier de gamer ??
Oui. Bien sûr, Marcel. J’irai même plus loin. interdisons les ordinateurs ainsi que les voitures pour les quelques abrutis qui font n’importe quoi.
N’importe quoi, tout comme votre raisonnement
La chanson disait « Marcellllll, descends la poubelle,…. » Doit-on interdire Marcel? Moi, je pense que non mais cela semble être l’opinion de Marcel
Va y avoir des Jacky en F1 avec la réglementation des pavés en titane sous les voitures pour faire des étincelles… bientôt des néons multicolores suivant le régime moteur, un cockpit fermé, la clim, des clignotants et 10 minutes de repos obligatoire toutes les 1/2 heure.
Ce qui serait pire dans la réglementation ça serait par exemple que le dernier grand prix compte double…
L’école des fans… tout le monde a gagné !
» tout risque autre que le risque zéro est devenu inadmissible. »
Clair, il y a 2 choses là derrières :
– une doctrine idéologique infondée.
– la peur de l’échec
« maintenant on s’arsouille sur deux roues, en deux temps, petite cylindrée, et personne (pour le moment) »
Pour le moment…personne ne s’intéresse à ce que vous faite (au sens masse) et vous vous faite plaisir, mais si ce genre de compet émerge un peu, vous aurez des réglementations toujours plus fortes, sans parler que le 2 temps est de plus en plus sur la sellette.
En tout cas je vous souhaite de continuer à prendre votre pied à courrir et bibouiller vos machines.
C’est par ce genre de chose qu’on est créatifs, satisfaits, et rentables si vous deviez être exploité commercialement (à condition qu’on ne touche pas à votre mode de fonctionnent actuel).
Le règlement est vraiment nul, exemple :
Le moteur est figé dès le premier GP, aucune amélioration de performances ne peut-être apportée. Ainsi, un moteur bien né ne peut-être rattrapé pendant la saison.
Hier j’ai regardé l’Indycar au Texas (Victoire de Pagenaud pour la seconde course), c’est quand même un autre spectacle !
Je suis complètement déprimé par les nouvelles règles en sport auto et surtout en F1.
Je n’arrive même pas à comprendre que les dirigeants soient à tel point à coté de la plaque.
Ils font tout comme si la clientèle était en majorité des bobos qui roulent en Fiat 500 Abbarth ou mieux en Renault Zoé !!!
Pourquoi pas faire un concert de Justin Bieber au Bol d’Or !!
J’ai regardé la démonstration de Goodwood, vraiment super. Dès qu’une F1 ancienne apparaissait le public levait les bras, comme quoi la belle technique est toujours appréciée.
La F1? Kézako? Ça existe encore ce machin là? Il faut au moins aller sur le site de l’INA pour voir ça, non? On n’en voit plus à la tv et les journaux sont très discrets sur ce sujet….
Pour illustrer l’articile, voici le commentaire de Niki Lauda à l’issue du grand prix de Silverstone, concernant l’accident dont a été victime Kimi Raikkonen : « Cette Formule 1 où les pilotes sont sursécurisés, surcontrôlés me rend dingue ». (http://fr.espnf1.com/ferrari/motorsport/story/166191.html)
Rappelons que Lauda fût lui-même victime d’un grave accident et courrait à une époque où un pilote trouvait la mort quasiment à chaque course.