Par Ilya Shapiro
Un article du Cato Institute.
N’en déplaise à Barack Obama, aucune clause de la Constitution ne stipule que « si le Congrès n’agit pas, le président reçoit des pouvoirs supplémentaires. » Cette évidence a de nouveau été confirmée lors d’une décision unanime de la Cour suprême dans le dossier National Labor Relations Board v. Noel Canning, qui a invalidé les nominations au NLRB1 faites par notre professeur constitutionnel en chef en janvier 2012. Il appert, d’après l’unanimité de la Cour, que le pouvoir présidentiel d’effectuer des nominations d’intersession – pour éviter « l’avis et le consentement » du Sénat – ne s’appliquent que lorsque le Sénat est effectivement ajourné.
Ainsi, pour la 13e fois depuis ces nominations infortunées au NLRB, le département de la Justice d’Obama a perdu unanimement face à la Cour suprême. Dans chacun des cas, le gouvernement plaidait en faveur d’un pouvoir fédéral radicalement plus vaste et exécutif. Et dans chacun des cas, aucun des neuf juges n’a approuvé. Même dans des domaines légaux comme les procédures criminelles (telle que la décision récente concernant la fouille des téléphones cellulaires), la réglementation des valeurs mobilières, l’immigration ou la liberté de culte, le président Obama n’a pu recevoir l’appui des juges qu’il a lui-même nommées, soit Sonia Sotomayor et Elena Kagan.
Comme Miguel Estrada a fait remarquer en analysant la performance abyssale du solliciteur général durant son dernier mandat – un taux de réussite de 40%, comparé à une moyenne historique de 70% – : « Quand vous avez des clients fous qui insistent pour avancer des arguments fous, vous allez perdre à l’occasion. »
Dans le cas Noel Canning, tous les juges se sont mis d’accord que le Sénat détermine quand il est en session ou non. (C’est l’argument avancé par Miguel Estrada au nom des 45 sénateurs républicains2 et par l’Institut Cato dans l’un de ses briefings). Il ne faut pas s’en surprendre : d’après les arguments oraux, tout le monde s’attendait à ce que le gouvernement perde, et beaucoup.
Malheureusement, la sagesse populaire (que je partage) au sujet d’une décision restreinte a aussi été confirmée. La seule « règle » émanant de l’opinion décisive du juge Breyer est qu’un ajournement de trois jours, le plus long que le Sénat puisse prendre sans l’approbation de la Chambre des représentants (Chambre), n’est pas assez long pour permettre les nominations intersession. Un ajournement de trois à dix jours est aussi « supposément » trop court. C’est une décision pragmatique en accord avec les pratiques récentes du pouvoir exécutif, du moins avant celles de l’occupant actuel à la Maison-Blanche.
La décision échoue également à trouver un point d’ancrage avec ce que dit vraiment la Constitution, tel que l’affirme le juge Scalia dans un assentiment approuvé par ses collègues Thomas et Alito, de même que le juge en chef Roberts. La meilleure interprétation de la structure et du texte constitutionnels veut que seuls les ajournements entre les sessions du Sénat – non pas, par exemple, quand le Congrès prend quelques semaines de vacance pour regarder la Coupe du monde de football – peuvent être considérées pour l’activation du pouvoir de nomination d’intersession. De plus, le pouvoir ne peut être utilisé que si un siège devient effectivement vacant durant l’ajournement lui-même – en référence à la clause « vacances qui viendraient à se produire entre les sessions du Sénat » – et non quand le président est incapable de combler cette vacance durant une session du Sénat.
Ça va de soi : le but des nominations d’intersession n’est pas de faciliter la vie du président mais bien de s’assurer que le gouvernement puisse fonctionner si un officiel de l’État meurt ou démissionne pendant que le Sénat n’est pas disponible pour confirmer les remplaçants. Dans un monde de communication instantanée et de voyages aériens, la clause des nominations d’intersession est essentiellement caduque parce que l’excuse que les sénateurs ne peuvent être conviés d’urgence ne tient plus.
En d’autres termes, la décision sans colonne du juge Breyer solidifie une lecture nettement plus large du pouvoir que la constitution ne le permet, bien qu’elle limite les pratiques présidentielles récentes. Plutôt que d’avoir à négocier avec un Sénat contrôlé par l’autre parti – ce à quoi Obama pourrait bientôt faire face –, le président n’a qu’à attendre au prochain ajournement de la session.
Toutefois, l’innovation constitutionnelle de Breyer sera égalée par une autre, politique cette fois-ci. À toute fin pratique, nous verrons beaucoup d’autres sessions pro forma du Sénat et une augmentation des pouvoirs de ceux qui contrôlent la Chambre – n’oubliez pas qu’elle seule peut approuver un ajournement du Sénat. Speaker Boehner, appelez votre bureau (ou le mien).
Pour en avoir le cœur net, cette décision est une forte réprimande envers cette administration pour ce cas particulier. Toutefois, le juge Scalia, dans son assentiment du banc, est celui qui saisit le mieux la portée de la décision : « La décision de la Cour sera citée dans divers contextes, y compris ceux présentement inimaginables, et auront comme effet d’augmenter le pouvoir de la présidence au-delà de ses limites constitutionnelles, minant ainsi le respect pour la séparation des pouvoirs. »
Ce n’est pas comme si ce président avait besoin d’aide pour défier la Constitution.
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Traduit de l’anglais par Pierre-Guy Veer pour Contrepoints.
- Bureau national des relations de travail, qui « protège les droits des travailleurs du secteur privé, syndiqués ou non, afin d’améliorer leurs salaires et conditions de travail. » ↩
- Vous vous rappellerez sans doute qu’Estrada avait lui-même refusé une nomination intersession sur le circuit judiciaire du District de Columbia après que les Démocrates lui eussent fait de l’obstruction parce qu’il était Hispanique. ↩
traduction vraiment pas terrible,dommage.
Vraiment? Qu’y a-t-il de si terrible?
Pour ne donner qu’un exemple :
En d’autres termes, la décision sans colonne du juge Breyer solidifie une lecture nettement plus large du pouvoir que la constitution ne le permet, bien qu’elle limite les pratiques présidentielles récentes.
« Sans colonne (?), solidifie, « du » pouvoir »… ce sont des choix étranges.
« sans colonne », au Québec du moins, veut dire « sans conviction ». Y a-t-il une expression plus « française »?
Les différentes défaites judiciaires qu’à subi la présidence américaine à l’unanimité des juges de le cour suprême (y compris les juges nommés par Obama) méritent d’être soulignées.
« La gauche, c’est une salle d’attente pour le fascisme. « Léo Ferré
Se faire dire non par des juges progressistes ça mérite quand même un prix nobel.
Bien vu! 😀