Se désendetter ou vivre dans l’illusion

Réduire la dette publique n’est pas du masochisme dangereux, c’est une nécessité absolue pour cesser de vivre dans l’illusion.

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Se désendetter ou vivre dans l’illusion

Publié le 16 mars 2014
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Par Jean-Yves Naudet.

Chassez le débat sur la dette publique par la porte, il revient par la fenêtre. Il obsède les experts comme les politiques, Bruxelles comme la Cour des comptes. C’est un débat plein d’embûches. Il y a ceux qui pensent que moins de dette publique, c’est plus de récession, et ceux qui pensent que c’est indispensable.

Parmi ces derniers, il y a ceux qui croient qu’on réduit dette et déficit en augmentant les impôts et ceux qui considèrent que la seule solution, c’est de baisser les dépenses publiques et la pression fiscale. Ici, le comment est aussi important que le pourquoi, car il y a une bonne et une mauvaise rigueur.

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Keynes trahi par les keynésiens

Comme nous l’avions annoncé en début d’année, le débat sur la dette publique bat son plein. La Cour des comptes s’inquiète de la dérive des dépenses publiques et la Commission de Bruxelles met la France, et d’autres pays en Europe, en demeure de réduire leurs dépenses. C’est suicidaire, affirment d’autres experts d’inspiration keynésienne : réduire les déficits et les dépenses, c’est aggraver la crise actuelle et la récession et provoquer même une déflation.

Ce débat a pourtant été tranché depuis longtemps. L’idée suivant laquelle la santé de l’économie dépendrait avant tout de la demande globale et d’abord de la demande publique remonte aux années 30 et aux idées de John Maynard Keynes. Mais la crise de 1929 est la plus grande dépression de l’histoire. Keynes lui-même serait sans doute surpris qu’on applique ce remède de cheval aux simples récessions, surtout quand les prix ne diminuent pas. Il serait encore plus surpris d’apprendre qu’un pays comme la France est en déficit depuis 40 ans, faisant exploser la dette publique, alors qu’il imaginait une alternance de déficits et d’excédents, non un déficit durable !

Les vertus de la facilité ou de l’effort ?

Non seulement Keynes désavouerait les politiques keynésiennes actuelles, mais en soi elles sont contestables. Elles ont l’inconvénient d’être globales, macroéconomiques, considérant qu’on pilote l’économie comme une voiture, en tirant sur quelques manettes. Or la réalité est d’abord faite de millions d’entreprises qui produisent et de ménages qui consomment. Ce ne sont pas des agrégats, mais des entreprises ou des personnes réelles et c’est sur leur incitation à produire qu’il faut jouer et non par des mécanismes globaux.

Une autre erreur consiste à considérer que c’est la demande (globale) qui conditionne le reste de l’économie : dépensez et ne vous souciez pas du reste. Pour les keynésiens, la vertu est dans la dépense, l’offre suivant automatiquement. Oubliées, les rigidités qui empêchent l’offre de répondre à la demande ; oubliées, les complexités du monde réel. Même le Président de la République, faisant sienne la formule de Jean-Baptiste Say, a reconnu que c’était l’offre qui créait la demande, en rémunérant les facteurs de production, salariés, épargnants, entrepreneurs, qui ont créé cette offre dans les entreprises.

Croire que la dette et les dépenses publiques puissent être source de richesse, c’est prendre l’apparence pour la réalité, c’est croire aux vertus de la facilité et non à celles de l’effort, c’est tomber dans l’illusion, alors que la vraie richesse n’est que la conséquence de la création, de l’innovation, dans le but de répondre aux besoins humains. C’est en rendant des services que les entreprises créent des richesses, grâce à l’effort de tous. L’argent issu du laxisme, des déficits, de la création monétaire artificielle ne saurait être une vraie richesse, ni une source de vraie richesse.

Oui, il faut réduire la dette publique

Il est donc faux de dire que réduire la dette publique va tarir la source des richesses. En revanche, maintenir les déficits et les dettes actuelles, c’est plomber l’avenir, transférer nos charges sur les générations futures, et faire payer nos petits-enfants, en leur léguant des dettes, tout en plombant le présent par le poids des intérêts. C’est aussi risquer de provoquer des crises de confiance vis-à-vis de la qualité de la signature de l’État, faisant exploser un jour les taux d’intérêt et donc la charge de la dette. C’est enfin, pour un pays, se mettre en situation de dépendance, car la dette est largement financée par l’étranger.

Réduire la dette publique n’est donc pas du masochisme dangereux, c’est une nécessité absolue pour cesser de vivre dans l’illusion. À l’heure où tout le monde parle du développement durable, il est paradoxal de prôner l’endettement durable ! Étrange façon de se soucier des générations futures.

C’est donc à juste titre que Bruxelles, la Cour des Comptes et même le gouvernement mettent l’accent sur la nécessité de réduire des déficits. Reste le comment. C’est là, notamment dans le cas français, qu’il faut regarder la réalité en face : le gouvernement annonce que sa politique devrait ramener le déficit public à 3,6% du PIB en 2014 et à 2,8% en 2015, en dessous des fameux 3% européens.

Même si c’était le cas, d’une part nous avons déjà deux ans de retard sur l’échéancier prévu au départ, d’autre part, nous avons accepté la règle d’or consistant à ramener à 0,5% du PIB le déficit public. Nous sommes loin du compte. Or Bruxelles ne croit pas à nos prévisions et annonce 4% de déficit cette année et encore 3,9% l’an prochain : le déficit ne se réduit pas et la dette poursuivra sa course folle.

Mauvaise rigueur et bonne rigueur

Pourtant le gouvernement ne cesse d’annoncer des efforts demandés aux Français. C’est qu’il y a quelque chose qui ne marche pas dans la méthode : une apparence de rigueur, que chacun ressent dans la hausse des charges et des impôts. Certes on parle de réduire les dépenses publiques, mais, surtout si on tient compte des dépenses de protection sociale et de celles des collectivités locales, elles continuent à augmenter.

Les promesses de baisse de charges, même si elles atteignaient les 30 milliards annoncés par le président de la République, ne représentent que 1,5% du PIB et seront largement compensées par d’autres recettes publiques. Vouloir réduire les déficits en maintenant pour l’essentiel les dépenses et en essayant d’augmenter les recettes fiscales, c’est accentuer la récession et aggraver le déficit, faute d’activité économique.

N’y a-t-il donc rien à faire en France ? Il faut choisir une vraie rigueur, celle de la réduction massive des dépenses publiques. Certains parlent avec terreur d’ultralibéralisme. Avec plus de 56% de dépenses publiques l’État occupe plus de la moitié du terrain : drôle d’ultra-libéralisme. Nos voisins ont en moyenne 10 points de PIB de dépenses publiques en moins (l’équivalent de 200 milliards). Ne sont-ils plus protégés, soignés, pensionnés, éduqués ? Comment font-ils ? Conformément au principe de subsidiarité, ils considèrent que tout ne doit pas passer par l’État.

Il faut dire les choses : ce n’est pas en payant moins les fonctionnaires ou en remboursant moins l’assuré social qu’on réduira les dépenses publiques, mais en privatisant ce qui n’a pas de raison d’être fait par l’État. Cela permettra de réduire les déficits et la dette, mais aussi de réduire les impôts et les charges, favorisant la croissance et la création de vraies richesses et de vrais emplois. Ce retour à la prospérité bénéficiera à tous, même au secteur public. Les autres pays le font. La France en est donc capable.

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  • Attention au pseudo effet d’exemplarité… Ainsi, dire « d’autres pays le font donc la France pourrait le faire »… est très contestable.

    A part la Grèce qui a reçu un gros coup derrière la nuque… l’odieuse « austérité » n’est pas très visible.

    Et d’ailleurs si elle était présente… elle repartirait bien vite. Observez l’Italie avec son nouveau premier ministre, énième non élu, qui s’empresse de vouloir augmenter… les déficits en traitant le « pacte de stabilité » de « pacte de stupidité ».

    On le voit, Hollande joue sur du velours avec des partenaires de ce type.

    Il s’agit en fait d’une gigantesque hallucination collective, organisée autour d’un mot-clé, d’un mot-valise orwélien : « austérité », si négatif qu’il fait peur aux enfants.

    C’est le croquemitaine. Le chiffon rouge qu’on agite devant les yeux des boeufs que nous sommes.

    Ici, « austérité » signifie… efforts… pour nous… c’est à dire hausse des impôts !

    Cette manipulation a un fondement très sérieux : il est impossible de réduire les dépenses publiques, car dans une économie soviétisée comme la France, toute baisse de ces dépenses entrainerait de facto une violente récession.

    Voilà la vérité, qui permet d’expliquer l’obsession des politiques.

    Nous sommes donc au-delà d’un problème de choix ou d’orientation politique. Il s’agit plutôt d’un problème ontologique.

    Couper les dépenses, reviendrait à arrêter de pédaler, et le vélo tomberait.

    Dès lors, chaque libéral devrait en déduire une action, un programme : appuyer là ou ça fait mal, utiliser ce levier, afin de précipiter l’implosion du Système.

    Il faut réduire les « recettes » (expatriation, baisse temps de travail, revenus, consommation, investissement) et augmenter les « dépenses ».

    Les pousser à la faute. Accélérer le processus.

    Le temps de la naïveté et de la procrastination doit prendre fin : aucun politicien, et certainement pas la majorité des électeurs ne votera JAMAIS cette fameuse « austérité ».

    A nous de l’imposer, dans une stratégie toute bolchevique.

    Mettons les en faillite.

  • Mr Naudet, vous ne parlez ici que de la dette « officielle » pas de celle des retraites non provisionnées que la génération égoïste des baby-boomers s’offre sur le dos de ses descendants. Quand les taux d’intérêt vont monter, les retraités auront énorméement de soucis à se faire.

  • Pouvez-vous citer un seul cas d’effondrement de l’économie suite à la réduction des dépenses publiques ? Soyons donc plus optimistes. Appuyons-nous sur les faits.

    Voilà par exemple une première piste pour réduire la dépense publique de 1 millards d’€ par jour, et ainsi ramener la dépense publique de 56 à 39% de la dépense :

    http://sylvainjutteau.blogspot.fr/2012/11/comment-gagner-un-milliard-par-jour-sur.html

    C’est une première étape. D’autres dispositifs permettront de ramener la dépense progressivement à 10% de la dépense totale, en pente douce. Il faut rappeler que de plafond de 10% a été franchi pour la première fois du fait des dépenses militaires en préparation de la première guerre mondiale. Depuis, la dérive s’est poursuivie. Mais nous reviendrons à des proportions plus raisonnables, c’est inexorable.

  • L’économie étant ce qu’on peut qualifier de système complexe, avec de nombreuses interdépendances, une approche macroéconomique me semble être la meilleure et cela d’autant plus lorsqu’on parle de « politique économique ».
    Concernant J-B Say, son affirmation n’est qu’une tautologie néoclassique qui consiste à dire qu’un bien ne s’échange que contre un autre bien. Pour qu’il y ait échange il faut qu’il y ait deux produits à échanger ! Mais quand on n’a dit cela on n’a pas dit grand-chose. Ce qu’il faut se poser comme question c’est pourquoi une entreprise va produire tel bien plutôt qu’un autre. La réponse est justement parce qu’il y a demande de ce bien. Une entreprise produit pour répondre à une demande, cette demande sera alors satisfaite si le demandeur a lui-même quelque chose à offrir au producteur qui se trouve alors en position de demandeur. C’est le troc en fait. Il oublie simplement le rôle de la monnaie dans l’échange, oubli qui conduira à la critique Keynésienne. J-M Roubaud, patron de la CGPME l’a d’ailleurs très bien compris lorsqu’il explique que les entreprises créeront des emplois si « les carnets de commande se remplissent ». Qu’est-ce que cela signifie sinon que c’est bien la demande qui conditionne la production !
    Si la dette est bien un transfert, elle est avant tout un transfert des classes moyennes et pauvres vers les classes les plus aisées qui depuis 30 ans ont bénéficié de ce qu’on peut appeler un « double jackpot » : une fiscalité avantageuse (au nom du principe du ruissellement), c’est-à-dire baisse du taux marginal d’imposition, multiplication des niches fiscales et des possibilités d’optimisation fiscale qui leur a permis avec l’argent « économisé » grâce à cette politique, d’acheter de la dette provoquée justement par cette même politique fiscale avantageuse, provoquant ainsi un transfert des contribuables vers les classes les plus aisées. L’opacité de la détention de la dette laisse entrevoir la possibilité qu’une partie domiciliée à l’étranger soit en fait détenue par des citoyens français.
    Le biais de votre conclusion réside dans l’idée que si on privatise les dépenses publiques diminueront. C’est une évidence, mais il convient de préciser pour être honnête que les dépenses restant à la charge des ménages augmenteront ! Rien ne permet d’affirmer que ces dépenses à qualité de service égale seront plus faibles et encore moins que les prestations seront meilleures. La dette publique diminuera peut-être mais la dette privée, elle ,augmentera !

  • Un beau reportage sur youtube pour nous expliquer, dette, crise, chômage… etc

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