L’erreur significative de la négociation incongrue

Dans un pays extrêmement socialisé, les contreparties ne peuvent plus venir des entrepreneurs, mais des pouvoirs publics qui vont devoir faire la démonstration qu’ils sont capables de simplifier les choses.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Négociations syndicat patronat (Crédits Ministère du Travail, de l'Emploi et la Santé, licence Creative Commons)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

L’erreur significative de la négociation incongrue

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 7 mars 2014
- A +

Par Cécile Philippe.
Un article de l’Institut économique Molinari.

négociationLe président François Hollande a promis un pacte de responsabilité entre l’État et les entreprises. Ces dernières s’engagent à embaucher si les premiers acceptent de baisser leurs charges et les contraintes qui pèsent sur elles. En échange d’une baisse de 30 milliards de charges sociales, les entreprises pourraient créer jusqu’à 1 million de nouveaux emplois.

Évidemment, ce pacte a fait l’objet de nombreux commentaires, à commencer par le virage social libéral de François Hollande, en passant par le financement de ces 30 milliards de baisses de charges, ou par des contreparties qui ne seraient qu’un symbole pour faire passer la pilule de ce « cadeau » aux entreprises auprès de la gauche.

En dépit des nombreuses critiques qu’on peut faire à ce pacte – et la première est d’ailleurs de se demander s’il verra véritablement le jour et sous quelle forme –, il indique néanmoins une évolution dans le discours politique, probablement dicté par un certain pragmatisme face à une économie qui n’obéit pas aux doigts et à l’œil de l’interventionnisme étatique français.

Car si le président Hollande se résout à proposer ce « pacte » avec les entreprises, c’est simplement qu’ayant échoué dans sa promesse d’inversion de la courbe du chômage fin 2013, il réalise que les entreprises sont sans doute le mieux à même de résoudre le problème numéro 1 des Français, à savoir le chômage de masse.

Or, le constat est sans équivoque, les entreprises en France sont asphyxiées par des charges trop lourdes et des réglementations trop nombreuses qui plombent leurs calculs économiques de profits et de pertes sur le long terme. Il semble donc assez logique de penser qu’en baissant les unes et les autres, les entreprises décideront d’embaucher de nouveau.

Ceci serait vrai si la promesse était plausible et que l’État était capable d’apporter ces garanties qu’il exige des entreprises. Car le président propose certes des baisses de charges mais celles-ci seront largement insuffisantes si elles ne sont pas accompagnées d’un réel choc de simplification, notamment dans l’embauche. En l’absence d’un assouplissement réel en la matière, peu nombreuses seront les entreprises suffisamment confiantes pour se lier de façon presque permanente à des employés quand l’avenir reste très incertain.

Celui-ci l’est par nature mais les pouvoirs publics en créant une grande instabilité juridique, rendent les calculs économiques futurs plus incertains encore. Comme l’écrit Cédric Parren dans un ouvrage tout juste publié aux Belles-Lettre (Le silence de la loi, 2014), l’inflation normative en France n’a sans doute pas beaucoup d’égal. « À ce jour, la législation française aligne plus de onze millions de mots, en augmentation de sept pour cent par an. Le Journal officiel s’étale sur plus de vingt-trois mille pages annuelles. Les Français vivent sous l’empire de onze mille lois – dont certaines dépassent les deux cents pages – et de cent trente mille décrets ». Il ajoute, ce qui est crucial pour les entrepreneurs, « le code du travail comptait quatorze pages en 1911, contre deux mille cinq cents en 2013. »

img contrepoints135 MontebourgPire, plus de dix pour cent des articles des codes changent chaque année au détriment de toute sécurité juridique. Comment dans ce cas espérer que les entreprises seront enclines à prendre des risques dans un environnement qui les multiplie et ne garantit in fine aucune sécurité.

Il est donc à craindre que ce pacte ne résulte en une situation identique à celle qui a prévalu lors de la baisse de TVA (de 19,6% à 5,5%) dans la restauration. Faute de visibilité, la baisse de la TVA promulguée n’a pas produit le résultat voulu. Les restaurateurs n’ont pas baissé leur prix de façon significative, ni embauché comme ils l’avaient promis.

Pouvait-on le leur reprocher ? Sans doute pas dans la mesure où l’accord n’était pas vraiment équitable. Les pouvoirs publics ne semblent pas prendre la mesure des enjeux. Dans un pays extrêmement socialisé, les contreparties ne peuvent plus venir des entrepreneurs – ils ont donné –, mais des pouvoirs publics qui vont devoir faire la démonstration qu’ils sont capables de simplifier les choses, de rendre l’environnement économique plus sûr, de réformer en profondeur le marché du travail et de s’engager sur la durée.

C’est en prouvant sa capacité à provoquer ce choc de simplification et en maintenant le cap sur la durée qu’il pourra convaincre les entrepreneurs de mettre leur capital, leur énergie, leurs idées et leur responsabilité au service des autres. On peut demander à des entrepreneurs d’être des surhommes ou des héros (c’est presque dans leur nature), on ne peut espérer qu’ils soient des martyrs.

Par conséquent, le pacte de responsabilité ne devrait pas être une négociation mais un engagement de l’État de mettre en route les réformes nécessaires pour créer un environnement propice à l’investissement et la prise responsable de risque. Créer de la valeur, des richesses et des emplois est dans l’ADN de tout entrepreneur. Encore faut-il qu’il ait de bonnes raisons de penser que cela vaut le coup.


Sur le web. Texte d’opinion initialement publié dans l’édition de février de l’Agefi magazine.

Voir les commentaires (2)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (2)
  • Quand vous parlez de « choc de simplification », vous ne vous limitez pas à l’augmentation à 15 ans de la validité de la carte d’identité j’espère…?

    Désolé pour l’ironie, mais si cette expression exprime un véritable besoin pour le pays (voir les articles sur « l’impôt temps » lus sur ce site il y a quelques temps, voir le temps perdu en préfecture pour la moindre démarche, etc.) elle a malheureusement été vidée de son sens par le gouvernement actuel au début de son mandat.

  • Flamby ne prend aucun risque avec ses nouvelles promesses … Sur les 30 milliards promis, 20 font déjà parti du CICE financé intégralement par la hausse de TVA. De plus, la baisse de charge de 10 milliards va mécaniquement augmenter plein d’agrégats eux-mêmes taxables des entreprises en particulier le bénéfice final qui je le rappelle est taxé à 38%, quasi record mondial. Donc au final, ses « grandes promesses » ne concernent que quelques milliards au mieux. Les économies correspondantes seront donc faciles à trouver en continuant la stratégie des transferts et de croissance zéro en volume. A noter que de ce point de vue le régime « spécial » de la Défense qui a elle droit à une croissance zéro en valeur jusqu’en 2019 déjà entériné par la loi de programmation militaire fait déjà gagné 1.5 milliards par an soit probablement la moitié de l’objectif ! (-5% sur 31.5 milliards redescendu à 30 milliards).

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Par Oihab Allal-Chérif.

 

En 2023, avec les sorties des films Air, Tetris, et BlackBerry, l’entrepreneuriat est plus que jamais une source importante d’inspiration et de revenus pour les cinéastes. Dans ces films comme dans The Social Network, Le Fondateur, Steve Jobs, ou Walt Before Mickey, les entrepreneurs sont présentés comme des personnages géniaux, perfectionnistes, résilients, torturés, impétueux, rebelles, et avec des vies rocambolesques.

Adulés ou haïs, les aventures authentiques des entrepreneurs constituen... Poursuivre la lecture

Un article de l'IREF

Parmi les pays européens, la France est considérée comme un État unitaire possédant trois niveaux de collectivités territoriales, voire quatre si l’on y inclut l’échelon des EPCI (établissements publics de coopération intercommunaux).

Sans remettre en cause ce principe, une série de grandes lois était censée augmenter le degré de décentralisation hexagonal et rationaliser ce que journalistes et politiques ont coutume d’appeler le « millefeuille territorial » : l’acte II de la décentralisation, porté par le g... Poursuivre la lecture

Image générée par IA
0
Sauvegarder cet article

Les politiciens prétendent que leurs projets de loi nous apportent de bonnes choses. Soins de santé gratuits ! La prise en charge des enfants ! Un téléphone portable pour tous !

Mais le gouvernement n'est pas le Père Noël. Le gouvernement est une force.

La plupart des lois nous privent d'un peu de notre argent ou de notre liberté, voire des deux.

La Heritage Foundation établit un classement de la liberté économique dans le monde entier. Les États-Unis ont déjà été classés au quatrième rang mondial, mais leur position s'es... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles