Chiffres du chômage : une autre vision

Quand on regarde dans le détail les chiffres du chômage, on s’aperçoit qu’ils sont encore plus mauvais que ce qui est présenté officiellement.

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Chiffres du chômage : une autre vision

Publié le 16 décembre 2013
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Par Dominique, d’Emploi 2017.

Les statistiques officielles disent que le taux de chômage atteint aujourd’hui environ 11% de la population active, c’est-à-dire de la population en emploi ou reconnue comme chômeuse. En réalité il est possible de démontrer que le chômage « réel » c’est-à-dire le nombre de personnes sans emploi qui seraient disposées à prendre un emploi est toujours environ du double. Cette réalité est d’autant plus vraie en France que notre déficit d’emplois privés continue d’augmenter, de pair avec une « réserve » d’inactifs considérablement plus élevée que celle des nos voisins allemands ou anglo-saxons.

À partir des données d’Eurostat, du BIT, de l’INSEE et de l’ONS, il a été calculé pour 2012 la répartition en millions de la population en âge de travailler1 des trois pays : France, Allemagne, Royaume-Uni. Les résultats sont présentés ici, utilisant une palette de couleurs allant du vert au rouge foncé. Ces couleurs vont – de manière très schématique – de la situation la « plus souhaitable » à la situation la « moins souhaitable ».

- En vert : emplois privés à temps plein ou temps partiel volontaire2
- En jaune : emplois privés à temps partiel involontaire3
- En orange : emplois publics4
- En rouge : chômeurs au sens du BIT5 + inactifs qui aimeraient travailler mais ne cherchent pas de travail + inactifs cherchant un emploi mais n’étant pas disponibles dans les 15 jours
- En rouge foncé : inactifs ne désirant pas travailler

Chiffres du chômage en France

 

Source : Eurostat, BIT, INSEE, ONS, chiffres bruts 2012 ou estimés à partir de ceux de 2011.


Chiffres du chômage en Allemagne

Source : Eurostat, BIT, INSEE, ONS, chiffres bruts 2012 ou estimés à partir de ceux de 2011. Chiffres du chômage au Royaume-Uni

 

Source : Eurostat, BIT, INSEE, ONS, chiffres bruts 2012 ou estimés à partir de ceux de 2011.

Ce qui frappe d’emblée, ainsi que cela a été détaillé davantage dans un article antérieur, c’est notre retard persistant en emplois privés. En proportion, ce retard est un peu moins important au Royaume-Uni qu’en l’Allemagne, mais plus pour longtemps. Les réformes engagées en 2010 par Cameron ont en effet enclenché un cercle vertueux dont le pays n’a pas fini de voir les fruits. Entre mi-2012 et mi-2013, l’emploi privé britannique a continué d’augmenter de 380.000 et le nombre d’emplois publics a encore diminué de 104.0006. La croissance atteindra 1,4% en 2013 – contre une prévision de 0,2% pour la France7 – et 2,4% en 2014, selon des chiffres révisés à la hausse par l’Office for Budget Responsibility.

Comment estimer le « chômage réel » ?

Même si le taux de chômage français (10,9%) est plus élevé que le taux de chômage allemand ou britannique (5,2 et 7,5% respectivement d’après les derniers chiffres d’Eurostat) le taux de chômage officiel ne représente que la partie émergée de l’iceberg. Il en est pour preuve que le Bureau des statistiques du travail américain, à la différence de l’INSEE, ne publie pas qu’un seul taux de chômage mais il en publie six. Le dernier, « U6 », constitue ce que certains appellent « the real unemployment »8. En plus des chômeurs officiels, ce taux comprend les emplois à temps partiel involontaires, il comprend également les personnes qui, à l’heure actuelle, ne travaillent ni ne recherchent d’emploi mais qui veulent travailler, sont disponibles pour un travail et ont recherché un emploi dans les 12 derniers mois. Aux États-Unis ce taux est toujours environ le double de celui du chômage officiel : il est ainsi actuellement de 13,2%, contre 7% 9 pour le chômage officiel.

imgscan contrepoints 2013-2485 chiffresÀ partir des bases de données internationales, il est possible de calculer le « U6 » français. Nous disposons grâce à Eurostat des « temps partiels involontaires » 10, nous disposons également des « inactifs qui aimeraient travailler mais ne cherchent pas d’emploi » 11. Ainsi pour la France, le taux de chômage « U6 », si l’INSEE le publiait, serait non pas de 10% en 2012 mais de 17% soit près de 5 millions de personnes.

Néanmoins, comparativement aux autres pays, notre proportion d’inactifs « qui aimeraient travailler mais ne cherchent pas d’emploi » est extraordinairement faible. On voit sur les graphiques du Royaume-Uni et de l’Allemagne que cette population est aux trois quarts aussi nombreuse que la population de chômeurs officiels, respectivement 1,6 et 2 millions de personnes, alors qu’elle n’est que de 0,5 million en France.

Eurostat ne donne malheureusement aucune explication sur la manière dont les inactifs sont classés par catégories. Cela laisse à conclure, soit à un problème de formulation/manipulation/ compréhension du questionnaire par les enquêtés, soit à une aversion typiquement française pour le travail, soit enfin à l’effet pervers de notre système d’aides sociales et indemnités trop généreuses.

Les différentes études sur l’effet des aides sociales et indemnités chômage sur le désir de travailler incitent à penser que c’est la dernière hypothèse qui est la bonne. Ces études montrent que le désir de travailler est directement corrélé au gain supplémentaire engendré par le travail. Or, d’une part les aides sociales et indemnités sont plus importantes en France que chez nos voisins. D’autre part la conjoncture économique plus morose et les charges plus élevées sur les entreprises pèsent à la baisse sur les salaires nets. Parmi les personnes « ne voulant pas de travail » un grand nombre d’entre elles désireraient vraisemblablement travailler, soit si les aides sociales diminuaient, ou soit si le contexte économique leur offrait une réelle opportunité.

Il est par ailleurs intéressant de constater que les derniers chiffres d’augmentation significative de l’emploi en France confirment la règle que pour un chômeur, il y a presque une personne supplémentaire qui veut un emploi. Entre mars 1997 et mars 2001, l’emploi en France a augmenté d’environ 1.500.000 et le nombre de demandeurs d’emploi a diminué d’environ 800.00012

Si l’on ajuste les chiffres en fonction de ceux du Royaume-Uni, de l’Allemagne et des États-Unis, on a 2,1 millions d’inactifs ne cherchant pas de travail mais qui aimeraient travailler. En faisant ce calcul, le taux de chômage réel « U6 » n’est plus de 17% mais de 21%.

Chômage privé

Certains commentateurs sur Internet remarquent qu’il est d’ailleurs peu pertinent d’inclure les emplois publics dans le calcul du chômage puisque par définition les fonctionnaires ne peuvent pas être touchés par le chômage. Ainsi si l’on calcule le « taux de chômage réel du privé », il n’est plus de 21% mais de 26%, soit plus du quart du secteur privé, contre 0% de chômage pour le public.

Tableau récapitulatif

Vrais chiffres du chômage en France (décembre 2013)

 

Sur le web

  1. 15-64 ans (norme internationale). Pour le Royaume-Uni, 800.000 inactifs n’ont pas été représentés car ils figurent sur Eurostat comme ne donnant « aucune réponse » sur la raison de leur inactivité.
  2. La raison principale du temps partiel n’est pas de n’avoir pas trouvé d’emploi à temps plein.
  3. La raison principale du temps partiel est que la personne n’a pas trouvé d’emploi à temps plein.
  4. Y compris les emplois publics hors statut de fonctionnaire.
  5. Le chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) comptabilise les personnes en âge de travailler (conventionnellement 15 ans ou plus) qui :
    1°) n’ont pas travaillé, ne serait-ce qu’une heure, au cours de la semaine de référence ;
    2°) sont disponibles pour travailler dans les deux semaines ;
    3°) ont entrepris des démarches actives de recherche d’emploi dans le mois précédent, ou ont trouvé un emploi qui commence dans les 3 mois.
    Source : http://travail-emploi.gouv.fr/etudes-recherches-statistiques-de,76/statistiques,78/chomage,79/les-mots-du-chomage,1413/le-chomage-au-sens-du-bit,9575.html
  6. http://www.ons.gov.uk/ons/rel/pse/public-sector-employment/q2-2013/stb-pse-2013q2.html et http://www.ons.gov.uk/ons/dcp171778_325726.pdf
  7. Chiffres du FMI d’octobre 2013
  8. « U-6= Total unemployed, plus all persons marginally attached to the labor force, plus total employed part time for economic reasons, as a percent of the civilian labor force plus all persons marginally attached to the labor force. Persons marginally attached to the labor force are those who currently are neither working nor looking for work but indicate that they want and are available for a job and have looked for work sometime in the past 12 months. Discouraged workers, a subset of the marginally attached, have given a job-market related reason for not currently looking for work. Persons employed part time for economic reasons are those who want and are available for full-time work but have had to settle for a part-time schedule . » Source : http://www.bls.gov/news.release/empsit.t15.htm
  9. http://www.bls.gov/news.release/empsit.t15.htm
  10. On a considéré que tous les temps partiels dans le public étaient des temps partiels volontaires. Tous les temps partiels sur ce graphique sont donc considérés comme étant du secteur privé.
  11. Il n’est pas précisé ici qu’ils en ont recherché dans les 12 derniers mois mais le FMI l’a utilisé en 2010 pour calculer le « marginally attached workers » (cf. note 7 ci-dessus) du « U6 » de pays européens.http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2010/01/pdf/c3.pdf
  12. Ceci est expliqué par Bernard Zimmern, dans Les fabricants de chômage, Plon, 2002, p.61.
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  • Pas compliqué de comprendre pourquoi l’élection d’un candidat un tantinet libéral est impossible quand plus de 50% des actifs dépendent de l’argent public et que les retraités sont conservateurs comme jamais.

    • Pourquoi pas se parler les uns les autres ? Les rétraités, il y en a pas mal qui ont des enfants et des petits enfants, et pour la plupart, il les aiment, et ils voient bien que ce qui se prépare pour eux n’est pas rassurant. Que pouvons nous leur dire sur la question : comment alléger la situation de vos proches, mais sans que vous vous retrouviez vous-mêmes démunis ?

      Tant que les gens ne voient pas d’issue à cette question, tout est grippé, c’est quand même bien naturel. Quelles sont les réponses, et comment les faire connaître ?

      • car la génération des trente glorieuse ne mange pas SES enfants, mais les enfants de ces voisins:
        ceux qui ont bénéficé des bonne places à la bonne période, ont largement de quoi aider confortablement leurs dexcendance, surtout qu’ils ont généralement beaucoup moins d’enfant qu’à la génération précédente, par donation, héritage… j’ai quelqu’un dans mon entourage, qui étant  » assis  » ( prof à la retraite, plusieurs rédidences secondaires, boulot à coté, car pas fatigué… ) à payé le terrain à construire de la villa de son fils ( 50 patates dans ma region ! ). qui plus est, le népotisme est trés pratiqué dans ce pays, et les enfants des gens bien placés, n’ont souvent guère de soucis à ce faire pour trouver une  » bonne gache « .

      • @Nick

        Je suis le premier à espérer une issue heureuse à cette situation, un peu comme ce qui s’est passé en Suède, au Canada, en N-Z ou en Allemagne, mais soyons francs, le temps presse et les idées qui font cruellement défaut à la France sont complètement absentes du débat politique.

        À mon avis, les réformes nécessaires, c’est pas un politicien francais qui les fera, plutot le FMI ou la Commission Européenne. Malheureusement.

  • Intéressant mais je trouve la plage d’âge un peu large, je m’explique :
    – On démarre à 15 ans. A cet âge, on est étudiant et la France a tendance à avoir des jeunes qui entrent tard sur le marché (du fait des études financées par le contribuable)… Les 15-23 ans qui étudient sont probablement considérés dans ce tableau comme inactifs ne cherchant pas d’emploi. Cette obsession du diplôme pour tous (même s’il perd ainsi toute valeur) est un problème en lui-même mais cet effet ne devrait pas être retenu dans l’effet chômage car ils ne sont pas à proprement parler « inactifs ».
    – L’autre borne est le 64 ans. En France, on part à la retraite disons à 61 ans, toute la tranche des 61-64 ans part alors dans les inactifs ne cherchant pas à travailler. Logique, ils sont retraités… Dans les pays avec départ plus tardif à la retraite, ils se ventilent dans les autres cases. Une fois de plus, on soulève ici un problème français, l’âge de départ à la retraite mais il me semble également important de le distinguer de l’effet « chômage ».

    Ainsi, les spécificités (disons plutôt les aberrations) françaises biaisent les résultats. J’aurais préféré des statistiques sur les 25-60 ans pour être sur une tranche où ces impacts influent beaucoup moins.

    • Vous avez raison mais il faut faire avec : la plage 15-64 ans est pratiquement une norme, utilisée dans le monde entier. C’est actuellement le seul point de comparaison entre les pays, sans avoir à reconstituer les informations. Adapter cette plage serait intéressant mais c’est un travail qui dépasse, on en convient aisément, le cadre d’un simple article. La plage 20-70 ans correspondrait sans doute mieux aux évolutions sociétales des dernières décennies (augmentation de la durée des études, âge de la retraite repoussé pour tenir compte de l’espérance de vie…)

      Ceci dit, si on délaisse le taux de chômage sujet aux biais et aux contestations, on peut éliminer ces derniers en recherchant le taux d’activité productif, c’est-à-dire le taux d’emploi marchand (la section verte des camemberts rapportée à la population totale). De ce point de vue, la situation de la France apparaît encore plus mauvaise. A population égalisée avec l’Allemagne et le R-U, le nombre d’emplois en France devrait être de 22 millions (18 sur le graphique). A ces 4 millions d’emplois productifs perdus, il convient d’ajouter environ 3 millions d’emplois publics en surnombre, si on compare la France à l’Allemagne. Ce sont donc au minimum 7 millions d’emplois productifs qui manquent à l’appel en France. Enfin, si on ajoute les chômeurs et une portion des présumés inactifs, on dépasse les 10 millions d’emplois productifs détruits dans notre pays, sans compter les emplois subventionnés des associations (environ 2 millions de quasi-fonctionnaires).

      Avec plus de 10 millions d’emplois productifs détruits en France, ce n’est plus du chômage, c’est un massacre ! L’Etat obèse socialiste, cet immonde Baal-Hammon postmoderne, n’en finit plus de digérer le sacrifice de ses victimes.

  • « Eurostat ne donne malheureusement aucune explication sur la manière dont les inactifs sont classés par catégories. Cela laisse à conclure, soit à un problème de formulation/manipulation/ compréhension du questionnaire par les enquêtés, soit à une aversion typiquement française pour le travail, soit enfin à l’effet pervers de notre système d’aides sociales et indemnités trop généreuses. »

    Pour toucher des indemnités chômage il faut en théorie pouvoir prouver que l’on est en recherche active d’emploi. On se retrouve donc forcément dans la catégorie « inactif désirant travailler »
    Les aides ne peuvent donc pas expliquer la part d' »inactifs ne désirant pas travailler »

    D’après ce que j’ai compris, les « inactifs ne désirant pas travailler » rassemblent:
    -les personnes ne travaillant pas par choix (mères au foyer…)
    -les personnes qui ne peuvent pas travailler (handicaps graves, maladies…)
    -les étudiants
    -les retraités
    -les personnes radiées du pôle emploi

    L’université gratuite, l’age de la retraite et les magouilles du pole emploi (radiations massives) ) peuvent donc en grande partie expliquer les écarts avec nos voisins.

  • Le vrai problème en France, c’est que même pour la part de ce que l’on considère des emplois privés, il y’a au sein de cette part beaucoup d’emplois qui dépendent d’argent public. On peut ainsi considérer les pharmaciens, qui seraient beaucoup plus nombreux si la Sécurité Sociale était rationalisée, des agences dont le CA dépend majoritairement des prestations de complaisance vendues au public, des journaux qui seraient en faillite sans aides, et tant d’autres.
    Si le marché de l’emploi était purifié de toutes ces inepties, nous aurions un chomage en France très certainement supérieur à celui de l’Espagne, autour de 25/30%. Intenable.
    En fait, nous n’avons tout simplement plus les moyens de faire ce qui a été fait en Angleterre (assainissement violent mais permettant à court/moyen terme une amélioration de l’emploi privé) et nous sommes presque condamnés à voir le bateau couler, car même s’il peut être aussi beau que le Titanic, il est bien touché à mort sous la ligne de flottaison.

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