L’entreprise vue par les enseignants : un monde parallèle ?

Une récente étude révèle que les enseignants du secondaire ont une vision relativement positive de l’entreprise. Mais les lieux communs sur « le monde de l’entreprise » ont la vie dure.

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Enseignants (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

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L’entreprise vue par les enseignants : un monde parallèle ?

Publié le 26 novembre 2013
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Par Nils Sinkiewicz.

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Transmission des connaissances, égalité des chances, laïcité et compréhension du monde : ce sont là les priorités des enseignants français, selon une récente étude d’OpinionWay réalisée pour l’institut Treize Articles et le Réseau national des entreprises pour l’égalité des chances dans l’Éducation nationale. Rien de nouveau sous le soleil, à cette différence près que l’étude révèle une vision de l’entreprise plus favorable que ne le laisse penser la sensibilité politique du corps enseignant, avec 76% des sondés ayant une vision positive de l’entreprise.

Un bilan plutôt positif qu’il faut toutefois nuancer. Certes, comme le souligne la direction d’OpinionWay, le regard des enseignants a beaucoup évolué. Mais les inquiétudes demeurent. Si les enseignants estiment que l’entreprise a sa place à l’école, ils s’inquiètent également d’une démarche « utilitariste », « élitiste » et « d’inspiration anglo-saxonne » contraire à l’esprit de l’Éducation Nationale.

Il y a là une contradiction évidente. Et ce n’est pas la seule. Ainsi, parler avec mépris des métiers de la communication, présumés non-productifs, n’empêche pas les sondés d’affirmer que c’est en priorité vers ce secteur qu’ils s’orienteraient s’ils devaient se reconvertir.

Plus intrigante est l’évocation des exigences du « monde de l’entreprise », auquel sont associés les impératifs de compétitivité, de rendement et de résultat. Faut-il s’inquiéter de ce que les enseignants associent à l’entreprise des exigences qui les concernent tout autant ? Car jusqu’à preuve du contraire, s’ils remplissent une mission de service public, les enseignants ne sont pas moins tenus que les autres d’obtenir des résultats.

Plus facile à dire qu’à faire. Les enseignants se plaignent souvent de leurs conditions de travail et dénoncent le malaise de leur profession. Malaise mis en relief en 2011 par une étude du Carrefour santé social, qui décrivait des enseignants deux fois plus impliqués et tendus que la moyenne des salariés.

Et pourtant les enseignants persistent à se croire mieux lotis que les autres. Ainsi, 90% des personnes interrogées par OpinionWay déplorent le stress de l’entreprise, et 62% l’exploitation des salariés. À se demander si ce n’est pas le travail en soi, davantage que le fait de travailler dans l’Éducation Nationale ou en entreprise, qui préoccupe les sondés.

Les mauvaises langues montreront du doigt un corps enseignant corrompu par l’idéologie marxiste. Mais c’est l’objet même de l’étude qui pose problème. Sonder les enseignants sur l’entreprise en général revient à faire du travail en entreprise une sorte de monde parallèle où rien ne distingue la TPE de la multinationale, la société familiale de la société par actions, la chaîne d’assemblage du cabinet d’architectes. Si l’Éducation Nationale est déconnectée des réalités socio-économiques, force est de constater que les sondeurs le sont tout autant.


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  • Je n’accuserais jamais tout un corps de métier d’être des adeptes de la pensée Marxienne.
    Certes c’est un métier éducatif ET social, parfois médico-social. La majorité penche à gauche.

    Mais je ne l’aurais pas conclu différemment, ils sont déconnectés, déphasés avec le reste de la société.
    L’Ecole est défendu comme un sanctuaire, un temple du savoir.

    Son rôle n’a jamais été décrit par aucun Gouvernement comme étant de former notre jeunesse au monde du travail. (Vous pouvez me contre dire si quelqu’un a osé lui assigné ce rôle). Tout le monde connait son sobriquet de « fabrique à chômeur ».

    On n’a pas l’air là haut de trop s’inquiéter que les enfants au collège, pour beaucoup, sont faibles en écriture, lecture et calcul. (Ce Week end, j’avais le nez penché dans le cahier de lecture de ma nièce de 6 ans en CP).

    Les filières technologiques et d’apprentissage sont dévaluées et dénigrées depuis des années ! On se félicite de taux de réussite toujours en hausse de manière artificielle du Baccalauréat !

    Ouvrir les universités aux entreprises a souvent déclenché une tempête de protestation dans de nombreux médias de service public.

    Donc non seulement ces enseignants (malgré leur bonne volonté de changer cette orientation) sont déconnectés mais les parents d’élèves très tôt le sont encore plus. Et non plus ne se rendent pas compte de ce que doit être les objectifs de l’éducation nationale.

  • @gauch’ lib pour information:
    Et donc l’école a un rôle fondamental puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches pré_républicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen. Et c’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantation qu’opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, et ses nouvelles tables de la loi. Vincent Peillon

  • L’acceptation de l’entreprise, donc du marché, progresse à l’En mais en partant de loin.
    Surtout, c’est un marché réglementé, donc la régulation par le marché n’est pas acceptée.
    Or le marché réglementé donne le désastre dans lequel nous nous débattons.

    L’interventionnisme et le collectivisme restent présentés comme supérieurs moralement, et le marché comme une concession à la perversité humaine indécrottable.
    Les enfants continuent d’être endoctrinés dans un révisionnisme historique où Ford payait ses ouvriers plus chers pour qu’ils achètent ses voitures (en réalité, en échange de leur non-syndicalisation ! ) et où le New Deal a résolu la crise de 1929 (alors que ce fut un désastreux délire dirigiste) !

    Derrière ce débat, il y a bien sûr celui de la privatisation de l’école: Admettre le fait que le marché est supérieur, ce serait reconnaître l’école aussi doit s’y convertir.

    L’enseignement de la laïcité vue par le socialisme devrait susciter plus que tout l’indignation des libéraux.
    C’est l’exact contraire de la vraie laïcité, la religion socialiste obligatoire: relativiste, égalitariste, collectiviste, légitimant l’emploi de la force publique pour imposer sa vision de la morale.
    Nous ne pourrons desserrer l’emprise socialiste qu’en repoussant cette fausse laïcité.
    Les pires ennemis du libéralisme sont Vincent Peillon ou Christiane Taubira.
    Les libéraux sont focalisés sur l’économie, mais c’est hors de l’économie que s’enracinent les idéologies qui ruinent notre économie.

  • j’ai un cousin qui est instituteur, à la fin des années 80, je l’ai entendu dire à la buvette d’une soirée dansante, que si les choses n’allait pas en france, c’était de la faute des patrons… il y a une semaine, il m’a tenu le discours du parfait gauchiste: les jeunes qui arrivent sur le marché du travail sont exploités ( faible salaire, obligation de traaviller le dimanche … )

  • Le problème des enseignants, est le même que celui des politiques : ils ne sont jamais sortis de l’école.

  • Les commentaires sont fermés.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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