« Les stagiaires » : Optimisme et processus de destruction créatrice

Pourquoi défendre cette comédie américaine estivale qui peut se résumer, selon les critiques, à une gigantesque publicité pour le moteur de recherche Google ?

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« Les stagiaires » : Optimisme et processus de destruction créatrice

Publié le 10 octobre 2013
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Pourquoi défendre cette comédie américaine estivale qui peut se résumer, selon les critiques, à une gigantesque publicité pour le moteur de recherche Google ?

Par Franck Elkeslassy.

Pourquoi défendre cette comédie américaine estivale qui peut se résumer, selon les critiques, à une gigantesque publicité pour le moteur de recherche Google, l’alliance entre Hollywood et ce géant de l’internet pouvant être considérée comme une étape de plus dans la manipulation des esprits les plus influençables par les (anciens et nouveaux) maîtres du monde médiatique.

À y regarder de plus près, notamment en prenant en compte la personnalité de l’auteur et acteur principal, on se rend compte que cette comédie plutôt conventionnelle se révèle être d’un optimisme typiquement américain quant au processus de destruction créatrice que peut représenter la révolution numérique et particulièrement l’apport de Google. En effet, l’acteur principal et auteur de l’histoire est Vince Vaughn : un des rares acteurs hollywoodiens pleinement libéral et revendiquant son attachement aux idées de Ron Paul.

L’histoire de ces vendeurs de montres se retrouvant du jour au lendemain sans emploi, leur société étant « victime » d’un modèle économique obsolète, est traitée de façon totalement opposée à ce qu’aurait pu faire un réalisateur français : sans fatalisme, misérabilisme, bouc émissaire ou lutte de classe. Ne serait-ce que pour ces raisons, il convient de donner à ce film une seconde chance (sortie VOD/DVD le 30 octobre 2013).

Avec peu de compétences mais une volonté tenace de surmonter leurs difficultés, nos vendeurs de montres ont alors l’idée de rechercher un emploi dans l’une des sociétés les plus emblématiques de la nouvelle technologie sans avoir les compétences techniques nécessaires.

L’élément intéressant et révélateur de la société américaine post-crise est que pour parvenir à obtenir le contrat de travail si convoité, ils doivent passer par un processus de sélection et entrer en compétition avec des dizaines d’autres stagiaires pour l’été. L’intégration dans ce sanctuaire de la nouvelle économie sans costume cravate mais d’où l’on passe d’un niveau à un autre par un toboggan sera difficile dans un premier temps. De plus, leurs âges et leurs manques de connaissance dans le domaine informatique les handicapent et les mettent à l’écart des « autres » lorsqu’il s’agit de former des groupes qui rentreront en compétition pour gagner les fameux contrats de travail.

Ils vont donc se retrouver dans le groupe rassemblant tous ceux qui n’ont pas pu convaincre les autres de leur utilité (à la manière du glee club : une fille trop sûre d’elle, un jeune asiatique ultra stressé, un garçon ostensiblement détaché du monde qui l’entoure…). L’opposition entre les générations paraîtra alors difficilement surmontable : les jeunes geeks ne comprenant pas ce que ces deux « vieux » peuvent leur apporter. En se montrant très volontaires et humains dans leurs relations, nos deux héros vont apporter à leurs jeunes collègues une ouverture vers le monde réel que nos geeks avaient délaissée à force de ne vivre que dans le virtuel. Mais Vince Vaughn et Owen Wilson vont également, au contact des plus jeunes et de la nouvelle technologie, se réinventer et dépasser leurs limites qui les avaient amenés à échouer à plusieurs reprises dans leurs vies.

Le film a été critiqué pour n’être qu’une publicité géante pour Google : or, si il y a bien une société qui n’a pas besoin de promotion c’est bien ce moteur de recherche mondial. De plus, le choix de Google comme entreprise emblématique du 21e siècle et du processus de destruction créatrice est judicieux à plusieurs égards. Google est classé par le magazine Fortune comme le meilleur endroit pour travailler au monde. Tourner un film dans le siège de cette société peut donc être considéré comme potentiellement très instructif pour montrer le caractère singulier de leurs méthodes de travail. De plus, cette société n’a que 15 ans d’existence mais son influence sur la vie de milliards de personnes (diffusion des connaissances, vie quotidienne facilitée, services gratuits…) est inversement proportionnelle à son jeune âge.

L’obsolescence des technologies existantes générées par le processus de destruction créatrice et l’innovation dont elle s’accompagne s’illustrent parfaitement dans ce que Google propose tous les jours à ses utilisateurs. Le film aurait pu se focaliser sur la perte d’emploi et de perspectives que ce processus génère mais sans le négliger, il préfère insister sur le caractère potentiellement créateur du processus et des opportunités qu’il crée pour ceux qui sont suffisamment volontaires et travailleurs (le thème du mérite est abordé à plusieurs reprises, notamment par la personnalité du responsable de stage).

Il ne faut pas non plus négliger les rôles secondaires délirants qui, par l’intermédiaire de Will Ferrel en vendeur de matelas ou Rob Riggle en spécialiste de matériels pour personnes du 3e âge, mettent en perspective les différences entre vendeur « ringard » à l’ancienne et nouvelle économie.

Il ne faut donc pas hésiter à voir ce film qui malgré certains aspects comiques plutôt convenus propose une vision optimiste de la collaboration entre génération et de l’entreprise comme lieu de création : bref, l’opposé de ce qui nous est proposé quotidiennement sur nos écrans français qui traitent généralement de l’entreprise comme un lieu d’exploitation.

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  • tres bel article !

  • « Le film a été critiqué pour n’être qu’une publicité géante pour Google »
    Prévisible hélas. Le même sur Apple aurait reçu un concert de louanges. Les ravages du « mainstream ».
    Personnellement j’ai bien aimé, un bon film qui montre l’envers du décor, fait réfléchir sur des méthodes de management alternatives; et un casting d’acteurs qui fait le job.
    Merci pour votre article.

  • C’est clair que l’esprit Américain face aux aléas de la vie est quand même aux antipodes du défaitisme Français.

    Ici, perdre son boulot revient à perdre la vie 😀

    Ce matin justement après avoir lu l’article de Contrepoints au petit déj, je tombe sur « eddy mitchell – il ne rentre pas ce soir » à la radio.

    Après avoir lu cet article sur l’esprit positif et la capacité d’adaptation au changement des américains, je ne vous raconte pas comment je me suis bidonné sur cette chanson « triste » de Mitchell
    (que je n’aime pas du tout au passage)
    😀

    Réécoutez cette daube si vous en avez le courage, ça vaut mille discours sur l’état d’esprit de pleutre et de pleurnicheur qui caractérise le français moyen.

  • Moi, je pense plutôt au film « le couperet » de Gavras, comme « cas inverse ».

    La scène où Garcia voit une famille « vendre » ses affaires dans la rue est délirante : on « sent » la propagande…

  • Les commentaires sont fermés.

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