Les Présidents et l’art culinaire

Que l’actuel locataire de l’Élysée soit associé au flanby est finalement une façon de rendre hommage à la tradition culinaire française.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
flanby

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Les Présidents et l’art culinaire

Publié le 7 mai 2013
- A +

Que l’actuel locataire de l’Élysée soit associé au flanby est finalement une façon de rendre hommage à la tradition culinaire française.

Par Jean-Baptiste Noé.

Nous n’avons pas attendu le classement du repas gastronomique français au patrimoine mondial de l’UNESCO pour savoir qu’en France le pouvoir entretien des liens étroits avec la gastronomie. Si l’on peut passer à la postérité en donnant son nom à une loi, à une bataille, à une construction, rien ne vaut de laisser son nom à un plat. Rois et présidents s’en délectent bien sûr ; et en rêvent. Personne n’a encore réussi à battre Henri IV et sa célèbre poule au pot. Louis XI, qui avait le porc-épic pour emblème, n’a guère laissé de recette pour l’accompagner. Louis XIV, célébré de toutes parts, n’a néanmoins pas pu laisser de plat à son nom. Mais son siècle fut fameux en la matière. Le grand prédicateur jésuite Louis Bourdaloue a donné son nom à une tarte aux poires, et Bossuet, figure de l’aigle prédicateur, est associé pour jamais à un fromage, grâce à la ville de Meaux dont il était l’évêque. Louis-Philippe, après eux, fut caricaturé en poire, un fruit si proche du peuple. Napoléon III a popularisé le camembert en mangeant ce fromage à la descente d’une gare normande, même si l’on a du mal à déloger la légende de la réalité.

Au XXe siècle, brille le grand aristocrate Valéry Giscard d’Estaing qui, pour faire peuple, a commandé une soupe à son nom au cuisiner Paul Bocuse. Ce qui aurait pu être une charmante potée auvergnate revisitée, comme l’on disait à l’époque de la nouvelle cuisine, ou une soupe de lentilles du Puy, fut un velouté VGE, c’est-à-dire à la truffe. Le naturel était revenu à l’Élysée. C’était oublier que la truffe est célèbre pour sa poularde demi-deuil, c’est-à-dire lardée de truffes. De fait, le septennat c’est achevé dans le deuil jamais terminé de la défaite humiliante.

Mitterrand avait ses ortolans. Oiseaux interdits de consommation, braconnés et achetés fort chers au marché noir. La morale socialiste semble s’arrêter à la teneur de la table. Chirac fut envié pour la tête de veau. C’était retrouver le plaisir des nourritures canailles, c’était amener le terroir à Paris, et faire croire que l’on était proche de la terre. Sarkozy a voulu rompre avec tout cela. Abstème, il ne boit jamais de vin, alors que la cave de l’Élysée est une des plus belles de France. Sa passion pour les laitages n’était guère propice aux enchantements. Quand le président normal est arrivé, nous sommes revenus à la normalité de la gastronomie élyséenne. De ses goûts culinaires peu de choses ont percé, sauf qu’il a dû s’astreindre à un régime sévère pour se donner l’image d’un président. Les kilos en moins lui ont permis de gagner des voix en plus.

François Hollande est arrivé à l’Élysée auréolé de surnoms gastronomiques de haut vol, attribués à lui-même par ses camarades socialistes. Ce fut d’abord le fruit, avec l’appellation fraise des bois, car, disaient les socialistes, il n’y a pas d’éléphants derrière les fraises des bois. Chacun à son humour. Puis, quand il fallut durcir les attaques, on prit une comparaison plus molle ; vint le tour du flanby. Voilà notre président associé à un dessert enfantin, un flan, écrit avec un n, non un m comme l’exige normalement l’orthographe française. Dans l’association avec le flanby on a retenu la mollesse quand il fallait surtout y voir le hiatus avec la règle.

Le flanby a bercé la jeunesse d’une génération désormais en âge de voter. Il y avait la fameuse publicité télévisée, sur le mode de blague potache, où des enfants étaient invités à tirer une languette pour faire tomber le flan dans l’assiette. Les surveillants d’internat se remémorent surement les horribles batailles de flanby que les élèves ne manquaient pas de provoquer quand ceux-ci étaient servis en dessert. Il fallait alors rappeler que l’on ne joue pas avec la nourriture, et que l’on ne dégrade pas les bâtiments, même à coup de flan. Les plus sportifs ont pu s’exercer au concours de gobage de flanby, avec des records impressionnants à la minute. De nombreuses vidéos sont visibles sur Dailymotion. On comprend qu’Arnaud Montebourg ait interdit l’entrée de capitaux américains dans l’entreprise. Là-bas ils ont le concours du plus grand nombre de hamburgers mangés en cinq minutes. Entre le gobage et l’ingurgitation, il y a une concurrence dont nous ne sommes pas certains de sortir vainqueurs.

Pur produit de l’industrie agroalimentaire, aliment flasque et sans saveur, si ce n’est un léger arôme vanillé, le flanby est le produit type du mélange de la publicité, du marketing et de la consommation de masse. Ce faisant, s’il n’apporte aucune gloire sur le plan culinaire, il est bien un témoin de son époque, compagnon idéal d’enfants au palais immature et non éduqué. Le flanby est sucré et mou, il est à la gastronomie ce que la langue de bois est à la politique. Consensuel, il convient à tout le monde puisqu’il n’a pas d’aspérité, sans pour autant susciter l’adhésion. Il n’est pas clivant, comme on dirait en bon style sociologique.

Que l’actuel locataire de l’Élysée soit associé au flanby est finalement une façon de rendre hommage à la tradition culinaire française, et montre que celui-ci répond bien à la culture de son époque, gavée de télévision et de publicité, et ignorante des splendeurs de la table. S’il veut lui faire plaisir pour fêter les un an de son entrée au Château, le cuisiner du palais pourra concocter un dessert à la Hollande : un flanby fourré aux fraises des bois. Ce serait une façon charmante de détourner l’attaque en fierté, et de pouvoir laisser quelque chose de positif à la postérité.


Sur le web.

Voir le commentaire (1)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (1)
  • Juste un detail pour l’auteur (qui est professeur d’histoire) : pour le porc-epic, il etait le symbole de Louis XII et non de Louis XI.

    Desole !

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Lors de son discours de politique générale, Gabriel Attal a annoncé deux milliards d’euros de baisses d’impôts pour les classes moyennes, financées par la solidarité nationale.

En langage courant, cela signifie payé par les riches. Les classes moyennes ne devraient pas se réjouir trop tôt : François Hollande avait déjà opéré ce type de transfert fiscal au début de son quinquennat et pour lui, être riche commençait à 4000 euros par mois. Le jeune Gabriel Attal était à cette époque membre du cabinet de Marisol Touraine. Le fruit ne tombe... Poursuivre la lecture

Par Victor Fouquet. Un article de l'IREF

Après l’Assemblée nationale le 5 juin, le Sénat a, à son tour, rejeté le 3 juillet les deux projets de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour les années 2021 et 2022, les dépenses du budget de l’État atteignant un niveau historiquement élevé malgré un contexte de reprise économique.

Pour rappel, le Parlement avait déjà rejeté le projet de loi de règlement pour 2021 l’été dernier. Si elle n’a pas de conséquences financières à proprement parler, l’absence de loi de règ... Poursuivre la lecture

0
Sauvegarder cet article

Par Jean-Baptiste Noé.

L'amer Picon d'Algérie

Le Picon nous renvoie à une page coloniale de l'histoire de France, celle où l'Algérie était intégrée au territoire national et où les soldats mouraient de dysenterie et d'eau contaminée. Dans le désert saharien, la soif est une contrainte perpétuelle et les eaux sont très souvent impropres et tuent les corps en transportant de nombreuses maladies. Envoyé en Algérie au début des années 1830, Gaétan Picon découvre le paludisme et les fièvres qui rongent de nombreux soldats.

Lui aussi ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles