Nigeria : Terrorisme et échec de la force

Des affrontements entre armée et islamistes, des membres présumés de Boko Haram, ont causé la mort de 191 personnes le 19 avril à Baga, un village reculé du nord du Nigeria.

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Une jeune fille parmi les ruines brûlées d'une partie de la ville de Baga, au Nigeria (photo prise à l'aide d'un portable).

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Nigeria : Terrorisme et échec de la force

Publié le 26 avril 2013
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Des affrontements entre armée et islamistes, des membres présumés de Boko Haram, ont causé la mort de 191 personnes le 19 avril à Baga, un village reculé du nord du Nigeria.

Par Japheth Omojuwa.
Un article de Libre Afrique.

Une jeune fille parmi les ruines brûlées d’une partie de la ville de Baga, au Nigeria (photo prise à l’aide d’un portable).

Le gouvernement nigérian a été la dernière institution à prendre position sur le massacre de Baga. Ce dernier constitue une débâcle et une honte pour toute société digne de ce nom, et n’aurait jamais dû arriver. Ce qui est arrivé à Baga est un crime contre l’humanité. Certains citoyens ont justifié les massacres de Baga en expliquant que les victimes cachaient en réalité des terroristes et devaient donc tomber avec eux. Ceux qui tiennent ce genre de discours n’ont aucune idée de ce que c’est que de vivre dans ces villes terrorisées. Les habitants de ces villes ont à choisir entre la peste et le choléra. Un citoyen assez intelligent pour se rendre à la police pour signaler des suspects de terrorisme sera susceptible de voir sa famille disparaître le lendemain.

La stratégie secrète des forces de sécurité nigérianes a été, au mieux, stupide. Pourquoi pense-t-on que des évasions de prison, même dans les prisons les plus apparemment inexpugnables, se produisent à intervalles réguliers ? La réponse est assez simple : le système de sécurité a été infesté par les insurgés. Il y a des chances que lorsque l’on fait une déposition sur des suspects de terrorisme dans sa ville, l’on s’adresse en réalité à l’un de leurs informateurs. Un autre facteur qui rend extrêmement difficile la collecte de renseignements, c’est que les gens trouvent maintenant qu’il est difficile de savoir qui sont en définitive « leurs » terroristes : ils sont terrorisés par la Joint Task Force (JTF) autant qu’ils le sont par Boko Haram. Cela leur laisse avec une option limitée : partir ou mourir ? Mais partir pour aller où ? Ainsi ils se font tuer par des terroristes de différentes obédiences ou attendent la mort. Cette description est encore très loin de la réalité de la peur et de la terreur vécue dans le Borno et dans d’autres États du nord-est sous le joug du terrorisme, mais elle offre au moins une certaine perspective.

Il est profondément blessant de blâmer les habitants innocents de ces villes pour le mal qui s’est abattu sur eux. Des discussions avec des jeunes qui ont été témoins de premier plan de la terreur dans le nord permettent d’éclairer les choses : nous n’avons aucune idée de ce que c’est que d’être ennuyé par la JTF le jour et Boko Haram la nuit. Il ne s’agit pas ici de faire de la critique facile de la JTF mais juste de noter que quelles que soient les bonnes intentions de sa présence là-bas, elle a accompli leur tâche d’une manière qui a créé un fossé entre eux et les gens mêmes qui doivent leur faire confiance. « Vous ne pouvez pas me tuer pour me sauver ». Les dommages collatéraux dans la lutte contre le terrorisme sont devenus le principal dommage. La stratégie de la JTF a depuis échoué et le gouvernement nigérian doit accepter ce fait. Les anciens de Borno ont conseillé le Président sur d’autres options pour faire face à la question du terrorisme, mais celui-là, dans sa grande sagesse, a fait la sourde oreille.

La plupart des dirigeants du Nord croient que l’amnistie est le dernier recours, mais c’est une mesure qui est plus susceptible de faire continuer notre domino national de la violence. Il est compréhensible de vouloir toute solution qui mette un terme à ces meurtres (à Baga, 191 morts aux dernières nouvelles) mais il faut être prudent pour trouver des solutions qui durent. Le programme d’amnistie du Delta du Niger ressemblait à une solution ingénieuse mais nous savons maintenant que c’est faux. On n’aurait jamais dû faire cela. On a accordé l’amnistie aux terroristes mais maintenu la majorité de la population dans la pauvreté. Les visages des criminels ont changé, mais les crimes demeurent les mêmes. Tout programme d’amnistie qui n’inclut pas l’amélioration des conditions de vie des gens dans le nord-est ne sera pas seulement un échec, mais viendra nous hanter tous pour longtemps. La pauvreté et le chômage dans le nord-est restent les plus élevés du pays. Il nous faut penser à toute la société et pas seulement ceux qui ont les armes. Si nous pacifions ceux qui ont les armes aujourd’hui, les mêmes graines qui les ont amenés à maturité viendront à faire la loi à nouveau. Quoi que nous fassions, le temps n’est pas de notre côté. Ces morts doivent cesser. Que les âmes innocentes perdues à Baga reposent en paix.


Sur le web.

Japheth Omojuwa est analyste sur AfricanLiberty.org.

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