La crise de l’Euro pour les nuls

La crise de l’Euro peut se résumer au final assez facilement.

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La crise de l’Euro pour les nuls

Publié le 14 avril 2013
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La crise de l’Euro peut se résumer au final assez facilement.

Par Guillaume Nicoulaud.

Lors du référendum du 20 septembre 1992, 34,4% du corps électoral français se prononçait en faveur de l’adoption du traité de Maastricht contre 33% de « non ». Ce jour-là, nous avons fait une promesse ; nous nous sommes engagés en tant qu’État à respecter un certain nombre de règles budgétaires qui incluaient – notamment – un déficit budgétaire inférieur ou égal à 3% du PIB et une dette publique brute inférieure ou égale à 60% du PIB. C’était le Pacte de Stabilité et de Croissance.

Que l’initiative de ce pacte soit d’origine teutonne, c’est l’évidence même et nul ne songe à le contester [1] ; mais si les pro- et les anti-Maastricht ont été particulièrement volubiles dès lors qu’il était question de le dénoncer ou de l’encenser, on a rarement entendu quiconque expliquer pourquoi, précisément, nos voisins d’outre-Rhin en avaient fait une condition de leur participation à la monnaie unique.

Unicité de la politique monétaire

Toutes choses égales par ailleurs, si l’un des États d’une zone monétaire s’endette plus que de raison, il est plus que vraisemblable que le taux auquel il peut espérer emprunter augmente. Il y a, à cela, au moins trois raisons. D’une part, c’est la loi de l’offre et de la demande : à offre de financement constante, une augmentation de la demande se traduira par une hausse du prix – c’est-à-dire du taux. Par ailleurs, ce surcroît d’endettement se traduira par une dégradation de sa solvabilité et donc, par un taux plus élevé. Enfin, un État endetté est toujours tenté d’utiliser la planche à billet pour financer ses dépenses ; c’est-à-dire, en l’occurrence, de quitter la zone, rétablir une monnaie nationale et la dévaluer dans la foulée – d’où la prudence de ses créanciers et donc, encore une fois, des taux plus élevés.

Or, sur le territoire qu’il contrôle (fiscalement), l’État est par nature l’emprunteur qui bénéficie des taux les plus bas [2] pour la bonne et simple raison qu’il peut fiscaliser ses résidents à loisir avant d’être lui-même en situation de faillite. Dès lors, lorsque le taux auquel l’État emprunte se dégrade, ce sont tous les taux pratiqués sur son territoire qui se dégradent avec – des banques aux particuliers en passant par les entreprises : le coût des emprunts augmente pour tout le monde ce qui, naturellement, entraine une contraction du crédit, une baisse de l’investissement et donc de la croissance.

En principe, nos États modernes disposent d’un instrument adapté à ce type de situations : la politique monétaire. En l’occurrence, en bonne application du policy mix néokeynésien, cette phase d’endettement de l’État est supposée coïncider avec le moment où la banque centrale fait justement baisser les taux en injectant de la monnaie dans le système. Seulement, dans notre scénario, l’unique banque centrale se trouve confrontée à une situation inextricable : dans une partie de la zone, les taux s’envolent et dans l’autre, ils s’effondrent [3]. En d’autre terme, il est impossible de mettre en œuvre une politique monétaire unique.

Passager clandestin

La seule solution autre qu’une explosion pure et simple de la zone consiste donc à rétablir l’unicité de la politique monétaire et donc, à faire baisser manu militari les taux des États endettés. La méthode est des plus simples : il faut et il suffit que la banque centrale achète massivement leurs obligations sur le marché et, pour ce faire, qu’elle créé de la monnaie. Or voilà, non seulement les Allemands ont, profondément ancrés dans leur mémoire collective, une aversion certaine pour ce type de politique [4] mais en plus, ils ont bien compris que cela reviendrait ni plus ni moins qu’à leur faire payer – via la dévaluation de l’euro – les errements de leurs voisins dépensiers. C’est évidemment une perspective que nos voisins d’outre-Rhin, qui ont déjà payé le prix de la réunification puis de l’Agenda 2010, refusent corps et âme.

C’était précisément pour éviter ce scénario, pour empêcher que certains États membres de la zone euro se comportent en passagers clandestins, que les pères de l’euro avaient institué les critères du Pacte de Stabilité et de Croissance. En s’engageant à les respecter, chaque pays garantissait qu’il ne chercherait pas à faire peser le poids de ses dépenses publiques sur les épaules de ses voisins.

Rupture de contrat

Les promesses, surtout en politique, n’engagent que ceux qui les écoutent. Ironiquement, ce sont la France et l’Allemagne qui, dès novembre 2003, vont être les premières à obtenir que la procédure de remise en ordre des finances publiques prévue par le traité de Maastricht ne leur soit pas appliquée. C’est de cette première rupture du contrat que découlera toutes les autres : comment exiger de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie ou du Portugal qu’ils respectent des engagements que les deux fondateurs de l’union monétaire ont été les premiers à renier ?

Et ce qui devait arriver arriva. Le scénario catastrophe que le Pacte devait permettre d’éviter – du moins, en théorie – s’est déroulé point par point et nous en sommes arrivés au moment où, sauf miracle de dernière minute, nous allons tous devoir choisir entre le nettoyage des écuries budgétaires d’Augias et la monétisation pure et simple d’une partie conséquente de nos dettes publiques.

Dans le premier cas, il est probable qu’un et même plusieurs pays d’Europe du sud finissent par faire sécession ; dans le second, c’est l’Allemagne qui quittera la zone euro. Ce dernier scénario n’a rien d’improbable : un sondage [5] réalisé début mars révélait qu’un bon quart de l’électorat d’outre-Rhin envisageait déjà de voter pour Alternative für Deutschland, un nouveau parti explicitement partisan d’un abandon de l’euro. Étant donnée la tournure que prennent les opérations, je les comprends : moi aussi, Ich bin ein Berliner !


Sur le web.

Lire aussi : Hors de la zone euro, point de salut ?

  1. On peut même être encore plus précis et citer le nom de son inventeur : Theo Waigel, ancien ministre des finances de la République Fédérale.
  2. Comme pour toute règle, il existe des exceptions mais elles sont suffisamment rares pour ne pas en tenir compte.
  3. C’est un phénomène classique en cas de crise : les investisseurs fuient les dettes risquées pour se mettre à l’abri sur les dettes les plus sûres (on appelle ça un flight to quality).
  4. L’hyperinflation de la République de Weimar en 1922-23 qui a atteint son paroxysme en octobre 1923 : les prix doublaient en moins de quatre jours.
  5. Sondage réalisé par l’institut TNS-Emnid pour le compte du magazine Focus sur les intentions de vote lors des élections fédérales de septembre prochain.
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  • Très bon article, je trouve vraiment ça super de faire des textes simples et pédagogiques pour tous afin de lutter contre la méconnaissance économique.

    Je pense par contre qu’il faudrait peut être reformuler cette phrase :
    « D’une part, c’est la loi de l’offre et de la demande : à offre de financement constante, une augmentation de la demande se traduira par une hausse du prix – c’est-à-dire du taux »
    Vous parlez ici bien sur du « prix » de l’endettement mais après l’autre très bon article sur les obligations expliquant que le prix de l’obligation monte quand les taux baissent, cela peut prêter à confusion il me semble.

  • Parmi les vices fondamentaux du traité de Maastricht, il y a l’institution de ces deux normes arbitraires de déficit autorisé (pour ne pas dire encouragé) et d’endettement tout aussi autorisé, le tout sans pénalités en cas de dépassement… La plupart des pays, dont la France, ont triché (le verbe) afin de lancer rapidement la monnaie unique, et la règle a même été assoupli (critère sur un an au lieu de trois) pour élargir plus vite la zone… Le plafond de 3 % de déficit a été imaginé en France sur un coin de table sous Mitterrand « pour » la France en 1981.
    http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/09/29/le-deficit-a-3-du-pib-un-chiffre-ne-en-france-en-1981_1767684_823448.html
    Le spectaculaire des annonces a toujours prévalu sur la qualité des décisions…

  • Il me semble qu’il manque dans ce papier les fondements de pourquoi l’euro est une construction technocratique qui ne peut pas marcher.
    En effet, l’une des raisons est que ce sont les états qui empruntent « sur leur bilan » et que la monnaie est gérée en dehors de cet état. C’est à dire que le taux de base ainsi que le taux de change, les deux leviers d’une politique monétaire, sont entre des mains étrangères. Cela ne peut pas marcher. Avant ce Frankenstein monétaire, quand un pays du sud, par exemple l’Italie glissait en compétitivité vis à vis de l’Allemagne, elle faisait une dévaluation qui rétablisait les équilibres. Actuellement, la seule façon pour les pays du sud est de se faire hara kiri via une espèce de dévaluation interne avec la même monnaie.
    Pire, l’euor a permis des monstruosités comme la bulle immobilière espagnole. Avec la peseta, jamais l’Espagne aurait pu emprunter autant sur les marchés pour construire des milliers de logements et autres bâtiments.

  • Je suis d’accord avec ça,

    mais que penser de la théorie pour les pays du Sud, de la grande difficulté a vivre avec une monnaie aussi forte que celle de l’Allemagne ? Quand on passe d’une monnaie qui valait 200 drachme pour 1 euro, à l’euro… ça fait un choc sur la compétitivité à a baisse, non ?

    Ne faut-il pas mixer ces facteurs pour expliquer la crise euro ? Considérer qu’avoir tous la même monnaie, sans transferts budgétaires qu’offre un Etat unique, a accéléré l’endettement déjà fort des gouvernements irresponsables et incompétents ?

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